« Mon père pense que c’est la guerre dans mon quartier »
Mon père et moi nous nous sommes souvent embrouillés à cause de l’endroit où j’ai grandi. Il pense que le quartier où je vis avec ma mère depuis ma naissance est mal fréquenté. Que mes amis musulmans ont une mauvaise influence sur moi. Parce qu’ils ont une capuche et qu’ils sont habillés en noir.
Je suis en garde alternée depuis que j’ai un an. Avec ma mère, je vis dans un quartier populaire où il n’y a que des immeubles. Avec mon père, on vit dans un village où il n’y a que des maisons.
Mon père me met beaucoup la pression sur l’école. Il ne me parle que de ça. Ça mène souvent à des embrouilles entre nous. Lors de celles-ci, il aime bien tout ressortir. Pour lui, tous les problèmes viennent de mes fréquentations et de mon quartier.
Fake news et idées reçues
Il croit à beaucoup de fausses informations à cause des médias qu’il regarde à la télé, du genre BFMTV. Il n’a pas grandi dans un quartier populaire. Il n’a pas vu tous les bons côtés, les bonnes choses qui s’y cachent et dont on ne parle pas à la télé. Il se fie seulement à ce qu’il entend ou ce qu’il voit à propos des banlieues. C’est-à-dire les bagarres, les vols, la drogue… Mon père pense que c’est la guerre dans mon quartier.
Un jour, je m’étais habillée avec une robe noire et des boucles d’oreille en or pour un anniversaire. Quand il m’a vue, il m’a dit : « C’est horrible, tu sors d’une secte ou quoi ? Tu vas finir femme battue si tu continues… Tu n’es pas la fille que j’aurais aimé avoir. » Pour mon père, le noir a une signification dans l’islam, alors que c’est juste une couleur discrète que les femmes voilées utilisent pour ne pas se faire remarquer.
Il pense aussi que les musulmans obligent leurs femmes à se voiler. Et qu’ils sont violents avec elles. Il m’a interdit de m’habiller tout en noir et m’a punie de sortie pendant deux mois. Si je ne changeais pas mon « comportement », il ne me donnerait plus d’argent.
Mon père a un bon fond, il est juste mal informé et têtu. Je ne lui reproche pas d’être rempli de fausses informations, mais de ne pas m’écouter ou même de ne pas chercher à comprendre l’endroit où j’ai grandi.
Raphaëlle, 17 ans, lycéenne, Yvelines
Crédit Photo Flickr // CC Giovanni Maggiora
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