Antoine B. 07/01/2022

Phobie scolaire : « Tu fais du cinéma ! »

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L'école, pour Antoine, c’était une torture. Mais il a fallu du temps avant que les adultes et ses ami·e·s prennent au sérieux sa phobie scolaire.

Un lundi de janvier, après une absence de deux semaines pour maladie, c’est mon retour au collège. Mon père me force à y aller. Rien que d’y penser, je tremble. Je réussis à entrer, la boule au ventre. Je vois le regard des autres qui me donne l’impression d’être un revenant tout droit sorti d’une tombe. Je ne veux qu’une chose, c’est disparaître. D’un seul coup, une crise d’angoisse s’empare de mon corps, je me retrouve aux toilettes à vomir. Ce sera mon dernier jour au collège.

Comment faire quand à 15 ans, on est forcé d’être à l’endroit où on veut le moins être au monde ?

Quelques jours après, j’ai rendez-vous avec ma mère, la principale, et le médecin du collège. C’est une vieille dame qui me regarde de haut et qui, en un seul regard, me fait perdre toute confiance en moi. Je suis dans un cauchemar, je veux m’enfuir, je songe à passer par la fenêtre mais je ne peux pas, je suis tétanisé. Elle m’aurait insulté de merde que ça ne m’aurait pas choqué. Pas d’examen médical ni d’auscultation, juste un verdict amer de sa part : elle dit que je dois prendre des antidépresseurs. Mais est-ce qu’elle réalise que je n’ai que 15 ans ? Elle conclut que je ne suis qu’un ado qui fait du cinéma et qui veut se la couler douce.

« Faut que tu retourne au collège, mec »

À partir de ce moment-là, aux yeux de mes parents et de mes amis, je deviens un fainéant qui se croit en pseudo-dépression. Ma mère essaie de trouver des solutions partout, elle va même jusqu’à contacter des magnétiseurs, mais je sens bien qu’elle est dépassée par la situation. Un autre jour, c’est mon meilleur pote qui vient chez moi pour voir ce qu’il se passe, il me lâche : « Faut que tu retournes au collège mec ! » Sur le coup, j’ai envie qu’il parte.

Comme je ne me comprends pas moi-même, je n’essaie même pas de leur expliquer ce qu’il m’arrive. J’ai l’impression d’être tout seul dans un merdier, j’essaie en vain de trouver quelqu’un qui peut me comprendre ou m’aider, mais tout le monde me tourne le dos. Je passe des semaines à stresser tous les jours, à angoisser que le collège m’appelle pour me forcer à y retourner. La journée, je dors, et la nuit, je joue à des jeux vidéo. J’ai l’impression que cette épreuve va durer pour toujours, que je ne pourrais jamais rien faire de ma vie.

Au bout d’un mois, je décide de me débrouiller par moi-même. Je tape sur Internet « peur d’aller au collège ». Je tombe sur des articles de médecins et de psychologues qui parlent de phobie scolaire. Le stress d’aller en cours, l’appréhension, le sentiment de ne pas se sentir à sa place, cette impression que tout le monde vous regarde… Je me reconnais dans tous ces symptômes, mais je rentre un peu dans le déni. Je me dis que ça ne peut pas être ça, parce que si c’est le cas, ça veut dire que je ne pourrais plus jamais aller en cours. Alors que moi, je veux y retourner.

Celui qu’on appellera Monsieur D.

Vers le mois de mars, ma CPE, qui est une amie de mon père, lui suggère par téléphone de m’emmener voir un psychologue. Premier rendez-vous : celui qu’on appellera Monsieur D. me pose des questions sur tous les événements qui auraient pu déclencher en moi cette peur.

Pendant une heure et demie, je lui raconte les moments où je suis malheureux, mon redoublement en troisième, et le fait que je me suis retrouvé sans amis, à devoir m’en refaire. Le tout en faisant ma cinquième année au collège, l’année de trop. Je lui raconte aussi le décès d’un être très proche. Toutes ces choses qui me sont arrivées, mais qui, sur le coup, ne m’ont pas affecté, comme si j’étais insensible. Monsieur D. m’explique alors que tous les événements qui nous affectent et que l’on refoule finissent toujours par ressortir, et que leur impact sur nos vies peut être dévastateur.

