Meryam B. 06/09/2024

Une banlieusarde s’invite à l’Élysée

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Meryam n'a pas froid aux yeux. Lors d'une première rencontre avec le président de la République et son épouse, elle a réussi à faire en sorte que sa classe soit à nouveau invitée à l'Élysée.

Un jour, en première, ma professeure de français, très impliquée pour nous faire découvrir le monde, nous parle d’une « sortie surprise ». La classe est perplexe. Quelques jours plus tard, le proviseur du lycée nous annonce que nous sommes personnellement invités par le président de la République lui-même pour sa cérémonie des « Mardis de l’Élysée ». On nous distribue une invitation personnalisée pour le lendemain. Ça semble irréel. Tout le monde fait mine de ne pas être atteint. En réalité, ça chatouille nos egos. Nous nous sentons « spéciaux ».

Le jour J, à la sortie des cours, tout le monde se dépêche de rentrer à la maison pour mettre ses plus beaux habits. On se rejoint au lycée où un car nous attend. Je suis tellement fière de ma classe. Tout le monde est si beau.

Je profite de l’occasion pour faire un jeu avec tous les gens de ma classe. Le principe est simple. Je me filme en disant : « Je passe le téléphone à la personne qui… », puis je donne une des caractéristiques particulières qui la définit. Ensuite, cette personne prend mon téléphone et se filme en répétant le même principe, sans savoir ce que la personne d’avant a dit sur elle. Et ainsi de suite. Ça permet de détendre l’atmosphère et, en plus de ça, je veux que tout le monde garde un souvenir de ce moment, de notre état d’esprit, de comment on est habillé. Je veux être sûre de garder une trace de ce moment unique gravé sur mon téléphone.

« Comment m’habiller pour aller à l’Élysée ? »

Une fois descendus du car, on marche une dizaine de minutes. Une classe de 30 élèves, sur leur trente-et-un, ça ne passe pas inaperçu dans la rue. Même dans une rue parisienne ! Tous les garçons sont habillés de la même manière : un haut blanc et un bas noir. Sans même s’être concertés à l’avance. C’est super drôle.

Le proviseur nous avait précisé que « quiconque viendrait avec une tenue ne respectant pas le dress code ne participerait pas à la sortie ». À la sortie du cours, tous les garçons s’étaient retrouvés au téléphone, avec leur père au bout du fil, pour trouver une solution au problème intitulé : « Comment m’habiller pour aller à l’Élysée quand je m’habille tous les jours en jogging ? »

En comparaison, les filles ont sur elles beaucoup plus de couleurs. Leurs tenues vont du rose au vert, du bleu au beige et, bien évidemment, du noir au blanc.

Invités d’honneur

Une fois la sécurité passée, on accède à la place centrale du palais. C’est l’endroit où les politiciens prennent leurs photos avec les fameux galets blancs. On a appris qu’il est interdit aux visiteurs de marcher sur ces galets, mais étant donné qu’on a le titre d’invités d’honneur, on est autorisé non seulement à marcher dessus, mais aussi à prendre autant de photos qu’on le souhaite. J’en prends une de tous les garçons ensemble, puis de toutes les filles, sans oublier le proviseur et notre professeure.

Une fois tous les angles de pris en photo, on entre enfin… Des moulures en or de partout. Des peintures dignes de la Renaissance sur le plafond. Des signes de la République française partout où se pose mon regard. C’est majestueux. On est invités pour un spectacle de musique. On a des sièges assignés. Deux rangées derrière moi, c’est la place du Président et de sa femme. On a une bonne demi-heure devant nous pour faire ce qui nous plaît. Il y a des casques VR (réalité virtuelle) à disposition. Je contemple la pièce. Rien n’est laissé au hasard. Même les toilettes sont décorées de fleurs fraîches.

Un peu plus tard, on nous signale de retourner à nos places car le Président arrive. On reste debout. Un silence recouvre la pièce. Je vois mes camarades tout excités d’être assis juste devant lui. Il marche d’un pas lent et assuré, accompagné de sa femme. Il cherche à créer un contact visuel avec tous les membres de la pièce. Il s’assoit. Toute la salle fait de même. Un garçon de ma classe me dit qu’il lui a souri « droit dans les yeux ». Ça ne veut pas dire grand-chose mais il était excité. On ne peut pas lui en vouloir. Le spectacle commence !

