Clémence T. 02/12/2022

Ma mère a terrorisé notre famille

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Clémence a grandi en encaissant les coups de sa mère. Elle a alerté les services sociaux, qui n'ont rien fait. Elle a préféré partir.

Recevoir des coups sans pouvoir riposter, c’était la pire sensation. Depuis toute petite, lorsque ma mère est en colère ou que je ne suis pas d’accord avec elle, elle se met dans tous ses états. Les coups de poings, de pieds, et les claques partent dans tous les sens.

C’est vers 10-12 ans que j’ai commencé à me rendre compte de ce que je vivais. Des envies particulières me sont venues à l’esprit. Des « idées noires », comme on dit. Je voulais me faire du mal, me blesser, me couper avec tout ce que je pouvais trouver : couteau, ciseaux, compas ou coupe enveloppe. Dans la rue, je voulais me jeter sous les roues d’un bus ou de la première voiture qui passait. Je voulais en finir avec mes jours, mettre fin à ce calvaire.

Heureusement, je n’en ai jamais eu le courage.

Tout le monde savait, personne n’a agi

J’ai donc continué de prendre les coups et d’encaisser, malgré la douleur. Je n’en ai parlé à personne.

J’avais néanmoins du soutien. Mes grands-parents étaient là pour mes petits frères et moi. Mais ils n’ont jamais agi, ni appelé les secours.

Mon père était très amoureux de ma mère. Il n’a jamais rien fait pour nous protéger. Il se laissait marcher dessus. Toujours d’accord avec elle. À chaque fois que je demandais quelque chose, c’était : « Va demander à ta mère. » Il savait que s’il disait ou faisait quelque chose qu’il ne fallait pas, il allait s’en prendre plein la figure.

Lui aussi prenait les coups. Des fois, lorsqu’ils se battaient en pleine nuit, je les entendais crier. Je me levais et j’essayais de les séparer. Ma mère disait que ça ne me regardait pas et qu’il fallait que je retourne au lit. Mais mon père me disait d’appeler la police. Je n’avais pas le courage de le faire, et lui non plus d’ailleurs.

Résultat, ma mère a continué de nous frapper tous les quatre.

J’ai décidé de parler

En 2021, je suis rentrée en études supérieures. J’ai décidé d’enfin en parler à quelqu’un. Dans mon lycée, il n’y avait pas d’assistante sociale. J’ai donc contacté la conseillère pédagogique. Je lui ai parlé de tous mes soucis familiaux, de mes peurs et craintes.

Elle m’a suggéré de porter plainte, mais je trouvais ça trop complexe et trop engageant. On a parlé du 119, le numéro de l’aide sociale à l’enfance en danger. Je les ai appelés, et j’ai donné toutes mes informations.

La procédure a commencé.

Plusieurs semaines après, le service d’évaluation m’a contactée pour avoir plus de renseignements. Ils m’ont dit qu’ils enverraient un courrier à mes parents pour avoir un entretien avec eux.

Le courrier est arrivé plusieurs semaines après. C’est là que ça s’est compliqué. Mes parents n’étaient pas bien. Ils ne savaient pas d’où ça venait, ni qui les avait dénoncés. Les soupçons se sont tournés vers moi, la seule de la maison à se plaindre de prendre des coups. J’ai nié en bloc.

Ma mère a continué de me faire la misère.

Rien n’a changé, je suis partie

Ensuite, les rendez-vous ont eu lieu. Mes parents ont été interrogés par les assistantes mais ça n’a pas été plus loin.

À la Toussaint, mes parents sont partis en vacances. Les assistantes sociales sont passées à la maison. J’étais toute seule. Elles m’ont posé des questions : « Depuis quand ? Pourquoi ? Qu’est-ce qui provoque ces situations ? », etc. Quand elles m’ont dit que c’était ma parole contre la leur, et qu’elles ne pouvaient pas faire grand-chose, j’ai su que c’était fini. Il n’y avait pas de solution possible. La situation resterait telle quelle.

Mes parents avaient mis une caméra dans la maison. Ils ont tout surveillé et tout entendu. Ils m’ont appelée et voulaient me mettre à la porte. Les disputes au téléphone ont aggravé la situation.

En rentrant, ma mère est directement venue me prendre les clés de la maison. J’ai alors pris la décision de partir. Après avoir appelé mes grands-parents paternels, j’ai pris l’essentiel de mes affaires et je suis partie chez eux.

Roméo a été battu par son beau-père pendant plusieurs années, sous le regard de sa mère et dans l’indifférence générale.

Un homme est plongé dans le noir, face à son lit. Derrière lui, la lumière du dehors provenant de la fenêtre l'éclaire légèrement.

Mes parents me versaient une pension alimentaire. Je les avais un peu obligés car sinon, je ne pouvais pas vivre, ni manger le midi. Puis, mon copain m’a proposé à plusieurs reprises de venir habiter chez lui. Après mûre réflexion, j’ai fini par accepter.

Aujourd’hui, je n’ai plus de contact avec ma famille. Seulement avec mon petit frère de 16 ans. Lorsque je vais chercher des affaires, c’est lui qui me les apporte, car ma mère ne veut vraiment plus me voir.

Clémence, 18 ans, étudiante, Bry-sur-Marne

Crédit photo Unsplash // CC Kelly Sikkema

 

 

Les violences infantiles en chiffres

200 enfants sont victimes de maltraitances (physiques, psychologiques, sexuelles) chaque jour en France.

20 % des enfants victimes de maltraitances restent handicapé·es à vie.

94 enfants (au moins) sont mort·es suite à des maltraitances en 2019.

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