Athénaïs D. 09/11/2022

Ordures et insultes racistes sur mon palier

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À Hénin-Beaumont, Athénaïs a subi le racisme et le harcèlement de ses voisins. Insultes, intimidations, coups… Elle a vécu cinq ans de calvaire.

Changement de quartier, changement d’ambiance. Quand j’avais 6 ans, avec ma mère, on a déménagé pour s’installer à l’autre bout d’Hénin-Beaumont, dans le quartier de la ZAC (zone d’aménagement concerté). Au début, tout se passait bien. Je jouais avec presque tous les enfants du voisinage, en particulier avec deux filles d’à peu près mon âge.

Plus tard, elles ont déménagé. Ça a été le début de mon calvaire. J’ai compris qu’elles étaient parties parce qu’elles étaient harcelées par des voisins (des enfants mais surtout des adultes), en raison de leurs origines maghrébines. Elles se faisaient menacer, insulter, frapper.

Ça n’a pas tardé à être mon tour.

Le harcèlement et le racisme commencent

Ça a été crescendo. Au début, on m’accusait de petites choses comme de salir les murs de l’immeuble avec de la craie ou de crier toute la journée, alors qu’enfant j’étais très silencieuse, très timide.

Puis, les insultes ont commencé à pleuvoir : « sale Noire », « bougnoule ». On me disait aussi : « Retourne dans ton pays  ! » Je ne comprenais pas ce que ça voulait dire, je suis née en France. Je ne comprenais pas non plus ce que les autres mots signifiaient mais quand je les répétais à ma mère, elle s’énervait.

À force de les entendre, j’ai commencé à beaucoup complexer sur mon physique. À cette époque-là, j’aurais voulu naître blanche pour être comme les autres, pour ne pas être stigmatisée.

Vol de courriers et coups

Ça ne s’est pas arrêté là. Ces voisins mettaient régulièrement des papiers ou des aliments dans notre boîte aux lettres. Ils nous volaient même du courrier. Ils continuaient à nous accuser régulièrement de choses. Ils se permettaient de faire des commentaires sur l’apparence physique de ma mère.

À l’école primaire, ça a continué. Un des enfants, qui habitait dans mon immeuble, n’arrêtait pas de m’embêter et de m’envoyer des insultes racistes à la figure. Les professeurs s’en sont rendu compte et ont prévenu ma mère. L’école lui a demandé d’écrire une lettre d’excuses à ma mère et moi. À l’école, le supplice s’est arrêté là, mais pas à l’extérieur.

Un jour, ce garçon s’est permis de me frapper. Ma mère est partie voir ses parents pour se plaindre, mais ces derniers ont répondu qu’il n’y avait rien d’anormal dans ce comportement. Un autre jour, c’est un autre voisin, un adulte cette fois, qui m’a coincée dans les escaliers, m’empêchant de passer, et qui s’est mis à me hurler dessus sans raison. Alertée par les cris, ma mère s’est interposée pour me protéger. Elle s’est rendue plusieurs fois au commissariat pour déposer des mains courantes, elle s’est plainte auprès du gardien de l’immeuble… mais ça n’a rien changé.

Un suivi psychologique pour évacuer

Ces comportements ont continué jusqu’à mes 11 ans. Ma mère aurait voulu déménager mais elle ne pouvait pas, pour un tas de raisons, notamment des ennuis de santé. J’ai été suivie par un psychologue à partir de mes 9 ans. Je pleurais beaucoup pendant les séances. Ça m’aidait à évacuer tout ce que je vivais et à me détacher de ce qu’ils me disaient.

Souvent le seul Noir, parfois insulté pour sa couleur de peau, Noah a longtemps été complexé. Il s’est émancipé en découvrant la culture noire.

Miniature de l'article "Quand j’étais petit, je voulais être blanc". Portrait d'une jeune personne noire. L'intégralité de son visage est cachée par ses deux mains qu'elle tient devant elle.

Avec le temps, la plupart de ces voisins harceleurs ont déménagé. Il n’en reste plus qu’un de véritablement problématique, celui des escaliers, mais aujourd’hui il ne fait plus rien. Chacun vit sa vie de son côté, comme si l’autre n’existait pas.

Athénaïs, 15 ans, lycéenne, Hénin-Beaumont

Crédit photo Pexels // CC Marco Fortes

 

 

Hénin-Beaumont, ville d’extrême droite

Athénaïs vit à Hénin-Beaumont, une commune de 26 000 habitant·es dans le Pas-de-Calais. Ce nom ne te dit peut-être rien… et pourtant, c’est la fierté de l’extrême droite française. En 2014, Steeve Briois, un très proche de Marine Le Pen, y est élu maire avec 74 % des voix au premier tour. Un triomphe.

Cette ville, elle se trouve dans une ancienne région minière, très touchée par le chômage et les scandales judiciaires du côté de la gauche. Résultat : le RN a gagné du terrain depuis 10 ans, les habitant·es (ré)élisent des maires et député·es d’extrême droite.

Depuis, le RN présente Hénin-Beaumont comme un modèle de réussite : la ville a été rénovée, une majorité des habitant·es s’y sentent bien. Pourtant, il n’y fait pas bon vivre pour tout le monde : les associations humanitaires perdent leurs locaux et leurs subventions, les médias sentent qu’ils ont moins de libertés et les opposant·es et les minorités dénoncent l’intimidation dont elles et ils sont victimes.

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