Salmane B. 10/06/2022

Législatives : j’incite mes potes à voter

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Dans le quartier de Salmane, peu d'habitants votent. Alors, il s’est donné une mission : les convaincre de mettre un bulletin dans l'urne.

Mon défi, c’est de convaincre les jeunes de se mobiliser pour les législatives. Je veux les informer, parce qu’ils sont moins au courant que c’est important. J’envoie à mes amis des discours de Mélenchon que je trouve sur les réseaux, qui parlent du troisième tour et du fait de l’élire comme Premier ministre.

Il faut convaincre les gens de mon quartier, ici à Sartrouville, de voter pour que les politiciens nous prennent vraiment au sérieux, nous les jeunes et les habitants de quartier populaire. Car cela fait des années qu’on est abandonnés.

J’habite dans un quartier où les gens ne votent pas. Où il y a un très grand nombre d’abstentionnistes, surtout chez les jeunes. Alors, quand l’année dernière, on a vraiment commencé à parler de la présidentielle, je me suis dit qu’il fallait s’engager et convaincre les gens.

Blocus et violences policières

Quand il y a eu la nouvelle réforme pour le baccalauréat à ma rentrée de seconde, j’ai appris l’importance de m’engager. Les anciennes filières S, ES et L ont été supprimées. Il y a eu une grosse mobilisation sur les réseaux sociaux pour faire des blocus et beaucoup de lycées ont suivi. Il y avait des pancartes contre Parcoursup, comme « Parcoursup ou je vends de la stup ». 

Ça m’a marqué parce que les blocus étaient pacifiques mais ça dégénérait toujours avec la police dans les lycées des quartiers populaires, chez moi à Sartrouville, à Argenteuil ou bien à Mantes-la-Jolie. Je participais aux blocus, je bloquais seulement l’entrée et je manifestais. Dès qu’il y avait des débordements avec la police, j’étais spectateur. Mais, pour les médias, on était juste des ados qui bloquaient pour ne pas aller en cours, et qui étaient violents envers la police.

Rompre le silence

Mais ce qui m’a vraiment marqué, c’est que pendant longtemps il y a eu un silence de la part du président de la République et du ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Ça m’a frustré parce qu’on n’avait pas de réponses. Ce qu’on disait n’était pas pris en compte. Ils n’allaient pas modifier la réforme. Ça m’a poussé à m’engager et à ne pas rester à rien faire face à cette situation. Pour moi, il fallait une opposition à ce silence.

Je me suis engagé en diffusant mes idées sur des réseaux comme Twitter. J’ai commencé à m’exprimer sur toutes les inégalités qui me touchent, et qui touchent les jeunes des quartiers. Par exemple, j’ai dénoncé l’affaire Michel Zecler, victime de violences policières. Grâce aux réseaux, j’ai aussi pu me rendre à une manifestation contre l’islamophobie où se trouvaient des députés du parti de Jean-Luc Mélenchon, La France insoumise(LFI). J’ai pu m’entretenir avec eux. Ils m’ont parlé de l’importance du vote et je me suis senti proche de leur parti et des valeurs de l’Union populaire : la justice sociale, la laïcité, l’écologie.

L’arme fatale : la carte d’électeurs

Depuis les manifs, je me suis aussi habitué à regarder les infos : CNews, BFM, Franceinfo, ou le journal de 20 heures sur France 2. Je regarde les débats des politiciens, qui disent presque tous des conneries à tout va. Le racisme est banalisé sur des chaînes comme CNews, BFM ou LCI. Je suis aberré quand je les entends parler des quartiers populaires. Il y avait la phrase de l’écrivaine Zineb El Rhazoui sur un plateau TV : « Il faut que la police tire à balles réelles. » C’était à propos des jeunes de Mantes-la-Jolie qui avaient tendu un guet-apens aux policiers.

Je me suis dit qu’il y avait des politiciens qui pensaient comme elle et qu’il ne fallait en aucun cas que ces gens arrivent au pouvoir. À partir de là, j’étais persuadé qu’il fallait s’engager pour combattre ces gens et que, le seul moyen, c’était de sortir une arme qui leur est fatale : la carte d’électeurs.

Défendre mon quartier pour les législatives

Je viens d’avoir 18 ans et je rentre dans la vie d’adulte. Donc les mesures vont vraiment commencer à m’impacter. Une raison de plus qui m’a incité à aller voter, et à convaincre les autres. Pour moi, le seul parti politique qui nous représentait bien, c’était LFI.

C’était les seuls à proposer des solutions concrètes sur la précarité des jeunes. Par exemple, la conscription citoyenne [service citoyen de neuf mois pour les jeunes de moins 25 ans, comprenant une formation militaire et des tâches d’intérêt général, ndlr] m’aurait apporté de l’expérience en étant rémunéré au SMIC. Si le parti n’avait pas existé, ça ne m’aurait pas empêché d’aller voter. Je ne sais pas pour qui j’aurais voté, sûrement blanc. Mais j’aurais défendu l’environnement qui m’entoure, c’est-à-dire ma banlieue et mon quartier dit « populaire ».

Débattre avec mes proches

Pour convaincre les gens d’aller voter, j’ai débattu avec des potes à moi et des membres de ma famille de ma génération. Si les jeunes sont mobilisés aux élections et que les politiciens s’en rendent compte, ils nous prendront forcément en compte puisqu’ils sont là pour gagner !

J’ai surtout discuté avec quatre potes. Il y en avait trois qui ne voulaient vraiment pas du tout voter. Ça ne les intéressait pas. Ils estimaient que « c’était tous les mêmes », « que rien n’allait changer ». Et donc que c’était « inutile » car « ils promettaient des choses qu’ils n’allaient pas faire dans nos quartiers ». Et le dernier voulait voter pour un autre candidat.

Objectif : législatives

Mon argument pour les contrer c’était que si tu n’es pas impliqué et que les politiques prennent des mesures que tu n’aimes pas, tu ne seras pas légitime pour te plaindre, parce que tu n’as pas donné ton avis au moment où il fallait. S’ils estiment que c’est tous les mêmes, ils n’ont qu’à aller voter blanc. Mais il faut qu’ils fassent quand même leur devoir. Je leur disais qu’on n’avait jamais tenté Mélenchon et qu’il avait un programme qui répondait à nos besoins. Sur la précarité des jeunes, il apportait des solutions. Ils ne connaissaient pas l’allocation autonomie pour les jeunes de 1 063 euros. Ils étaient clairement en galère, et ça les motivait quand je leur disais ça.

Retour, avec des étudiant·e·s de Nanterre, sur la campagne présidentielle de 2022. Une campagne un peu particulière, entre guerre en Ukraine et vidéos TikTok.

Capture d'écran du visuel des podcast de la ZEP, on voit un fond bleu et quatre personnes qui chuchotent et semble se confier des choses. Au dessus est écrit ZEP, LE PODCAST. Il y aussi le titre du podcast "Présidentielle : complètement déconnecté.e.s ?" et la date 08/04/2022

Au final, j’ai réussi à les convaincre. Ils ont voté tous les trois pour Mélenchon.

En vrai, je ne m’attendais pas au résultat Macron – Le Pen. J’étais content du résultat de Mélenchon mais un peu déçu. Et j’étais énervé contre les abstentionnistes et contre tous ceux qui avaient voté Jadot, Poutou, etc. Mais j’ai quand même voté au second tour. Il ne fallait vraiment pas que Marine Le Pen passe ! Non pas que je soutienne Macron, mais je n’avais pas le choix.

Salmane, 18 ans, lycéen, Sartrouville

Crédit photo Hans Lucas © Stéphane Mouchmouche

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