Djery P. 07/07/2020

Lycéenne du 93, j’ai été acceptée à Assas, cette « université inaccessible »

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Djery rêvait d'intégrer l'université Panthéon-Assas. Sa réputation et son prétendu côté inaccessible n'ont fait que renforcer sa volonté d'y accéder.

Lundi 18 mai dans la soirée. Demain, c’est Parcoursup… D’un côté, je suis vraiment excitée à l’idée de savoir quelle école va m’accepter avec mon beau dossier d’élève scolarisée dans le 93. D’un autre côté, j’ai peur parce que je suis consciente du fait que les notes ne sont pas les seuls facteurs pour avoir une bonne école. Les écoles où j’ai postulé auront plus tendance à sélectionner des élèves qui ne viennent pas de Seine-Saint-Denis, à causes de clichés et stéréotypes sur les élèves scolarisés dans cette zone-là.

Alors que je trouve que c’est une chance d’avoir grandi en Seine-Saint-Denis. C’est un département diversifié, multiculturel où j’ai beaucoup appris, que ce soit à l’école ou en abordant les gens qui y vivent. Peut-être que si je n’avais pas grandi ici, je ne serais pas autant ouverte sur certaines questions, à certaines cultures.

Ce que je redoute le plus, c’est le choix que je vais devoir faire si j’ai plusieurs offres d’admission. Je trouve ça vraiment injuste de demander à des gamins de 16-18 ans de choisir une chose aussi importante pour leur avenir. Rares sont les personnes qui savent exactement ce qu’elles veulent réellement faire. Il y a toujours une petite place pour le doute. Nous verrons bien si Assas veut bien de moi demain, c’est mon premier choix.

J’adore me lancer des challenges, viser haut

Depuis la seconde, Assas est dans un coin de ma tête, mais je n’étais pas sûre. Tout le monde me disait que mes chances d’y entrer étaient minimes. Certains profs essayaient de me décourager en me parlant constamment de la réputation de l’école : « C’est une école de fachos », « Le classement est vraiment haut. » Pourtant, j’avais un bon dossier scolaire avec une bonne moyenne générale. Visiblement, ce ne serait pas suffisant. Ça n’a fait que renforcer mon envie d’intégrer cette école qui m’était apparemment « inaccessible ». J’adore me lancer des challenges, viser haut, parce que je connais mes capacités. J’avais également postulé pour une licence de droit à la Sorbonne.

Et mes parents n’y sont pas pour rien non plus. Ils m’ont toujours encouragée, conseillée dans mes choix d’études. Quoi que je décide de faire, ils sont les premiers derrière moi depuis que je suis toute petite et c’est important. Cependant, en janvier dernier, quand je me suis inscrite sur Parcoursup, je n’avais aucune idée qu’aujourd’hui je serai autant stressée à l’idée d’avoir Assas ou n’importe quelle autre école. Car mes parents m’avaient conseillée de faire en amont une demande d’admission pour l’université de Montréal, au Canada, et la réponse avait été positive. Puis, la Covid-19 est venue et a tout gâché. Le fait est que sur Parcoursup, mis à part Assas, j’avais mis des voeux « juste comme ça » parce que je ne pensais pas que j’allais rester étudier en France.

Trois offres d’admissions, deux refus et six vœux en attente

Mardi 19 mai, 16 h 40, je suis dans ma chambre avec mon frère Evans, il est en train de me filmer pendant que je me connecte sur Parcoursup. C’est le feu dans ma tête. « Et si je n’ai pas d’écoles ? », « Imagine t’as Assas ? Imagine juste ! » J’ai fermé les yeux parce que j’avais peur et que je ne voulais pas voir, mais je les ai rouverts parce qu’il le fallait. Trois offres d’admissions, deux refus et six vœux en attente dont ceux à Assas.

Pour Brut, Guillaume Ouattara, spécialiste de l’orientation des lycéens, revient sur les changements de la plateforme Parcoursup. Celle-ci essuie plusieurs critiques depuis sa mise en place.

J’étais heureuse et triste à la fois. Heureuse parce que je n’étais pas sans rien et triste parce que je n’avais pas la fac de droit que je voulais à tout prix. J’ai eu une double licence Droit français – Common law à Nanterre, une licence de droit dans la même fac et une licence de droit à Paris-Saclay. Mes parents étaient heureux pour moi. Même si je n’avais pas Assas, on avait espoir parce que je n’étais pas très loin dans la liste d’attente.

C’était l’euphorie, j’étais acceptée sur Parcoursup

Samedi 23 mai, 3 h 15 du matin. Je rigole sur Twitter avec mon frère et mon amie Kaba. Evans me demande ma position dans la liste d’attente pour mes licences à Assas. Je vais donc ouvrir Parcoursup et je vois une nouvelle offre d’admission : pour la licence de droit à Assas ! C’était l’euphorie, j’ai chanté, j’ai dansé. Enfin, j’avais ce que je voulais à tout prix. J’ai dû abandonner ma double licence Droit français – Common Law pour une simple licence mais je sais que j’ai fait le bon choix. C’était vraiment dur de choisir entre les deux. Je sais que, sur le marché du travail, une bi-licence est plus valorisée. Mais je sais également que c’est beaucoup plus de travail à la maison et des heures de cours multipliées par deux.

De l’été 2019, Pierre s’en souviendra. Après avoir postulé en Staps, il a passé tout l’été dans l’attente, sans savoir où il ira à la rentrée scolaire.

Un jeune homme ferme les yeux, a la bouche ouverte comme pour crier et tire la langue comme pour faire une grimace. Le bout de ses cheveux et le fond sont flous. On dirait que tout son corps est électrique.

Le plus important est ma santé mentale : je préfère exceller et réussir dans ma licence que de me tuer dans ma double licence et être une étudiante « moyenne ».

Mardi 7 juillet. Résultats du bac : je l’ai eu avec mention très bien ! Mon intégration dans cette fac me fait toujours un peu peur. La fac, à Assas ou ailleurs, est un environnement très concurrentiel. Les gens sont capables du pire pour réussir et cela m’effraie mais je me sens confiante pour la suite.

Djery, 17 ans, lycéenne, Noisy-le-Sec

Crédit photo © Djery Plaisimé

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1 réaction

  1. Article top! L’ambition comme ça rien de mieux!

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