Myrtille V. 24/01/2025

« Mon père, une mère presque comme les autres »

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Myrtille a perdu sa mère très jeune et a été élevée par son père. Elle a éprouvé à quel point l’absence d'une mère dans la vie de ses enfants est un impensé. Un impensé qui s’est souvent invité dans le quotidien de son père veuf.

À l’école, mon père était le seul homme entouré de mamans à venir chercher ses enfants. Ce moment s’appelait d’ailleurs « l’heure des mamans ». Le directeur, venu rencontrer les parents –  enfin plutôt les mères –  lui avait même demandé quand il pourrait rencontrer sa femme pour signer des papiers. Mon père, en rigolant, lui avait répondu : « Je me présente, je suis la mère de Myrtille. » Et il avait signé.

Ma mère est morte quand j’avais 6 ans et mon frère 4 ans. Depuis, je n’ai vécu qu’avec mon père et mon frère. Personne ne s’attendait à ce que le cancer ait raison d’elle. Notre vie a été chamboulée. Même si ça n’a pas toujours été tout beau tout rose, mon père a bien réussi à garder la tête hors de l’eau. Et il nous a permis – à mon frère et moi – de vivre une vie aussi « normale » que possible. 

Je peux témoigner à sa place de l’injustice faite envers les pères veufs. Et du poids sur les épaules du mien. L’immense responsabilité qui s’est refermée sur lui. Gérer à la fois le travail contraignant et les enfants encore trop jeunes pour comprendre où est passée leur maman. La vie de famille. L’immense tristesse due à la perte de l’amour de sa vie. Le salaire divisé par deux. Tout le boulot administratif. Et, en plus de tout ça : le regard des autres, les stéréotypes et le sexisme. Comme si la société oubliait que les pères solos existent. 

Toujours devoir expliquer

Un jour, j’étais malade. L’école avait fini par retrouver le numéro de mon père et lui avait dit : « Monsieur, nous sommes sincèrement désolés de vous déranger dans votre travail, mais votre fille est malade et nous n’avons pas pu trouver le numéro de votre femme. » Comme si déranger un homme au boulot était bien plus grave que déranger une femme au travail pour la même raison. 

Une autre fois, il avait pris rendez-vous chez le médecin. J’avais 7 ans. On y est allés ensemble. À la fin du rendez-vous, mon père a demandé si c’était possible de vérifier si mes vaccins n’étaient pas en retard. Le médecin lui a répondu : « Ce n’est pas très important, je verrai ça plus tard avec votre femme. »

Plus tard au collège, j’avais rayé la case « mère » sur la feuille de renseignements. J’avais ensuite passé de longues minutes à tenter de faire comprendre à une camarade que je n’avais pas de mère. Elle n’arrivait pas à intégrer. Je me rappelle encore le malaise que ça a provoqué en elle quand, enfin, elle a compris la situation. La fin du cours avait été longue…

Myrtille, 14 ans, collégienne, Paris

Crédit photo Unsplash // CC Nathan Anderson

 

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Père quand ça l’arrangeait, par Salomé, 17 ans. Élevée par sa mère, elle ne connait qu’à peine son géniteur. Plus jeune, elle espérait qu’il assume son rôle de père. Ado, elle a compris qu’il la manipulait, et qu’il la recontactait par intérêt.

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1 réaction

  1. Bonjour, merci Myrtille. Veuf depuis mars 2020 suite à l anévrisme de ma femme, mon enfant est aujourd’hui en sixième.
    Je me suis vraiment reconnu dans votre témoignage. Dans votre regard, je me sens moins extraterrestre. Merci.
    Pensées à nos belles et douces étoiles.

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