Garabed 27/01/2022

Un jour, ce pays sera le mien

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Réfugié en France depuis deux ans, Garabed apprend le français pour trouver du travail. Il souhaite, à terme, obtenir la nationalité et ouvrir son propre restaurant.

Je suis un réfugié syrien d’origine arménienne. Ma famille et moi, on est arrivés en France il y a deux ans. Je suis l’aîné, donc c’est très important que j’apprenne le français vite et que je puisse travailler pour aider ma famille. Mon père a 57 ans, il est garagiste de profession mais, à son âge, ce sera dur de se faire embaucher…

J’ai commencé les cours de français quelques mois après mon arrivée en France. C’est l’Ofii (Office français de l’immigration et de l’intégration) qui a pris en charge ma formation. On y allait ensemble avec mes parents.

Les diplômes, c’est important en France

En tant que réfugié, j’avais droit à 400 heures de formation. J’en ai fait 180, trois mois de cours à temps plein, mais j’ai perdu mon temps. Je ne comprenais rien, alors que je parlais déjà cinq langues. Quand je posais des questions, le formateur me répondait : « C’est pas mon problème. »

J’ai parlé à la directrice, qui a trouvé une solution : une autre formatrice m’a donné des cours. Elle traduisait en anglais certaines choses pour m’expliquer, et moi je traduisais ensuite en arabe, en turc et en arménien pour aider les autres personnes. J’ai passé mon premier diplôme, le niveau A1 en « français langue étrangère ». Et j’ai eu de bons résultats : 91 % au test. Le directeur m’a proposé de passer au niveau supérieur et de faire une formation en même temps. Ça permet d’avoir un diplôme. J’ai dit oui, parce que j’avais vite compris qu’ici, en France, c’était important les diplômes.

Toute l’équipe m’aidait à apprendre le français

Il a fallu attendre la fin du confinement pour que les cours commencent. Ça ne s’est pas bien passé. Je voulais travailler, je n’arrivais pas à rester calme dans la classe, j’avais trop d’énergie. 

Heureusement, j’ai fait des stages. Le premier, c’était dans un restaurant de kebab. Là, les directeurs étaient libanais, donc on parlait arabe. Après, j’ai trouvé un stage dans un restaurant du port de commerce, à Brest. Je faisais surtout de la pâtisserie. Mon équipe m’a tout appris. Il y avait une femme en cuisine qui parlait très bien anglais et qui me traduisait quand je ne comprenais pas. Toute l’équipe m’aidait à apprendre le français, du patron jusqu’au dernier employé.

Arriver dans un nouveau pays sans savoir parler la langue est toujours compliqué. Pour Modi, ne pas parler italien fut un obstacle dans son parcours en Italie.

J’avais un crayon et une feuille, et je notais tous les mots que j’apprenais chaque jour. J’ai même appris à parler comme tout le monde, les expressions que les gens utilisent ici comme « wesh, là ça va ? ». Le patron a vu que je travaillais très vite, donc il a voulu me garder. J’ai eu un contrat de deux mois et demi, jusqu’au deuxième confinement.

Je veux travailler et payer des impôts

En même temps, un ami de Lyon m’a aidé. Tous les jours, sur le portable, on parlait une ou deux heures. Je parlais arménien, il me répondait en arménien, mais il disait aussi la même chose en français. J’ai pu commencer à vraiment enregistrer la langue française dans mon cerveau. Au début, je n’aimais pas le français : j’aurais préféré pouvoir être réfugié en Angleterre ou aux États-Unis, parce que je parle déjà anglais. Ça aurait été plus facile. Mais je commence à aimer, maintenant que je peux le parler et le comprendre.

En tant que réfugié, je ne veux pas dépendre des aides que le gouvernement verse. Et si je travaille, ce sera plus facile pour avoir la nationalité française. Je veux montrer que je suis sérieux : je veux travailler, payer des impôts. Peut-être même ouvrir mon propre restaurant en France. Je veux qu’on voie que je fais quelque chose dans ce pays. Et un jour, si tout va bien, ce sera le mien. 

Garabed, 22 ans, en recherche d’emploi, Brest

Crédit photo Unsplash // CC iMattSmart

 

La naturalisation

Le nombre de naturalisation baisse

Le nombre de citoyen·ne·s qui obtiennent la nationalité française est en baisse depuis plusieurs décennies. En 2020, seul·e·s 41 000 étranger·e·s ont été naturalisé·e·s, soit deux fois moins qu’en 2010.

Les exigences augmentent

Il y a trente ans, on exigeait des demandeurs·euses qu’ils et elles « s’intègrent » à la vie quotidienne française. Depuis, des critères de productivité se sont ajoutés à cette sélection. Les étranger·e·s possédant des diplômes ou des qualifications recherchés par la France sont priorisé·e·s.

La naturalisation se fait aussi « au mérite »

Dernièrement, les autorités ont accéléré la naturalisation d’étranger·e·s qui s’étaient illustré·e·s durant la crise sanitaire, les attentats, des faits divers… Cette priorisation donne l’impression qu’il faut désormais être héroïque et faire preuve d’exploits pour prétendre à devenir français·e.

 

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