Mère violente : la fin du cauchemar
Ma mère est une perverse narcissique, violente et alcoolique. Il y a trois ans, ma sœur et moi vivions encore avec elle. Mes deux grands frères étaient déjà partis de la maison. Ma mère (que j’appelle désormais ma génitrice) nous terrorisait et nous frappait. La violence, c’était une habitude chez elle. Elle faisait ça avec mes frères, mon père (qui lui aussi n’est plus qu’un géniteur pour moi), mon parrain et le père de mes frères. Plus jeune, elle frappait aussi son frère et sa sœur. Cette histoire s’est terminée il y a trois ans, mais j’en garde des séquelles. Pour moi, tout cela est arrivé hier.
Je rentrais chez moi avec la boule au ventre. Je devais cacher les bleus sur tout mon corps quand j’allais au collège. Personne ne les voyait. Je n’ai jamais osé parler de tout ça aux professeurs ou à la psy scolaire. J’étais sous son emprise. Beaucoup de gens m’ont demandé pourquoi je n’en avais parlé à personne : la peur.
Je n’ai plus honte de le dire aujourd’hui. Mon père a quitté ma mère quand j’avais 6 ans, mais j’ai eu la chance d’avoir celui de mes frères à mes côtés. Il me considère comme sa fille. Lui aussi prenait des coups devant nous. Très souvent. Certains diront que c’était un lâche de n’avoir prévenu personne, mais moi je sais qui est ma mère. Je sais la peur que peuvent générer les pervers narcissiques. Ils savent rabaisser les personnes qui les entourent et leur faire croire qu’ils ne sont rien.
Le poids du silence
Alors oui, il a fait comme il a pu. Je ne vous dis pas que rester se prendre des coups était la meilleure chose à faire, mais c’était déjà tellement courageux de rester… Le temps est passé et ma génitrice a viré mes deux frères de chez nous. Je me suis donc retrouvée seule avec ma sœur. Ce fut la pire période de ma vie. Je gardais des contacts en secret avec mes frères et mon parrain grâce à mon téléphone. On pouvait les appeler quand on sortait notre chien. On racontait tout ce qu’il se passait : les coups, la violence physique et psychologique… Je les suppliais de ne prévenir personne, car j’avais peur de la réaction de ma mère. Ça peut vous paraître bête et à moi aussi avec du recul, mais c’est comme ça que je le ressentais sur le coup.
Ma génitrice sortait tous les soirs dans des clubs pour boire et voir du monde… On pourrait penser que sa violence était due à son alcoolisme, mais non. Elle faisait subir ce genre de traitement aux autres, bien avant qu’elle ne plonge dans l’alcool.
La libération est arrivée un soir de Noël. Ma mère avait décidé d’inviter mes frères, mais tout a dérapé. Ce soir-là, ma génitrice a essayé de poignarder l’un d’entre eux. Il est donc parti après une grosse « dispute ». Mon autre frère est resté car ma mère était totalement folle. Elle faisait peur, mais beaucoup plus que d’habitude. La soirée n’est allée qu’en empirant. Je suis partie.
OUI. Enfin sortie de ce cauchemar, mais pas pour très longtemps. Avec ma sœur, nous sommes restées six mois chez mes frères. Pendant ce temps, ma mère nous faisait croire qu’elle se faisait soigner… et on y a cru… C’était notre maman. On est donc revenues chez elle, mais tout est reparti comme avant. On n’avait plus le droit de parler à mes frères et à mon parrain.
Sortir de l’emprise et de la violence
Ils ont pris la décision d’appeler les services sociaux. L’enquête sociale a commencé. Deux femmes sont venues au moins trois fois chez ma mère pour parler avec nous. Ma sœur et moi, on n’a pas raconté tout de suite ce qu’il se passait, parce qu’on avait peur. Puis, il y a eu l’audience au tribunal. Ma sœur et moi avions un avocat : même à lui, on n’a rien dit.
On avait décidé de parler, mais seulement devant la juge. Ce qui n’était pas très malin. Elle nous a d’abord reçues, avec notre avocat, et on a pu tout dire. Je pense qu’elle a vu la détresse en nous. Puis, elle a reçu mes frères, mon parrain, mon géniteur et ma mère en même temps. Je ne pourrais pas vous dire exactement ce qui s’est dit dans ce bureau à ce moment-là. Quand ils sont sortis, la juge nous a annoncé sa décision : on était, ma sœur et moi, placées chez mes frères !
On est restées à peu près neuf mois chez eux, en étant suivies par une éducatrice. On avait des rendez-vous avec elle, une psy et ma mère. Des visites pour garder un lien avec ma génitrice. Au début, c’était dur. On parlait de la pluie et du beau temps. Quand on parlait de sujets plus sérieux, je n’arrivais pas à garder mon calme, alors l’éducatrice nous demandait d’arrêter.
Au bout de ces neuf mois, il y a eu une nouvelle audience, et l’éducatrice a dû rédiger un rapport. Nous voulions être placées chez notre parrain, parce que mes frères étaient beaucoup trop jeunes (21 et 23 ans) pour s’occuper de nous, et ça n’était pas leur rôle. Je voulais vivre avec mon parrain, que je considère comme mon père. La juge nous a donc placées chez lui. C’était le « tiers digne de confiance » aux yeux de la loi. Mais, à mes yeux, j’étais enfin à ma place. Je reprenais confiance en moi. J’avais de nouveau des amis. Une vie de jeune fille de 13 ans quoi !
Je ne lui pardonne pas
Avec ma sœur, on a continué à être suivies par l’éducatrice, mais ma mère a pris la décision de ne plus venir aux rendez-vous. On était seules avec l’éducatrice et la psy. On est restées une année de plus chez notre parrain. Mon géniteur, lui, n’était déjà plus là. Il n’a plus donné de nouvelles aux services sociaux, ni à nous. Je ne saurais vous dire pourquoi, mais ça n’a plus d’importance à mes yeux.
Ma sœur continue de voir une psy. Moi, en revanche, j’ai toujours refusé. Peut-être à cause de ma fierté… Aujourd’hui, je garde des séquelles et je continue les rendez-vous avec l’éducatrice. Mais toujours sans ma mère. J’ai assisté à la dernière audience il y a quelques jours, ma mère a décidé de ne pas venir. Ni mon père. Pour la juge, ça voulait tout dire. La réponse était évidente. Ma sœur et moi allons pouvoir rester chez notre parrain, définitivement.
Il y a parfois des frontières invisibles entre deux personnes. Grimalkin habite sous le même toit que sa mère et, pourtant, lui parler est impossible.
Aujourd’hui, je n’ai plus de contacts avec ma mère. Les parents ne sont pas forcément des personnes bien. Donner la vie ne donne pas tous les droits, et n’excuse pas certains actes. Je peux totalement comprendre que cette réalité est dure à accepter et à comprendre pour certains. Ils disent que l’on peut tout pardonner à ses parents car ce sont nos parents. Pour ma part, je ne suis pas d’accord. Non, on ne peut pas tout pardonner…
Sara, 15 ans, lycéenne, Villeurbanne
Crédit photo Pexels // CC Lisa Fotios
200 enfants sont victimes de maltraitances (physiques, psychologiques, sexuelles) chaque jour en France.
20 % des enfants victimes de maltraitances (physiques, psychologiques, sexuelles) restent handicapé·e·s à vie.
94 enfants (au moins) sont mort·e·s suite à des maltraitances en 2019.