Ni famille, ni profs pour m’encourager
J’ai grandi un peu tout seul. Je n’ai pas eu de repères. Ma mère m’a un peu aidé dans mon éducation, mais le reste, je l’ai fait tout seul. Je ne me souviens même pas si mon père était là… mais j’ai vu la différence quand il est parti. Avant, il était toujours dans le salon avec son bureau et son ordi et, quand il est parti, il n’y avait plus rien. Un moment il était là, le soir il n’y était plus. Il est parti parce qu’il avait des problèmes avec ma mère.
Un peu à la même période, j’ai arrêté de travailler, mais ce n’était pas pour ça. C’est juste que je trouvais ça inutile. Ma mère voyait que mes notes étaient basses, mais elle ne disait pas grand chose. Avec ma mère, on n’a jamais parlé d’orientation, elle s’en fiche du métier que je ferai, du moment que j’en ai un.
Ma mère est gardienne d’immeuble et mon père ne travaillait pas. Mon père n’en disait rien de mon orientation comme il passait son temps sur l’ordinateur. Et, après le divorce, je n’ai plus eu de nouvelles de lui. Il était méchant et s’en fichait. Il s’occupait seulement des choses qui se passaient à la maison. À la maison, il voulait que les choses soient faites à sa manière. Une fois, j’ai fait un truc qui ne lui a pas plu et il m’a dit de copier cent fois une phrase.
Je passais mes journées à attendre
J’ai grandi sans repères… Vers la cinquième, j’ai complètement arrêté de travailler. J’étais au fond de la classe, mais j’étais « là », c’est tout. J’attendais juste la fin de l’heure du cours pour jouer aux jeux vidéo. Je n’avais plus envie de travailler, je n’y trouvais plus d’utilité. Dans mon collège dans le 18e, on ne pouvait pas redoubler (jusqu’en troisième) donc, même si je ne travaillais pas, ils me laissaient passer… Je me disais : « Travailler, c’est devenu inutile. » Je passais mes journées à attendre. Parfois, j’écoutais un peu sinon je m’ennuyais. Il y en avait pas mal qui ne faisaient rien, ils faisaient des bêtises un peu partout, dans la cour, dans les couloirs, dans la classe et, avec zéro, ils passaient quand même… Moi, je répondais à une ou deux questions et j’avais 5, 6. Ça se voyait que les profs essayaient, ils donnaient des devoirs, mais un ou deux profs ont complètement abandonné. Ils avaient compris que c’était mort…
Les profs m’ont dit des trucs genre : « Faut que tu travailles, sinon tu vas avoir des problèmes dans ta vie future. » Mais ce n’est pas allé plus loin, c’était comme un conseil : « Si tu ne le fais pas, on ne peut pas faire grand-chose. »
Cette fois-ci, j’ai répondu à tout au contrôle
Avant la cinquième, je crois que je rêvais d’être policier ou un truc du genre. En troisième, j’ai changé deux fois de collège. J’ai redoublé deux fois, puis on m’a dit d’aller au Centre Le Nôtre [centre de formation professionnelle].
Ici, j’ai fait une année « La Ruche » pour découvrir un métier : plomberie, horticulture, restauration… mais on peut aussi en choisir un autre. Je fais aujourd’hui de l’horticulture pour trouver un travail de jardinier-paysagiste. Et, ici, je travaille en cours ! Il y a aussi des devoirs, mais je ne les fais jamais… C’est plus simple : comme on n’est pas beaucoup, les profs ont le temps de s’occuper de nous. Dans ma classe, on est cinq. C’est pas « je te donne un travail et bonne chance ».
Les professeur·e·s jouent un rôle prédominant dans la lutte contre le décrochage scolaire, mais aussi dans l’orientation des élèves. Angélique a dépassé l’opinion de ces dernier·e·s pour réussir son bac techno.
Hier, j’ai fait le CFG (certificat de formation générale) : le brevet, mais sans l’histoire. Il y a juste le français, les maths et l’oral et de français. Je ne suis toujours pas spécialement motivé, mais cette fois-ci, j’ai répondu à tout le contrôle. Il y a juste une question en français que je n’ai pas trop compris. Le brevet, ce sera l’année prochaine. Et après, une formation professionnelle.
Aujourd’hui, j’ai un repère. Le prof d’horticulture nous explique des noms de plantes, un autre nous explique comment planter un arbre, un autre le nom des pierres pour faire des chemins et de la déco. C’est un repère, pour être comme eux, pour réussir mon travail à l’avenir. Pour gagner ma vie. Je fais du mieux que je peux, j’essaie d’apprendre, comme un élève.
Alexis, 17 ans, étudiant, Paris
Crédit photo : Unsplash // CC Soragrit Wongsa
Le décrochage scolaire
Il concerne un·e jeune sur cinq
Selon le baromètre de l’éducation réalisé par Opinion Way, 17 % des jeunes en âge d’être scolarisé·e·s estiment avoir des difficultés d’apprentissage ou d’absentéisme qui pourraient les mener au décrochage scolaire.
Les problèmes familiaux en sont la première cause
Pour 69 % des jeunes, la famille joue un rôle crucial dans la scolarité. 57 % d’entre elles et eux précisent que c’est le manque d’investissement des parents qui est la cause principale du décrochage scolaire. Un divorce, un décès ou des difficultés financières sont aussi largement cités.
L’école a sa part de responsabilités
Pour 68 % des jeunes, le système scolaire est aussi à remettre en question. Et pour cause : il ne valorise pas assez les élèves, ne prend pas suffisamment en compte leur santé mentale, et n’a pas de réponse concrète à apporter aux situations de violence (harcèlement, racket…).
Bonsoir, j’ai lu ton histoire et elle ressemble un peu à la mienne. Je ne me suis jamais sentie valorisée ou encouragée par mes proches, souvent critiquée. Je te souhaite bonne chance pour ton avenir.