1/5 Je connais toutes les brigades d’Aulnay
Si tu vois passer une Mégane 4 bleue et blanche, c’est la municipale. Ils sont assez cools, mais faut quand même pas les chercher.
La Skoda grise, toute en longueur, c’est la BAC (brigade anti-criminalité). Ils ne descendent pratiquement jamais. Eux, ce qui les intéresse, ce sont les grosses embrouilles de cité ou le trafic de stupéfiants.
T’as aussi la BST (brigade spécialisée de terrain), tu les reconnais à leurs gros camions trafic bleu-blanc-jaune. Les gens savent qu’il ne faut surtout pas leur manquer de respect.
La BSQ (brigade de soutien de quartier), ce sont les plus gros casse-couilles. Ils ont un gros camion bleu-blanc-jaune largement plus grand que celui de la BST. Ils me contrôlent tout le temps. Devant mon collège. Devant chez moi. Partout.
Enfin, t’as les TDM, ce sont les motos que la police utilise. Eux, ils ne se déplacent que pour les stups ou les véhicules volés. Ils ne parlent pas beaucoup, les TDM. S’ils demandent ta carte d’identité, t’as intérêt à la donner vite si tu ne veux pas te prendre un coup de casque.
Je pourrai continuer la liste pendant des heures tellement je les connais tous. En tout cas ce que je peux dire c’est qu’il ne faut pas faire le malin avec n’importe quelle équipe, sinon tu vas le regretter.
À toute heure de la journée et de la nuit
Chez nous, dans le 93 à Aulnay-sous-Bois, les contrôles de police sont réguliers. Il y a deux grandes familles de contrôles dans mon quartier : les « passifs », qui sont juste un contrôle d’identité, ce sont les plus chiants car on en a plusieurs par jour. Et les autres, les « agressifs », ou les violences policières si tu préfères.
Un contrôle agressif, c’est souvent un contrôle passif qui dégénère parce que celui qui se fait contrôler n’a pas envie d’y répondre. Parce qu’il estime que ça n’a pas lieu d’être. Parce qu’il en a marre de l’être encore une fois. Du coup, la police devient violente et ils mettent des coups… C’est comme ça que les émeutes se créent.
Moi, je vis plusieurs contrôles par jour. Aux Mille-Mille, une cité où je me pose avec mes potes, ça nous arrive à toute heure de la journée et de la nuit. Pourtant, on ne fait rien. On se pose au sous-sol, on discute, et on fume des clopes. Les Mille-Mille, c’est notre QG. Quand ils viennent nous contrôler, ça reste des contrôles passifs, juste d’identité. Mais pas la dernière fois.
« Toi, si je t’attrape, je vais te niquer ta mère ! »
J’étais avec un pote qui venait de se faire contrôler par la BST (brigade spécialisée de terrain) une demi-heure plus tôt. Ça l’avait saoulé car le policier l’avait insulté. Peu de temps après, la municipale débarque. Mon pote ne voulait pas se refaire contrôler.
Série 2/5 – Mamadou joue depuis le confinement au jeu du chat et de la souris avec ses potes pour éviter les contrôles de police.
Le flic lui dit : « Bonsoir. » Mon pote ne répond pas. Le flic s’énerve. Mon pote aussi. Puis le flic lui dit : « Toi, si je t’attrape, je vais te niquer ta mère ! » Alors mon pote répond : « Tu vas rien faire du tout », et il se met à courir. Mais les keufs le rattrapent et lui mettent des coups de pied et de poing avant de l’embarquer. J’avais la haine. Du coup, j’ai pris des cailloux et je les ai lancés sur la voiture. On était plusieurs, environ sept. Les policiers l’ont pris, et mon pote a fait une garde à vue. Il est sorti vingt-quatre heures après.
Vous, les policiers, avant d’être policiers, vous êtes des humains comme nous, non ? Donc respectez-nous.
Reda, 16 ans, lycéen, Aulnay-sous-Bois
Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)
Contrôles et violences à répétition dans les quartiers
20 fois plus de risques d’être contrôlé quand on est un jeune homme noir ou arabe
Les 18-25 ans sont sept fois plus contrôlé·e·s par la police que le reste de la population. Parmi elles et eux, ce sont les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes qui en subissent le plus : 80 % d’entre eux ont été contrôlés ces cinq dernières années.
La moitié des enquêtes de l’IGPN ouvertes pour des faits de violence
En 2020, l’inspection générale de la Police nationale (IGPN) a reçu 5 420 signalements. 1 101 enquêtes judiciaires ont été ouvertes, la moitié pour violences. 38 enquêtes ont également été ouvertes par l’IGPN en 2020 pour injures à caractère raciste ou discriminatoire (contre 21 en 2019).
Les banlieues aussi ont leur porte-voix
L’équipe de l’écho des Banlieues s’est rendue au quartier des Mille-Mille, à Aulnay-sous-Bois, pour le raconter à travers les regards de ses habitant·e·s. Un documentaire de trente minutes qui questionne entre autres le traitement médiatique des quartiers et les violences policières.