« Tu n’es pas une vraie femme »
J’ai toujours été catégorisée « garçon manqué », et je n’ai jamais vraiment compris cette expression. Comme si le fait d’être une fille « différente » me rendait forcément ratée.
Cela a commencé dès 6-7 ans. En primaire, pendant la récré, je restais avec des garçons, car ils jouaient à des jeux comme les cartes Pokémon, les billes… Ça m’intéressait plus. Ceux des filles, c’était la marelle, la corde à sauter…
Les professeurs me répétaient souvent : « Tu es une fille, habille-toi et comporte-toi comme telle ! » Pour eux, une fille porte des jupes et pas des joggings. Moi, j’ai toujours privilégié le confort à l’élégance.
Être tranquille à tout prix
On attend des filles qu’elles soient délicates, un peu pleurnichardes. Sûrement pas brutes, ni dures. Moi, je disais franchement ce que je pensais, et je me battais avec les autres enfants.
Au collège, les choses sont devenues plus difficiles. Je devais avoir 13-14 ans, j’étais en pleine adolescence, et les autres n’étaient pas du tout tendres avec moi. On me répétait souvent que j’étais « qu’une sale lesbienne » ou que je n’étais pas « une vraie femme », en se basant sur presque rien.
La cause : mes hobbies et mon style vestimentaire. J’aimais les jeux vidéo, les mangas, et les animés. Je portais des joggings et je ne me maquillais pas. Encore aujourd’hui, je ne me maquille pas. Donc, je subissais du harcèlement et les professeurs ignoraient tout simplement ces comportements. Je parlais très peu et j’étais très isolée. Mais tout le monde semblait accepter la situation.
Tout ça pour leur plaire !
Pour éviter qu’on m’embête, je m’incrustais souvent dans des groupes de filles et je faisais semblant d’être intégrée. Je faisais comme si j’aimais regarder les différents programmes de téléréalité.
Avec elles, il fallait regarder tous les jours pour parler de l’épisode de la veille ! Je ne disais plus ce que je pensais, j’étais plus calme… Il me semble qu’une fois, je me suis même maquillée. Tout ça, pour leur plaire.
Mais cela n’a duré qu’un temps. À cause de mon tempérament très direct, j’ai fini par avouer ce que je pensais vraiment. Je trouvais ces filles superficielles et fausses entre elles. Dès que l’une d’entre elles n’était pas là, on la critiquait et on l’insultait injustement. Mais, forcément, j’ai été encore plus isolée après ça.
Il n’y a pas qu’une seule féminité
Aujourd’hui, mes proches m’acceptent. Mais, plus jeune, j’ai beaucoup souffert de cette expérience. Je me suis sentie différente des autres. Pourtant, je trouve qu’il n’y a aucune définition précise de la féminité. C’est propre à chacune.
Imane a des goûts perçus comme « féminins » : elle s’apprête, aime la mode et le maquillage. Mais on la considère superficielle. Un témoignage extrait de notre série sur le sexisme à l’école.
Aujourd’hui, j’assume pleinement qui je suis. Mais des connaissances, des collègues et parfois des personnes de ma famille, continuent de penser à travers les clichés sur la féminité. Je me prends encore des réflexions sur le fait que je ne me maquille pas, ou que la plupart de mes amis sont des garçons. J’aimerais beaucoup que ça change.
Laetitia, 24 ans, en formation, Paris
Crédit photo Unsplash // CC Chris Ainsworth
Le tomboy / garçon manqué
L’expression « tomboy » (garçon manqué en français) a été utilisée pour la première fois au 16e siècle, en Angleterre. À l’époque, ce terme désigne les prostituées, ces femmes qui ont une « sexualité d’homme ».
Au siècle suivant, le tomboy, c’est la fille sauvage, celle qui ne se comporte pas selon les convenances, la « folle » quoi.
Au milieu du 20e siècle, le tomboy arrive en France : le garçon manqué. Depuis, être un tomboy, c’est être un garçon, mais en moins bien : faire du sport, porter des habits confortables, traîner avec les garçons… sans en être vraiment un.
Bref, bannissons vite l’expression « garçon manqué » qui n’a servi qu’à stigmatiser les femmes.
Sur ce sujet, la rédaction te conseille le super film Tomboy de Céline Sciamma.