Stéphanie B. 01/05/2025

« Tu travailles et à la fin on te remercie »

tags :

Plus jeune, Stéphanie rêvait d’un statut social avec un métier qui permet de briller dans les dîners. À 43 ans, elle s’en fout. Elle travaille pieds nus.

« Waouh, ça va être une chouette journée aujourd’hui ! » Voilà ce que je me dis au réveil. Cela ne m’arrive plus de ne pas avoir envie de me lever. Juste avant de quitter mon job de responsable marketing dans les assurances, en 2022, j’avais la boule au ventre. 

Maintenant, je travaille beaucoup plus qu’avant mais cela m’apporte davantage de satisfactions. C’est moi qui choisis tout ! Mes horaires, ma façon de faire, mon intensité de travail, mon lieu de travail, les personnes avec qui je travaille. J’ai la main sur mes activités. À 43 ans, je suis en troisième année de licence, j’ai plusieurs jobs et une entreprise. Le tout avec deux enfants, dont un dans le supérieur.

Avant de changer de voie, j’étais depuis 18 ans dans le marketing. J’adorais mon job mais pas le fonctionnement délétère des grosses entreprises dans lesquelles j’ai travaillé. Au bout de deux ans sur un nouveau poste, je savais que la troisième année allait me servir à chercher autre chose. 

Dans ces entreprises, j’ai entendu des choses comme « on réduit les budgets et t’as pas ta prime » ou « elle est trop calme pour être impliquée ». Du coup, je n’ai pas eu ma prime. C’était 20% de mon salaire annuel.

Dans mon système de valeurs à moi, ce n’était pas juste, pas honnête, pas loyal. Je ne l’ai pas supporté. J’avais le sentiment de me donner pour un jeu dont on changeait les règles sans me prévenir avant. 

De la valeur dans les dîners

Au début de ma vie professionnelle, je voulais un statut, de l’argent, un poste qui fait que tu as de la valeur dans les dîners. J’ai grandi avec l’idée que le travail est une source d’épanouissement. L’école, c’était facile pour moi. Ça a été un moyen d’émancipation.

Mes parents n’ont pas fait beaucoup d’études. Quand je voyais les gens qu’ils fréquentaient, je me disais que je ne voulais pas finir comme ça. Parfois même, j’avais honte. Je ne me sentais pas comme eux.  Un jour, chez une voisine qui avait un grand appartement beau, propre, cosy, je me suis dit : « C’est ça que je veux ! » Je devais avoir sept ans.

Avant ma vie pro d’aujourd’hui, j’ai l’impression d’avoir beaucoup donné et d’avoir toujours été déçue. Comme j’ai toujours fait du sport à côté de mon boulot, j’ai commencé à donner des cours de gym suédoise. Je me suis formée. Je suis aussi devenue prof de yoga. J’ai créé mon entreprise, un studio de fitness et de yoga. Toujours à côté de mon job. Au bout de sept mois à mener tout ça de front, j’ai quitté mon travail dans le marketing. 

Quand je donne des cours de yoga ou de fitness, les gens sont contents de me voir. Je les aide à affronter leur stress de boulot, de vie perso, la maladie… Dans le sport, on vient chercher par le corps quelque chose qui prend le dessus sur tout le reste et notamment les pensées. Ce que tu donnes, c’est reçu. C’est utile. Tu travailles et à la fin on te remercie. 

Récemment, j’ai fait un stage en Ehpad. Une semaine de 10 heures à 18 heures, dans un espace où on ne peut pas sortir. J’étais comme dans un long tunnel dans lequel je n’avais pas de marge de manœuvre. J’ai dû garder mes chaussures toute la journée. La plupart des gens trouvent ça normal. Au yoga et chez moi, je suis pieds nus.

Quand la journée à l’Ehpad était finie, j’ai éprouvé très concrètement et très fortement le sentiment de liberté que je vis aujourd’hui en rentrant chez moi. Cette liberté me motive. Elle réside dans la variété de mes activités et aussi dans mes temps libres, en dehors des clous. Avant, j’avais des RTT programmés.  Aujourd’hui, je dispose de mon espace et de mon temps. C’est un luxe. 

Ça fait peur aux gens

Parfois dans les dîners, quand on me demande ce que je fais, je dis « prof de sport ». Je simplifie. Mon mec me dit : « T’es tellement plus que ça ! Tu te dévalorises. Les gens imaginent que tu traînes en jogging, que t’as rien dans le cerveau et que t’as pas fait d’études ». Moi, je m’en fous ! Je sais que j’en ai souvent fait plus qu’eux des études. En cumulé, j’en suis à ma neuvième année de fac.

Si je veux en dire plus, je ne sais jamais par quel bout commencer. Si je dis que je suis étudiante, ils trouvent ça bizarre par rapport à mon âge et avoir l’impression que je n’ai jamais fait d’études. « La fac, pourquoi faire ? », c’est souvent la première réaction. Ou alors « Ah, c’est courageux ». Si je dis que je suis cheffe d’entreprise, on me demande de quoi. Un studio ou une salle de sport, ils ne comprennent pas. 

L’idée que je remets en question ma vie et mes choix, je crois que ça fait peur aux gens. J’ai le sentiment que ce n’est pas si courant d’être dans cette logique là. Autour de moi, j’ai surtout des cadres, dans la quarantaine, débordés par leur job ou leurs enfants et qui ne trouvent pas forcément le temps de faire du sport une fois dans la semaine. 

Aujourd’hui, je n’ai plus besoin de prouver mon statut. Je me sens trop bien pour ça. Dans mes relations du quotidien, mes élèves et moi, on est tous en jogging, en leggings, pieds nus. Le statut social ne compte plus. On est à égalité. 

Stéphanie, 43 ans, étudiante et entrepreneuse, La Garenne Colombes

Crédit photo Pexels // CC Kaboompics

 

À lire aussi…

Être mère ou avoir une carrière, je veux pas choisir, par Jeanne, 22 ans. Un jour Jeanne sera mère, elle le sait. Mais entre les carrières hachées et la charge mentale des femmes de son entourage, elle se surprend à douter.

Partager

Commenter