Eric T 10/12/2020

Sans permis de conduire, je suis au point mort

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Là où j'habite, pas moyen de trouver du boulot dans ma branche sans avoir le permis de conduire... mais pour me payer le permis, il me le faut ce travail !

J’avais un travail en CDD qui m’aurait permis de passer mon permis de conduire. Malheureusement, mon patron était en liquidation judiciaire et n’a pas renouvelé mon contrat. Ça m’a vraiment bloqué et depuis, sans permis, je n’arrive pas à retrouver du travail.

J’avais commencé à le payer, 475 euros : le code et sept heures de conduite. Je me suis privé pour donner ce premier apport. Mais comme je n’ai pas pu payer le reste, je n’ai pas continué. J’habitais à Bourgueil à l’époque et, sans permis, on ne fait rien là-bas. Là-bas, c’est les vignes. Pour y travailler, il faut pouvoir accéder aux parcelles et il y a des kilomètres à faire. Même le plus courageux, à vélo, il fait ça six mois mais pas deux ans ! Je l’ai fait et j’en ai chié. C’est un cercle vicieux, cette histoire de permis…

Et puis je n’ai jamais eu papa-maman pour me payer mon permis : ma mère, elle a une petite retraite, elle va avoir 70 ans, alors c’est pas possible. Je dois me débrouiller seul.

Manutention, manœuvre… des entreprises mal desservies.

Ça fait trois ans maintenant. Trois ans que je ne peux même pas mettre 10 euros de côté avec mes petites paies. Quand on a tout payé : la maison (700 euros à deux), ce qu’il faut pour les enfants, l’électricité, l’eau, la cantine, tout ça, il ne reste plus grand-chose sur le compte. On allait même à la Croix-Rouge pour manger certains soirs. Souvent, à la fin du mois, il ne me reste qu’1 euro ou 2 sur le compte. Mon contrat de travail me permet juste de survivre. Et maintenant, c’est encore différent : j’ai des dettes, plus la pension de mes enfants, plus les courses et le reste.

À son lancement en 2018, le mouvement des Gilets Jaunes avait pour objectif principal de manifester contre l’augmentation du prix des carburants automobiles, replaçant ainsi la questions du prix des mobilités au premier plan. Les chercheurs Yann Demoli et Pierre Lannoy ont fait de la voiture leur objet d’étude dans l’ouvrage Sociologie de l’automobile, sorti en 2019.

Mon projet de mobilité a été remis en question, faute de permis. Comme boulot, je prenais ce qui passait : manutention, manœuvre… Mais ces entreprises sont mal desservies. Puis même les tarifs des transports en commun ont augmenté. Une carte de transport, c’est 45 euros par mois, et encore : tu ne peux pas aller partout. Parfois, j’avais quarante minutes de marche après le tram pour arriver au boulot. Comment faire ? Mon domaine professionnel, c’est paysagiste et agent en espaces verts. Je suis souvent amené à faire des déplacements et les patrons ont plusieurs véhicules, donc il leur faut plusieurs personnes qui ont le permis. Même si maintenant je suis à Joué-lès-Tours et qu’il y a des transports en commun, on me demande quand même le permis : tout revient à son obtention.

Il n’y a qu’une certaine classe sociale qui peut se payer le permis de conduire

En ce moment, en attendant de trouver un travail dans ma branche, je travaille à la Régie de quartier. Je gagne 760 euros en faisant vingt-quatre heures par semaine. Ça fait cinq mois que j’y travaille et je n’ai toujours rien mis de côté. Il y a toujours un truc ! Là, c’est Noël qui arrive. Et mes enfants, je n’ai pas envie de leur acheter des broutilles, d’autant que je ne passe pas Noël avec eux. Après la nouvelle année, il va falloir que j’y arrive. Je n’ai pas trop le choix, il me le faut, ce permis.

Dans le village où habite Léa, dans le Gers, il n’y a ni bus ni train. Pour les courses, les activités… il faut la voiture et le permis de conduire. Tout ça, ça lui coûte du temps et de l’argent.

J’ai l’impression qu’il n’y a qu’une certaine classe sociale qui peut se permettre de se le payer. Cette classe, ce n’est pas la mienne. Il existe des aides de l’État, mais sous certaines conditions : si tu as plus de 30 ans, c’est mort ; si tu n’es plus étudiant, c’est mort, etc. Dans mon cas, il faut sortir l’argent de ma poche, et mes poches, elles sont vides.

 

Éric, 33 ans, salarié, Joué-lès-Tours

Crédit photo Unsplash // CC Vladislav Klapin

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