Seule pour avorter
Il y a trois ans, je suis tombée amoureuse. C’était une nouvelle vie que je ne connaissais pas. J’ai commencé à avoir des rapports sexuels. Au fur et à mesure, ça a commencé à être un peu tous les jours. Il me disait : « Vas-y viens, on le fait, sinon je vais te violer, j’ai trop envie. » Donc, au final, même si je ne le voulais pas, je le faisais.
Un jour, je décide de faire un test de grossesse parce que je ne me sens pas bien avec mes vomissements et mon dégoût des odeurs. Je vois que c’est positif. C’est la panique. J’appelle ma copine et je lui raconte tout en pleurant. Je n’arrive plus à respirer tellement je suis paniquée et apeurée.
Elle me conseille d’aller le dire à celui qui m’a mise enceinte. De son côté, elle appelle un planning familial pour prendre rendez-vous. Quand je parle au garçon concerné, il me dit de me casser, que ce n’est pas lui le père, que je suis allée « faire la pute ».
Vient le moment où je dois aller au planning. J’arrive toute gênée d’avoir un enfant dans le ventre. Les dames là-bas me conseillent super bien et me rassurent très bien.
Quelques jours après, le gars revient pour me dire qu’il s’excuse et qu’il veut m’aider. Au début, je lui dis que je n’ai plus besoin de lui. Puis, je réfléchis, et me dis : « Même si je suis courageuse, j’ai besoin d’une personne majeure. »
Le poids de la culpabilité
Je me mets à en parler à ma copine qui est comme ma sœur. Elle me dit de le garder par rapport à la religion et que, même pour moi-même, je ne dois pas tuer un enfant. Elle me parle comme si j’allais être une meurtrière. Elle me le dit clairement sans dire le mot. Je suis complètement perdue parce qu’au fond de moi je veux garder ce petit ange, mais le garçon, lui, ne veut pas.
Le jour vient des rendez-vous. La cousine du garçon avec qui j’ai eu l’enfant nous a prêté la carte d’identité de son ex petit ami majeur. Comme eux deux sont noirs et que c’est un peu flou la photo, ça passe. Avec la fausse carte d’identité, il a pu m’accompagner à tous mes rendez-vous. Je dois me faire vacciner pour voir mon groupe sanguin, et je dois remplir des documents comme c’est une IVG sous anesthésie générale. Je dois même consulter une psychologue. Je saute plein de rendez-vous qui me rendent complètement dépressive.
Je ne peux en parler à personne dans ma famille, malgré mes six sœurs. Je suis complètement pas bien physiquement. Je ne peux plus rien sentir. Tout me dégoûte. Je perds plus de 3 kg.
Mentir pour cacher l’intervention à ma famille
Mon rendez-vous est très tôt le matin. Je dis à ma mère que j’ai aide en anglais à l’école. Elle ne me croit pas et m’appelle toutes les deux minutes non-stop. Ça me fait juste encore plus paniquer. Je me dis : « Si elle l’apprend, je me barre de chez moi et c’est fini pour ma vie. »
Arrivée à l’hôpital, je demande à une infirmière si elle peut m’aider à appeler ma mère en se faisant passer pour ma prof d’anglais. Elle le fait. Ensuite, on me donne des médicaments et on me ramène dans une salle. J’attends presque une heure, puis un homme vient me récupérer pour aller au bloc.
Je ne réalise pas encore ce qui va m’arriver. Les infirmières me rassurent vraiment super bien. J’ai pas mal d’attente car il y a des jeunes filles avant moi. Puis ils m’endorment, et trou noir.
À 17 ans, pas prête, trop jeune, Kaïna décide d’avorter. Elle nous raconte comment se passe la prise en charge, aujourd’hui en France, quand on est mineure et enceinte.
À mon réveil, j’ai une douleur énorme au ventre. Ils me donnent des médicaments pour calmer la douleur, puis je me rendors. L’opération s’est bien passée. Ils s’occupent de moi. Je peux sortir quelques heures plus tard. Il vient me chercher, on rentre chacun de notre côté.
Après ça, il ne m’a plus calculée. Il m’appelait juste pour avoir des rapports, et c’est tout. Je me suis retrouvée toute seule, renfermée sur moi à cacher toute ma haine dans le rire et la joie.
Mina, 17 ans, lycéenne, Nantes
Crédit photo Pexels // CC Nataliya Vaitkevich