Raphaël I. 20/09/2021

6/7 Ma thérapie en prison… ma délivrance

tags :

La prison a été un déclic pour Raphaël. En travaillant sur lui-même en thérapie, il appréhende désormais différemment sa sortie et sa nouvelle vie.

Aussi loin que je me souvienne, j’ai vécu dans le conflit, sans jamais me remettre en question. J’étais incapable d’échanger, de débattre sans exploser. Les gens ne devaient pas me contredire. Je n’avais pas assimilé que c’était à moi de changer. Jusqu’aux incarcérations. C’est en prison que la délivrance est arrivée. Pas par un avocat mais par une thérapie.

Tout détenu entrant suit le parcours de l’arrivant. Lors de mon incarcération il y a cinq ans à la maison d’arrêt de Nice, passage obligé devant l’assistante sociale, le chef d’établissement, médecin, dentiste et psychiatre. En fonction de divers diagnostics, on était reconvoqué ultérieurement. Trois semaines plus tard, j’ai été convoqué par une infirmière de l’unité psychiatrique pour des entretiens, plus proches de l’échange que de la thérapie.

J’ai été suivi par un psychiatre une fois par mois. Mais je n’allais pas au fond des choses, je faisais surtout acte de présence. Je ne pensais pas que ces entretiens d’une vingtaine de minutes suffiraient à me faire changer.

Je croyais jusqu’alors que tout était « réparable »

Le déclic fut le décès de ma mère, survenu durant ma détention. Nous nous sommes quittés fâchés, sans aucune réconciliation possible. Je découvrais pour la première fois l’irrévocable, le définitif de la mort. Je croyais jusqu’alors que tout était « réparable ». Durant les mois qui ont suivi, j’ai également connu la séparation avec ma compagne, après une dispute de trop. Les désastres relationnels ne cessaient de s’accumuler.

J’ai écrit à mon psychiatre, lui faisant part de ma prise de conscience et de mon intention de travailler sur moi avec une ambition sans faille. Assez rapidement, je fus dirigé vers une psychologue que j’ai vue chaque semaine pendant plus d’un an, jusqu’à mon transfert à Melun. Les résultats furent époustouflants.

La santé mentale reste un impensé en prison. Selon le CCNE (Comité consultation national d’éthique), plus d’un tiers des hommes derrière les barreaux présentent pourtant une maladie mentale. Selon une enquête menée par StreetPress, les détenus concernés s’exposent à des violences médicales, sexuelles et psychologiques.

Cette psychologue me rentrait dedans, me poussait à creuser au fond des choses. Elle ne s’est jamais contentée de m’écouter mais m’obligeait à la réflexion.

En thérapie, j’étais l’amiral d’une bataille avec moi-même

Elle m’a fait découvrir la « boîte à outils » comportementale et m’a permis d’en ajouter, l’un après l’autre. La dérision, l’humour, la dédramatisation… Jusqu’à ce que l’enchaînement de séances porte enfin ses fruits. Ce fut comme une délivrance. Aujourd’hui, je me sens si loin de celui que j’étais. Je suis parvenu à détricoter les nœuds les plus complexes, à remettre chaque chose à sa place. J’étais l’amiral d’une bataille avec moi-même. Je n’oublierai jamais ce qu’elle a fait pour moi.

7/7 – Lors de sa permission, Joslin a retrouvé le goût des plaisirs simples. Une respiration nécessaire qui lui a permis de mieux supporter sa détention.

Je réalise la chance que j’ai eu de pouvoir poursuivre une thérapie à raison d’une séance par semaine. À l’extérieur, cela n’est pas donné à tout le monde. Même si cela m’arrache la bouche, je dois dire que ce séjour en prison m’aura donné cette chance.

J’ai passé ma vie à me battre contre la terre entière alors que j’étais mon pire ennemi. Je sais aujourd’hui que je peux appréhender mon relationnel, ma sortie avec plus de sérénité. D’ici deux à cinq ans.

 

Raphaël, 48 ans, en détention, Île-de-France

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

Partager

Commenter