À la fin de la séance, il finit par mettre un nom sur mon mal-être : la phobie scolaire. Sur le coup, beaucoup de questions me passent par la tête : est-ce que je suis malade ? Est-ce que ça se soigne ? Mais au moins, j’ai la réponse que j’attends : je ne suis ni fou ni anormal. Je sors de ce rendez-vous plutôt content, soulagé et avec de l’espoir. Je me dis que je vais maintenant être capable d’expliquer autour de moi ce qui m’arrive.

De seul contre tous à tous avec un

Au fur et à mesure que les semaines passent, j’explique à mes parents et à mes amis le pourquoi du comment, je leur raconte ce que me dit Monsieur D. Je crois que ça les soulage de savoir ce que j’ai. Ils finissent par me comprendre et me soutenir. Mes parents me disent que le temps guérit toutes les blessures, que tout finira par aller mieux, qu’ils me soutiennent et que je ne suis plus seul. À partir du diagnostic, ils se sont mis à m’aider à vaincre ma phobie. Je suis passé de seul contre tous à tous avec un !

À 18 ans, Sofiane a été diagnostiqué phobique sociale. Souvent incapable de sortir de chez lui à cause de l’anxiété, c’est grâce à sa thérapie qu’il a pu améliorer son quotidien et ses relations.

Capture d'écran de l'image « L'anxiété sociale, ça vous parle ? »

Je commence à me sentir à nouveau normal et humain. Ma reconstruction se fait petit à petit. Au bout d’un an, je recommence à sortir et à rire. Comme je n’ai jamais pu retourner au collège, je me suis mis à travailler. J’ai fait une saison au Club Mickey de Saint-Jean-de-Monts. J’étais animateur dans ce parc pour enfants situé sur la plage.

Je me suis aussi mis à faire beaucoup de sport. Le karaté m’a aidé à calmer ma nervosité et à apaiser ma colère. Ça m’a également permis de faire des rencontres et de me créer un réseau pour pouvoir travailler en saison. Finalement, cette épreuve m’a appris beaucoup sur moi-même. Les défis les plus durs sont ceux qui vous rendent le plus fort.

Antoine, 19 ans, en recherche d’emploi, Saint-Jean-de-Monts

Crédit photo Unsplash // CC Nicola Fioravanti

 

La phobie scolaire

La phobie scolaire, c’est quoi ?

C’est une angoisse qui se déclare chez l’enfant ou l’adolescent en pensant à l’école. Elle se manifeste souvent par des crises d’angoisse, des malaises ou des crises de tétanie.

La phobie scolaire n’est pas un caprice

Il ne s’agit pas de ne pas vouloir aller à l’école, mais de ne pas pouvoir y aller. La phobie scolaire provoque de réels maux physiques et des angoisses incontrôlables. Même si elles sont irraisonnées, elles ne sont pas inexplicables : elles découlent souvent de situations de harcèlement, d’angoisse de la séparation, de difficultés scolaires etc.

Le système scolaire provoque des phobies

Le système scolaire pousse à l’excellence, et la pression est forte. Les élèves français·es sont parmi les plus angoissé·e·s au monde, et 2 à 8 % souffriraient de phobie scolaire. Environ les deux-tiers d’entre elles et eux quittent l’école. Ils et elles suivent des cours à distance, ou prennent d’autres chemins… parce qu’on peut s’épanouir autrement que par la réussite scolaire !

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3 réactions

  1. Tu m’as bouleversé et en même temps heureuse et fière de toi mon fils. C’est vrai que cette période a été au combien difficile mais comme tu le dis très bien, c’est dans les difficultés que l’on se renforce.

  2. Tu m’as bouleversé et en même temps heureuse et fière de toi mon fils. C’est vrai que cette période a été au combien difficile.

  3. Super Antoine.
    J’ai suivi cet épisode de ta Vie à travers ta Maman, qui ,comme tu le dis justement , était désemparée, comme toutes les Mamans face au mal être de leur Enfant.

    Elle vient de partager tes écrits , très émouvants, qui, je pense , en plus de te libérer, lui font à Elle aussi un Grand Bien !

    Bravo Antoine d’avoir surmonté cette épreuve et je te souhaite le Meilleur

    Christelle

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