Nous sommes ensuite invités à un buffet. Avant ça, on prend une photo de groupe avec le Président. Pendant le buffet, j’ai l’occasion de dialoguer avec l’un des hommes qui assurent le service. Il est vêtu tout de blanc. Rien n’est de travers, pas une mèche qui dépasse, pas un fil décousu.

« Le Président me félicite de mon aisance »

Une fois sa séance photo terminée, le président ouvre le dialogue avec les gens qui l’entourent. L’un des garçons de ma classe est beaucoup trop timide pour engager une conversation avec lui. J’ai toujours été assez à l’aise à l’oral, du coup je décide de l’aider en engageant la discussion. Je me retrouve entourée de toute ma classe et des deux autres classes de grands lycées parisiens invitées aussi. C’est à ce moment-là que je comprends que quelque chose d’important se passe.

Je me sens bien. Le président me félicite de mon aisance. Je vois que des camarades se débattent pour avoir une meilleure vue de la scène. Ressentant cette atmosphère particulière, je me dis que si je n’ose rien faire ce soir, je ne pourrai jamais réussir à entreprendre quoi que ce soit de grand dans la vie. Cette occasion est une opportunité unique, qui ne se reproduira pas, et il faut sortir de cette soirée en ayant accompli quelque chose.

À ce moment-là, le président me dit que l’Élysée fait parfois des visites privées pour certains lycées. C’est à cet instant que je décide de dire : « Vous devriez nous inviter à l’une de ces visites, qu’en dites-vous ? » Il sourit, surpris de mon aplomb. Il dit ensuite qu’il ne devrait pas y avoir de souci. Il appelle l’homme qui se charge de ce genre de requête. Je vois les sourires de mes camarades ravis de ce que j’ai réussi à entreprendre.

Singulière

Soudainement, je sens les gens nous entourant s’écarter. Ils laissent de la place pour que la femme du Président puisse avoir un chemin où passer pour nous rejoindre. Elle me sourit. « Rares sont les jeunes filles aussi audacieuses, mon mari a une excellente mémoire et je peux vous assurer qu’il ne risque pas de vous oublier de sitôt. » Venant de la Première dame, ça me touche profondément. Elle me reprend : elle est femme du Président et non Première dame. Je me sens tellement flattée. Ce n’est pas le fait que Brigitte Macron m’ait fait ce compliment qui me marque. C’est le fait que des gens aussi haut placé que la femme du Président et le Président lui-même semblent avoir aperçu quelque chose en moi. Je me suis sentie singulière.

Si je n’avais pas sauté le pas, si je n’avais pas fait preuve d’audace, de confiance, de détermination, de cran, rien de tout cela n’aurait été possible. Je l’ai pris comme une leçon. Il faut savoir faire preuve de courage parfois, pas d’arrogance, mais bien de confiance, pour se pousser à sortir de sa zone de confiance. Ça ouvre bien souvent un champ de possibilités inattendues et exceptionnelles.

Après mon dialogue avec le Président et sa femme, un homme vient à ma rencontre. C’est le chef de cabinet adjoint du président de la République. Il me donne sa carte de visite pour que je puisse le contacter dans le but de concrétiser la promesse présidentielle  : nous faire revenir pour une visite privée et guidée du palais de L’Élysée.

Toute la classe est tellement heureuse et fière de ce qui s’est produit lors de cette nuit magique. Ils me remercient avec enthousiasme. « Merci beaucoup Meryam, tu ne te rends pas compte de la dinguerie que tu viens de faire, tu lui as parlé comme si c’était ton pote, t’as réussi à nous réinviter à l’Élysée. Personne fait ça ! » ; « Meilleure déléguée ever. » Le retour en car est épuisant. Ça demande beaucoup d’énergie de discuter avec quelqu’un d’important !

Ce qui m’a permis de faire tout ça, c’est le fait que je ne mets pas le Président sur un piédestal. Je lui ai parlé avec respect, comme je fais avec n’importe quel adulte. La semaine suivante, je prends contact avec le chef de cabinet adjoint pour organiser la sortie. Trois mois plus tard, nous sommes de retour au palais pour la visite. Comme quoi, on peut être une banlieusarde et réussir à se faire inviter à l’Élysée !

Meryam, 17 ans, lycéenne, Argenteuil

Crédit photo Unsplash // CC Jacques Dillies

 

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