Agate C. 29/04/2022

Ma surdité fait partie de mon identité

tags :

Agate est sourde et porte des appareils auditifs depuis l’enfance. Mais aujourd'hui, ce n'est plus un complexe.

« Qu’est-ce que tu as dans les oreilles ? » « Est-ce que je peux les essayer ? » ; « Si tu les enlèves, t’entends plus rien du tout ? » Chaque année, à chaque rentrée, les enfants curieux posaient des questions. Tout le temps, toujours les mêmes, toujours enfantines. Des questions innocentes, mais la deuxième avait le don de m’exaspérer… Ces deux petits appareils auditifs, ce ne sont pas comme des lunettes que tu peux faire essayer aux autres. Ce n’est qu’à moi, ils m’appartiennent. Sans, je ne te comprends pas.

La frustration des « laisse tomber » face à ma surdité

J’ai des petits souvenirs tout simples d’une maternelle silencieuse. Pas de bruit ou presque, une cour silencieuse et des amis qui doivent tout me répéter. Puis, un grand trou noir. Je ne me souviens pas du moment où on m’a expliqué que je devais mettre des appareils, ni du moment où je les ai mis pour la première fois. Mais je me souviens devoir les mettre chaque matin avant d’aller à l’école.

À chaque début d’année, de mes 4 à mes 11 ans, une femme venait dans la classe et présentait ma surdité aux autres enfants. Elle s’occupait d’enfants malentendants ayant des difficultés. En fait, elle était éducatrice spécialisée pour ma sœur, qui est elle aussi malentendante. Cette femme faisait ces petites présentations pour moi. Elle répondait aux questions innocentes… et exaspérantes pour moi.

Mais ce n’est rien par rapport à la frustration des « laisse tomber ». Quand je pose une question, que je demande à la personne de répéter et qu’on me répond ça, c’est très frustrant. Si j’avais pu, j’aurais entendu, mais je ne peux pas…. Alors sois patient, et répète ! Mais quand je dois demander à un professeur de répéter, j’ai l’impression de forcer : tout le monde a compris et moi, non.

Mes appareils étaient un complexe, pas un défaut

J’ai subi très peu de moqueries, voire pas du tout. Ça se passait beaucoup dans ma tête. La peur de ne pas être acceptée. Je croyais que les autres pensaient que j’étais bête parce que j’avais des appareils.

Ces appareils, je les cachais, j’en choisissais couleur châtain comme mes cheveux, que je ne m’attachais jamais pour ne pas qu’on ne les voit. C’était un complexe de ne pas être comme tout le monde, de devoir les enlever à la piscine, de changer les piles… Un vrai complexe car je ne me sentais pas normale. Je me suis demandée plusieurs fois pourquoi c’était tombé sur moi. En fait, je ne rentrais pas dans les normes imposées par la société, qui veut que chacun ait un corps totalement fonctionnel… Pour autant, à mes yeux, ce n’est pas un défaut.

Je suis assez contente parce que les gens ne me regardent pas bizarrement quand je dois changer les piles de mes appareils qui se déchargent assez vite, probablement grâce au fait que j’en parle assez ouvertement. Il y a beaucoup de personnes à l’écoute et respectueuses, et ça fait plaisir. Mes amis le vivent bien parce que je le vis bien. Je ne suis ni gênée par le fait d’en parler, ni par le fait d’en porter et encore moins par le regard des autres.

Je peux décider d’entendre ou pas

Cette surdité m’a accompagnée toute ma scolarité et me suivra encore longtemps, mais je sais que je n’ai pas besoin d’en guérir. J’ai appris à vivre avec, j’ai accepté cette particularité et j’en ai vu tous ses avantages. C’est devenu une habitude : le matin, je me lève, je me prépare puis je mets mes appareils. Je suis dans ma bulle et il ne faut pas venir me déranger. Tant que je n’ai pas mis mes appareils, c’est que je ne veux pas vraiment parler.

La plus grande qualité avec ces appareils, c’est que je peux décider d’entendre ou pas. Grâce à ça, je peux les éteindre quand il y a trop de bruit autour de moi pour pouvoir me concentrer sur mes devoirs, par exemple. Mes appareils sont connectés par Bluetooth à mon téléphone, donc je peux aussi être à fond dans ma musique, vu qu’elle est directement envoyée dans mes appareils. Et pour les appels également, je fais totalement abstraction du bruit extérieur.

Pour moi, ce n’est pas vraiment une maladie, mais plutôt une particularité physique. Ce n’est pas un handicap non plus, parce que ça ne m’empêche pas de faire beaucoup de choses. La seule chose dérangeante, c’est par rapport à la piscine car je dois les enlever.

Faire opérer ma surdité ? Non

Pendant le premier confinement, on a reçu un appel de l’hôpital. Cinq ans plus tôt, on avait fait des tests pour savoir d’où ça venait. Maintenant, on sait : c’est une maladie plutôt rare qu’on pourra soigner dans les années futures avec l’avancée de la médecine. Il s’agit du syndrome d’Usher, une maladie génétique.

Le handicap de Teddy ne se voit pas beaucoup. Alors il n’en parle pas, par peur des jugements, et le cache en produisant des efforts supplémentaires.

Capture d'écran de la miniature de l'article "Handicap : Je veux paraître «normal»." Au premier plan, un bras droit plié en deux, la main en l'air. Son ombre se reflète sur le mur en face.

Si on me proposait de m’opérer pour me faire entendre correctement, je dirais que non, je ne suis pas prête pour ça. C’est un handicap qui n’est pas un réel handicap pour moi. Je n’en ai pas encore la possibilité, donc j’y réfléchirai, c’est sûr… Mais là, maintenant, je dirais non. Je me dis que je n’ai pas besoin d’en guérir. Que sans, je ne pourrais plus dormir à cause du bruit, que je ne pourrais plus répondre aux petites questions innocentes. Cette curiosité que je trouvais embêtante me manquerait… C’est comme un rituel de présentation : quand je me présente, je le dis, c’est devenu une habitude. Ça fait totalement partie de mon identité.

Agate, 15 ans, lycéenne, Paris

Crédit photo Pexels // CC Margarita

Partager

Commenter