Loan S. 23/11/2022

Quitter mon île pour aller vivre en métropole

tags :

Loan est réunionnais et rêve de faire sa vie en France. Ce qu’il appelle la France, c’est l’Hexagone, ce « pays » qui lui semble si lointain.

Vous imaginez peut-être qu’à la Réunion, nous n’avons pas de route, pas de maison, pas d’école ni d’électricité… Mais ça, ce ne sont que des clichés et je déteste les entendre. Avec eux, j’entends de la haine. Je ressens aussi pas mal de tristesse parce que je me dis que, si on va dans l’Hexagone, on va se faire juger, comme si on était des rebuts de la société.

Chez nous, il y a plein de choses, un peu comme dans un pays à part entière. On a une économie, des usines de canne à sucre, des magasins de vêtements, de jeux vidéo, de bijoux, et nos villes sont grandes et belles.

Nous sommes une île française, mais nous ne parlons pas forcément cette langue. Nous, on parle créole. C’est un peu comme le français, par exemple vous dites : « Salut, ça va ? », et nous on dit : « Komen i lé ? » Bon, c’est quand même un peu différent, j’avoue. Mais, en même temps, on se trouve à 10 000 km de la France et du coup, pour nous, ce n’est pas vraiment le même pays.

Pour moi, les plus grosses différences, c’est que là-bas il y a plus de choses. Personne ne parle créole, on peut croiser des Anglais et des Espagnols alors qu’ici, je n’ai jamais croisé d’Espagnols.

La France m’attire et me repousse

Mais, quand même, je me demande si la France n’est pas un peu raciste. Je me rappelle avoir vu il y a quelques mois une vidéo où des Réunionnais pique-niquaient dans un parc français, je ne sais plus où, et une vieille dame est venue les engueuler. Elle leur a dit : « Rentrez chez vous avec votre marmite ! » Ça m’a fait mal parce que moi j’aime la France, et que j’ai toujours voulu aller vivre là-bas plus tard.

Malgré cette vidéo, j’excuse les Français, car ils ont un pays incroyable. Quand j’y suis allé la première fois, j’étais en primaire. Nous avions atterri à Paris et c’était la canicule. Horrible ! Il faisait une chaleur à mourir. Ma famille avait demandé à mon tonton de nous loger. On était tous séparés, répartis dans différents logements, mais on se retrouvait pour sortir ou aller manger. On a même fait Disneyland Paris, c’était trop bien !

On en a profité pour visiter d’immenses centres commerciaux, faire le plein de vêtements, de jeux vidéo, de Lego. Ce sont un peu les mêmes produits qu’à la Réunion, mais en mieux. Et avant de rentrer, nos parents nous ont fait une surprise : aller au KFC. C’était ma première fois dans ce fast-food, j’étais super excité, mais ce que j’ai préféré c’est quand même goûter ma première crêpe salée, c’était trop bon !

Mon île de la Réunion est trop petite

Dans les quartiers que j’ai visités à Paris, il y avait plein de choses à manger partout, les odeurs montaient, ça sentait trop bon, et en plus les gens étaient vraiment sympas avec nous. Avant d’aller en France, je croyais qu’il n’y avait pas de Noirs là-bas, mais en fait ils sont tous mélangés. Après avoir vu ça, je me suis senti plus libre, même si j’avais toujours peur qu’à un moment quelqu’un me critique à cause ma couleur de peau, parce que je pense que beaucoup de vieux et d’adultes sont racistes.

Guadeloupéen, Klem est parti étudier en métropole au moment de la crise du Covid. Entre la fac fermée et le manque de repères, il s’est vite retrouvé isolé.

Capture d'écran de l'article "Mes études sous Covid : isolé en métropole". Un homme monte dans un escalator. Il est seul, et jette un coup d'œil derrière lui.

À la fin des vacances, quand nous sommes rentrés, je n’arrêtais pas de repenser à la France, et c’est à ce moment-là que j’ai décidé qu’après mes études j’irai vivre en métropole. Parce que la Réunion, c’est notre île, mais elle est trop petite. Pour l’instant, c’est ici que je me sens le plus libre, libre d’aimer la fille que j’aime et tout ça, mais je sais que ça va changer plus tard.

Une fois en métropole, j’ouvrirai mon entreprise de création de jeux vidéo parce que là-bas, le secteur est beaucoup plus développé. Je sais que la Réunion va me manquer, mais ça ne m’inquiète pas parce que j’y reviendrai pour les vacances. Et c’est mon île. Elle restera toujours dans mon cœur.

Loan, 14 ans, collégien, Saint-Louis (La Réunion)

Crédit photo Unsplash // CC Bonjour ampoule

 

 

Le savais-tu ?

La Réunion est un département français, et pourtant…

Le PIB par habitant·e est 37 % moins élevé à la Réunion que dans l’Hexagone.

Le prix des produits alimentaires est 37 % plus élevé à la Réunion que dans l’Hexagone.

Le taux de chômage est 15 % plus haut à la Réunion que dans l’Hexagone.

Partager

Commenter