Seul sous les coups de ma mère
Treize jours après la naissance de ma petite sœur, tout a changé entre ma mère et moi.
En rentrant du travail, ma mère m’a trouvé avec la petite dans le salon. Je ne sais pas si c’était le fait que ma petite sœur souriait ou que j’étais content, mais ma mère s’est mise à me rouer de coups. D’après elle, c’est moi qui l’avais fait pleurer toute la nuit, alors que je dormais au sol. En vrai, je ne comprenais plus rien. À part que c’était moi l’erreur.
Du piment dans les yeux
Inconsciemment, j’ai saisi un couteau… Mais, même si c’était à sens unique, je ressentais trop d’amour pour elle. Alors, je l’ai déposé en pensant que ça s’arrêterait.
Mais non. Après, il y a eu une douche froide, du piment en poudre dans les yeux, des coups de fil électrique… La vérité, je ne pensais qu’à mourir.
Le lendemain matin, ma mère s’est montrée magnifique avec moi. J’ai reçu un petit-déjeuner complet et je me suis reposé sur le lit. Elle est devenue encore plus gentille quand ma tante est arrivée pour voir sa nièce. Comme c’était la première fois qu’elle était aussi violente, je me suis dit que ça serait la dernière.
Mais ma tante a commencé à me poser des questions. « Comment ça va ? » ; « T’es content d’avoir une petite sœur ? » Et, au moment où j’ai voulu répondre, ma mère m’a coupé et a dit : « Il a fait une bêtise hier donc je l’ai un peu frappé. » J’étais ému. Les larmes aux yeux, j’ai dit oui et elles ont fermé la parenthèse.
Une fois ma tante partie, ma mère m’a dit : « Si, un jour, tu fais l’erreur de parler de ce qui se passe à la maison, je te frapperai jusqu’à ta mort, c’est compris ? » Qu’est-ce que je pouvais répondre, à part oui ?
Elle se défoule sur moi
Quand je rentre en sixième, ça fait six ans que mon quotidien est toujours le même. Pour un rien, je me fais rouer de coups. J’ai grandi et j’ai développé une impulsivité que je calme sous médicaments, régulièrement. À la longue, j’ai juste compris que, quand elle est sur les nerfs, elle se défoule sur moi. J’ai le droit à de l’affection, de la gentillesse ou un semblant d’amour seulement quand il y a des invités à la maison. Et, même dans ces moments-là, je suis complètement conscient que c’est de la comédie. Ce qui me blesse encore plus, car je ne peux rien dire ni faire pour que ça change.
Au collège, j’entends souvent parler des assistantes sociales. D’après ce qu’ils disent, elles aident les enfants démunis ou qui ont des problèmes.
En fin d’année, je rentre des cours un midi et ma mère m’interdit de manger car j’ai oublié de laver la douche avant de partir le matin. Alors que j’ai rangé la totalité de la maison avant de partir, comme tous les matins.
Bref, je repars en cours avec des traces de fouet plein le corps comme d’hab, je suis à bout. À 14h15 dans le vestiaire, en me changeant, les garçons de la classe voient les traces dans mon dos.
Et là, tout le monde se met à me poser des questions. Je sais très bien que si je parle, ma mère risque de vraiment me faire du mal et de perdre la garde de ma petite sœur. Ma sœur n’a qu’elle, et c’est une mère parfaite avec elle, elle lui fait ressentir tous ses bons sentiments. « Putain qu’est-ce que je fais, je me casse ? » Et là, le prof, alerté par d’autres élèves, débarque.
Obligé d’aller voir l’assistante sociale
On avait une très bonne relation, lui et moi. Il me comprenait, à la différence des autres profs. Il me propose d’aller voir l’assistante sociale. Je refuse d’abord, mais il m’y oblige. Madame Z avait vraiment un don pour mettre les gens en confiance. Trop à l’aise, je lui explique tout. Elle me dit de rentrer chez moi et qu’elle ne dira rien à ma mère. Elle dit qu’elle va m’aider en prenant en compte ma petite sœur.
Je ne sais pas par quelle bêtise elle s’est dit que tout raconter à ma mère pour la raisonner serait efficace. Mais elle m’a mis dans une sacrée galère. À 17 heures, je rentre, et là, c’est la fin. C’est ce que je me dis dès que ma mère ouvre la porte avec le fil électrique dans les mains en me disant : « Je t’ai dit quoi ? »
Je n’ai même pas le temps de répondre. Des coups, des coups, des insultes…
Mais, le pire, c’est ce regard méprisant et cette phrase qu’elle dit pendant qu’elle me frappe.
La mère de Sara a terrorisé toute sa famille pendant des années. Une violence quotidienne et extrême, qui a pris fin avec l’intervention des services sociaux.
Je lui dis « pardon, à cause de Dieu mama s’il te plaît », car je pensais que c’était une fervente croyante. C’est là qu’elle répond : « Dieu ? Tu n’as pas le droit de parler de Dieu. Tu es une erreur, tu n’es rien, tu ne seras jamais rien pour moi, ni pour quelqu’un dans ta vie. »
C’est pire que toutes les fois où elle m’a frappé.
Après ça, j’ai décidé de fuguer pendant cinq mois, et je ne vais pas vous faire un dessin. J’étais un enfant de 11 ans, seul dans les rues de Paris. J’ai commencé par le vol, je suis rentré dans le deal. J’ai même tenté une séquestration pour de l’argent qui a mal fini. J’étais détruit et trop gourmand. J’évacuais tout dans la violence et dans la drogue.
L’école, la police, la famille… Tout ça, c’est du n’importe quoi. Pour moi, il vaut mieux compter sur soi-même. Je ne suis pas fier de cette mentalité. Mais je suis vivant et personne ne réussira à m’éteindre. C’est ce qui me fait tenir les deux bouts, et ne pas vriller.
Etane, 19 ans, en formation, Paris
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