Vincent K. 26/03/2024

Troubles dys : « Les profs pensaient que je me foutais d’eux »

tags :

Vincent, 15 ans, a été diagnostiqué dyslexique et dysorthographique il y a un an. Cet éclairage sur ses difficultés n’y a pas mis fin. Pas plus qu’aux moqueries ou humiliations des élèves et de certains professeurs.

Ça commence par des douleurs au poignet. Une grosse veine se contracte au niveau de la main et mon écriture se ralentit. Je suis obligé de prendre le temps d’écrire chaque lettre. De bien appuyer sur le stylo pour y arriver et, le résultat, c’est que je perds beaucoup de temps sur le papier. Pour moi, rédiger un paragraphe prend dix minutes minimum. C’est pareil quand je joue à des jeux vidéo compliqués sur PC, qui obligent à utiliser plusieurs touches. Au bout d’un moment, il y a trop d’informations. Je sature et je bouge la souris dans tous les sens en tapant n’importe où.

Impossible de prendre des notes en cours, donc impossible de tout comprendre et d’avoir de bonnes notes. Parfois, j’ai des éclairs de génie. Mais la plupart du temps, je ne comprends rien et je me fais chier. Ça fait deux ou trois ans que ça dure et que je rêve lorsque je suis en classe. Avant, je regardais mon téléphone et je me mettais devant des animés stylés, mais au collège c’est plus difficile de faire ça.

Il y a un an, on m’a diagnostiqué un trouble dysorthographique. Ça veut dire que je ne peux pas lire de gros blocs de texte. Ça me fatigue. J’ai tout de suite envie de dormir. Parfois, ça me déprime car je me dis que c’est super long. Pour l’orthographe aussi, c’est un problème. Je n’écris pas très bien et je fais plus de fautes que mes copains. Moi je m’en fiche, mais les autres se moquent de moi.

« Jamais rien vu d’aussi mal fait »

Et quand je dis les autres, ce ne sont pas seulement les élèves. De profs compréhensifs, j’en ai très peu connu. Peut-être cinq. Tous les autres n’en avaient rien à faire. Une fois, en espagnol, le prof a montré ma copie à toute la classe en disant : « Je n’ai jamais rien vu d’aussi mal fait. » Je me suis senti mal. Humilié. Je lui avais pourtant dit de ne pas faire ça et il était au courant de mon trouble. Tout le monde s’est mis à rigoler.

Toute ma scolarité, j’ai entendu des commentaires vexants. « Apprends à écrire ! » ; « T’écris mal ! » J’avais beau leur dire que ce n’était pas ma faute, les profs pensaient que je me foutais d’eux et que j’en n’avais rien à faire. J’évitais de parler de ça à mes parents. La seule qui m’a comprise c’est l’infirmière du collège. C’est elle qui m’a conseillé d’aller voir un ergothérapeute et c’est lui qui a mis un diagnostic sur mon trouble. Je savais que quelque chose clochait en moi. Que je ne le faisais pas exprès. Ça m’a soulagé. Dans ma famille, on a tous un trouble dys. Ma mère est dyslexique et mes sœurs aussi. Moi c’est la double peine : dyslexie et dysorthographie.

Pour décrocher son poste, Fatma a caché sa dyslexie. Aujourd’hui, elle a peur qu’on découvre sa maladie et que ça lui porte préjudice.

Capture d'écran de l'article : "Dyslexique, je le cache au travail". Il est illustré par une illustration graphique représentant une jeune fille, yeux fermés, tenant des post-it dans chaque main. Dessus sont écrits des mots manuscrits. Symboliquement, elle les porte au niveau de son visage.

Pour suivre à l’école, le collège m’a proposé de m’équiper d’un PC spécial adapté à mon trouble, pour écrire plus vite. C’est un genre de PC portable, en un peu plus petit. Avec ma mère, on n’a pas fini de remplir les papiers pour l’avoir. Normalement, pour m’aider à apprendre, les profs sont censés m’imprimer les cours. Mais ils ne le font pas, alors j’essaie d’autres méthodes. Je relis les cours dans les livres avec une règle. Le pire c’est les cours d’anglais. Là, je ne comprends vraiment rien, mais bon, ce n’est pas très utile pour mon futur métier !

Plus tard, je veux travailler dans la cybersécurité. Mon père m’a déjà appris à reprogrammer un téléphone pour le rendre compatible avec la 4G. Ça m’a pris dix minutes à comprendre. Les problèmes de maths, ce n’est pas un souci pour moi, sauf quand il y a trop de texte dans l’énoncé. À croire que c’est un exercice de lecture. J’ai quand même hâte d’avoir ce nouvel ordinateur. Hâte de pouvoir enfin suivre à l’école. Comme tout le monde.

Vincent, 15 ans, collégien, Rouen

Crédit photo Unsplash // CC Jeswin Thomas

Partager

1 réaction

  1. Vincent,
    Tu as tellement de courage. Bravo. Je suis désolée du comportement de certains professeurs et élèves. Je suis certaine que tu les dépasses en maturité et en intelligence.
    Je te souhaite le meilleur pour l’avenir et que ton souhait de travailler dans les métiers de la cybersécurité se réalise.
    Bien à toi,
    Marie.

Voir tous les commentaires

Commenter