Percer dans le rap grâce à nos Grands

On a rendez-vous avec les Grands et nos potes. Le studio se trouve à Melun, dans ma ville. Il y a une salle où on peut se poser pour jouer à la Play. Dans une deuxième salle, on peut se poser sur des canapés. Il y a une table, le bureau de l’ingé son, son matériel et tout. Après, il y a une baie vitrée où l’on voit la personne dans une pièce où il y a micro, casque et matériel. C’est la cabine dans laquelle on fait du rap.

Quand j’arrive devant le micro, je me dis : « Faut que j’assure et pas que je fasse n’importe quoi. » Il y a mes amis et les Grands, donc c’est bien stressant. L’instru démarre dans le casque. Ça change d’une instru sur le téléphone. La qualité du son, ça n’a vraiment rien à voir. Il y a une bonne ambiance. On est beaucoup, c’est le binks !

On est cinq à rapper. Ça fait à peu près un an. On a commencé entre nous, quand on était posés entre potes. C’était dehors, dans la cité. On était dix ou quinze. Il y a quelqu’un qui a mis une instru sur son tél. Pour rigoler il a dit : « Qui pose dessus ? » Tout le monde a commencé à écrire sur son téléphone, et on s’est lancés. Quelques jours plus tard, un pote nous a dit : « Ouais, vous voulez aller au studio ? Les Grands, ils demandent. »

On est invités au studio

C’est les Grands qui paient le studio. Nous, on ne paie rien. On y va les vendredis et samedis de 18 à 23 heures. En cinq heures, tu comptes deux sons. Par exemple : je rappe, je bugue, l’ingé son me dit de recommencer une partie. On recommence, on recommence jusqu’à ce que ce soit bon. Ensuite, on fait les « backs », les ambiances. Après, ton pote il passe pour faire son couplet.

Les Grands nous donnent beaucoup de conseils. Ils nous ont dit qu’on allait faire des séances d’écriture et des dictées. Comme ils veulent que l’on ait du charisme et de la culture, ils nous ont dit : « Croyez pas qu’au bout de quelques mois vous allez percer. La pente, elle va être dure. Il faudra travailler et être réguliers. »

Ils nous ont fait comprendre qu’on était « bons ». Mais ils ont toujours dit qu’il y avait certains trucs à travailler. Ils ne veulent pas nous dire « vous êtes forts » pour pas qu’on commence à prendre la grosse tête, et pour qu’on s’améliore.

Il y a un de nos Grands qui est actuellement dans la musique, donc il s’y connaît. Nos deux managers, je sais pas s’ils sont dans le milieu. En tout cas, ils sont de bon conseil. Pour l’instant, on a fait cinq ou six sons, mais on ne les met pas en ligne. Ils attendent qu’on fasse un son qui sort du lot pour pouvoir le clipper. Pour l’instant, on ne pense pas à sortir un projet complet. L’objectif, déjà, c’est de commencer à clipper. Après, pourquoi pas commencer par aller sur Mouv’, et pour Planète Rap on verra plus tard.

Le rap, c’est sur nos vies

Le plus souvent, on rappe sur de la drill. Mais on a aussi fait un son sur de la jersey. La drill, c’est un type de musique plutôt sombre. La jersey, c’est un style qui ambiance, avec plus de rythme. Le rap, ça nous permet de raconter ce qu’on vit, en tout cas le peu de vécu qu’on a, de parler de notre entourage.

Les Grands veillent sur les plus jeunes et cimentent le quartier. Ils ont remarqué le rap de Sidy et l’ont fait signer dans un label.

J’ai un peu fait écouter ce qu’on fait à ma famille. Ma mère, elle aime bien. Elle en rigole. Par contre mon père, il entend des choses… Il y a des paroles, il n’aime pas que je les dise. Un jour, j’étais avec mon frère dans la chambre, je lui faisais écouter. Un moment dans le son, je parle de rouler un teh. Mon père, il était en train d’écouter et il m’a dit : « Tu viens de dire quoi là ?! », je lui ai répondu : « Nan mais c’est pour la rime ! »

Quand il y a des sons où on dit des trucs de ouf, je ne vais pas leur faire écouter. Quand je rappe sur mes bêtises par exemple. Ce n’est pas une fierté, mais je me suis retrouvé six fois au commissariat. Quatre gardes à vue et deux vérifications, pour des vols à l’arrachée surtout. De toute façon maintenant, au lieu de faire des bêtises, de 18 à 23 heures tous les samedis, on est au studio.

Sofiane, 17 ans, lycéen, Melun

Crédit photo Pexels // CC Cottonbro

Se faire un nom dans le rap

Le rap est bien installé dans le paysage musical français. En 2022, c’était le deuxième genre le plus écouté du pays. Une popularité sans précédent, à tel point que Netflix lui a dédié une émission entière !

Aujourd’hui, de plus en plus d’artistes et de labels voient le jour. Mais pour autant, certain·es ne parviennent pas à se faire un nom.

Twitter, Snapchat, TikTok… Les réseaux peuvent propulser sous le feu des projecteurs en moins de 24 heures des inconnu·es comme des artistes déjà installé·es : en 2021, Jul a pété les scores de YouTube avec plus d’un milliard de vues sur ses clips.

Et quand ce ne sont pas les réseaux, ce sont des proches qui les mettent sur le devant de la scène : que ce soit Green Montana, SDM ou encore Usky, ils ont tous les trois signé dans le label 92i après avoir été repérés par Booba.