Chloé R. 08/12/2023

Ma mission : les emmener voir la mer

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Un enfant sur dix ne part pas en vacances pour des raisons financières, selon l'Insee. Chloé et ses amis, bénévoles à la Croix-Rouge, ont organisé un séjour à la mer pour six familles logées dans un hôtel social. Des souvenirs inoubliables pour les enfants, mais aussi pour elle.

« Les gars, gros projet en vue ! Réunion lundi prochain pour parler organisation. » Message envoyé par Gabriel, responsable jeunesse de l’unité locale des Yvelines sur notre groupe Whatsapp « Vacances Croix Rouge été 2022 ». Dedans, on est six bénévoles : lui, Greg, Sarah, Octave, Margot et moi. On a tous·tes entre 18 et 21 ans. Gabriel nous explique qu’il a choisi les bénévoles les plus régulier·es et investi·es pour faire partie de ce projet.

Mon engagement à la Croix-Rouge commence à la fin du lycée, en 2020. Ma pote Margot était bénévole là-bas et m’a inscrite. Je fais partie du pôle « Croix-Rouge Jeunesse ». Cette branche a pour but de mettre les jeunes au cœur de l’action. En gros, on est une bande de jeunes qui réalisons et supervisons plusieurs projets civiques et sociaux.

Dans le 78, on organise pas mal d’activités avec des enfants dont les familles sont placées en hôtel social : sorties culturelles (musée, cinéma, théâtre) et activités manuelles (cuisine, bricolage, coloriage). On agit aussi dans les centres de soins médicaux et sociaux pour les adultes en situation de handicap. On met en place des collectes et des distributions de produits alimentaires et d’hygiène. On essaie, du mieux qu’on peut, de se rendre utile au sein de notre département.

Tout organiser de A à Z

Pour les vacances à la mer, notre plus gros dossier c’est la « pré-organisation ». Il faut trouver un hébergement qui soit abordable et capable d’accueillir un grand groupe, dans une ville balnéaire accessible. On doit établir le programme de la semaine et proposer des activités pour chaque jour. Les transports doivent être réservés, les dates fixées. Pour être honnête, l’organisation d’un big projet comme celui-ci, c’est bien loin d’être une partie de plaisir.

Après un nombre incalculable de mails et d’appels, le projet est validé par le personnel administratif de l’unité. On prévient les familles bénéficiaires. Il s’agit de familles logeant à l’hôtel social au Port-Marly. On part avec six d’entre elles. Ce qui fait un total de 27 bénéficiaires, 19 enfants dont deux en situation de handicap. L’organisation est bouclée : direction Argelès-sur-Mer du 21 au 30 juillet.

Arrivé·es au camping des Abricotiers, on guide les familles vers les bungalows. Les enfants, impatient·es, n’ont qu’une envie : explorer le camping de fond en comble. Piscine, tables de ping-pong, terrain de volley et tennis, salle d’arcade, les enfants ne sont pas prêt·es de s’ennuyer. « C’est un camping 4 étoiles que vous nous avez pris », nous lance l’un d’entre eux. En réalité, notre hébergement n’est pas étoilé, je réalise que même le camping est un luxe pour nos jeunes.

Premières sensations fortes

Le soir même, une « boum » est organisée. Au programme : musique des années 80, fumées et lasers en déco, dancefloor. On retrouve nos familles. Elles ont troqué leurs habits de ville contre des shorts, débardeurs, jupes, claquettes. Nos enfants commencent à jouer avec les autres enfants du camping. Ça fait des battles de danse, ça joue à chat, ça discute, ça chante. Dès la première boum, des amitiés et des amourettes se forment. Je regarde nos bénéficiaires respirer la joie de vivre et je lâche à Margot : « Ça sent les vacances. »

Nous, bénévoles, on se charge de l’organisation et du bon déroulement du séjour. On gère également le budget des activités. L’après-midi, on jongle entre piscine, sorties au centre ville, jeux en plein air, baignade à la mer. Les familles peuvent aussi faire leurs activités indépendamment des activités proposées. Quand on demande aux petit·es ce qu’elles et ils veulent faire l’aprèm, elles et ils nous répondent du tac au tac : « On veut aller à la mer. » Pour certain·es, c’est leurs premières vacances à la mer et même, leurs premières vacances tout court.

L’activité la plus mémorable reste la bouée tractée. Le principe est simple : une bouée en disque est accrochée par un fil à un bateau en mouvement. Le but est de « tenir » sans tomber dans l’eau. « C’est de la rigolade », « c’est pour les bébés » nous sortent les jeunes. J’ai hâte de les voir en action. On s’arme de nos gilets de sauvetage, on écoute les consignes et c’est parti. Le groupe des moins de 12 ans commence. Surexcité·es, les jeunes s’élancent dans l’eau et s’accrochent à la bouée. Le bateau démarre. On les regarde, amusé·es, se faire secouer dans tous les sens par les vagues et les virages. Les parents filment, les ados rigolent. Le bateau revient et la bouée s’échoue sur le sable. C’est avec surprise qu’on les découvre tous·tes en pleurs. Elles et ils ne s’attendaient pas à autant de vitesse et de sensations fortes. Parents, bénévoles, on explose de rire. Après quelques câlins de leurs parents, les enfants étaient trop fier·es d’avoir fait cette activité aquatique.

Sortie de « ma zone privilégiée »

Ces vacances sont, pour l’instant, mes meilleurs souvenirs de mon engagement à la Croix-Rouge. Ce projet, j’y ai participé de A à Z : de sa proposition en passant par sa construction et sa concrétisation. J’en suis tellement fière, et je me sens plus humaine : ce séjour a développé mon empathie, ma compréhension de l’autre, ma sensibilité. J’ai côtoyé pendant une semaine des familles avec des parcours de vie singuliers. J’ai appris tout au long du voyage à les connaître à comprendre leurs histoires, leurs relations, leurs manières de fonctionner.

Étudiante, Aurore était perdue et ne savait pas ce qu’elle voulait faire. C’est en devenant bénévole au Secours populaire qu’elle a enfin pu imaginer son avenir professionnel.

Capture d'écran de l'article "Le bénévolat au secours de mon orientation", illustré par une photo d'une distribution alimentaire. On voit, de face, une femme donner des paquets de café à d'autres jeunes femmes qui sont dos à la caméra.

Je suis sortie de « ma zone privilégiée » en adaptant les activités pour des enfants en mobilité réduite, des enfants qui ne savent pas nager, des enfants avec des troubles du comportement. Honnêtement, ça a été une expérience hyper enrichissante. Juste le souvenir d’une maman qui me lance lors d’une activité « je n’ai jamais vu mon fils autant sourire » donne du sens à l’entièreté de mon parcours de bénévole.

Les autres encadrant·es bénévoles sont devenu·es des ami·es proches et j’ai partagé des moments uniques avec elles et eux aussi. Je referai des projets comme celui-ci sans hésiter. On est même en train de tafer sur nos prochaines vacances avec de nouvelles familles bénéficiaires. J’ai trop hâte.

Chloé, 19 ans, volontaire en service civique, Paris

Crédit photo Pexels // CC Kampus Production

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