Le seul athée de la famille
« Fais attention, Dieu te regarde » ; « C’est grâce à Dieu. » Ces phrases, je les entendais souvent quand j’étais plus jeune. À l’époque, elles ne me semblaient pas problématiques, bien au contraire : j’y croyais profondément. Mais aujourd’hui, mon regard a changé.
Comme beaucoup d’enfants ayant grandi dans une famille religieuse de tradition, ma foi en Dieu était totale et inébranlable. Par « famille religieuse de tradition », j’entends que mes parents sont musulmans davantage par habitude et transmission que par réelle conviction.
Quand un enfant grandit dans ce cadre, il se doit d’y croire. À chaque proposition qui m’était faite, ma réponse était « Incha’Allah », et chacun de mes actes était guidé afin d’éviter de contrarier Dieu. À l’école, j’ai toujours été assez bon. Selon mes parents, c’était une bénédiction de Dieu, au détriment de mon travail personnel.
Alors je m’en remettais à sa grâce, du haut de mes 8 ans. Hors de question de ne pas le remercier. Je priais également. Une fois par jour, avec mon père. C’était l’occasion de passer un moment seul avec lui. Je me sentais spécial, surtout pendant le ramadan quand mon père me félicitait d’avoir tenu mon jeûne.
Premières remises en question
En arrivant au collège, le doute a commencé à s’installer autour de ma foi. Mes réflexions sur le Coran se sont intensifiées, mon sens critique s’est affiné et les questions laissées sans réponse concernant Dieu se sont accumulées.
Je me suis aussi rendu compte que ma famille était en contradiction avec la religion. Surtout mon père. Il est devenu vulgaire et ne priait plus. J’ai compris qu’il n’était plus, ou n’avait jamais été, l’homme que je pensais vertueux et sans défaut.
Quand je partageais ces réflexions avec ma mère, elle ne voulait pas en discuter. Elle a toujours préféré préserver le calme à la maison plutôt que d’affronter les conflits. Après plusieurs longues conversations, je lui ai avoué que je n’étais plus croyant. Elle ne m’en a pas voulu et a fait preuve d’une grande compréhension. Elle m’a simplement dit : « Tu peux faire ce que tu veux, tant que ça ne fait de mal à personne. »
Malgré ses réconforts, je ressentais un profond sentiment amer. Voir des gens de mon entourage se conforter dans le déni et l’ignorance me devenait insupportable.
« Plus honnête avec moi-même »
Aujourd’hui, mon rapport à la religion est assez paradoxal. Bien que je ressente un certain dégoût pour la dévotion, la majorité de mes amis sont croyants. J’ai de la chance qu’ils sachent faire la part des choses vis-à-vis de ma position.
À la maison, je continue de faire le ramadan, par respect pour ma famille. Ce serait prétentieux de ma part de leur imposer ma vision des choses, tout comme ils l’ont fait avec moi lorsque j’étais plus jeune. Après tout, leur manière de vivre leur foi, c’est entre eux et Dieu, et je ne compte pas m’immiscer dans l’équation.
Depuis que je me suis éloigné de la religion, j’ai le sentiment d’être plus honnête avec moi-même et d’avoir repris ma vie en mains. Je ne m’interdis rien tant que ça ne fait pas de mal aux autres. Mes paroles et mes actes sont désormais sincères, dénués de toute volonté de plaire à une entité supérieure.
Rayan, 19 ans, en reconversion professionnelle, Paris
Crédit photo Pexels // CC Mohammad Alim
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