Idir H. 19/02/2021

Mon virus, c’est le décrochage scolaire

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Quand Idir a commencé à décrocher, il a manqué de soutien pour retrouver goût à l'école. Les confinements ont signé l'arrêt de mort de sa scolarité. Jusqu'à cette inscription de la dernière chance.

À la rentrée de septembre 2020, j’étais officiellement en décrochage scolaire, sans école, sans projet. Sans aucun problème. Et j’étais bien. Mes proches ont essayé de me faire comprendre que la situation n’était pas bien pour moi. Mais je ne les écoutais pas, je ne voulais rien savoir. Moi, je voulais qu’on me laisse tranquille et que je puisse faire ce que je veux…

Déjà, au collège, je préférais aller en récré plutôt qu’en classe. J’ai commencé à décrocher en troisième avec quelques absences à certains cours qui ne me plaisaient pas, par rapport aux professeurs et à la mauvaise ambiance de classe. Ma rentrée au lycée a été un nouveau départ. Mais quand je me réveillais le matin, je me demandais si ça valait le coup d’y aller… pour plusieurs raisons, à commencer par les transports qui étaient tout le temps bondés. J’habite dans le 19e arrondissement alors je prenais le RER E puis le métro ligne 13 pour me rendre à mon lycée dans le 17e. On était entassés dans le wagon, un doigt je ne pouvais pas bouger. Ça m’a vite soûlé. Les cours, les matières, je détestais vraiment tout.

J’y suis allé une seule fois et je me suis dit : « Plus jamais »

Quand je me réveillais le matin, je me demandais si ça valait le coup ou pas d’aller en cours… Les cours et certains professeurs ne m’intéressaient pas. J’avais la flemme, j’étais fatigué, je me levais tôt, je ne dormais pas beaucoup parce que je me couchais tard. Le matin, j’étais peu présent en cours, et quand j’y étais, ce n’était pas pour travailler mais pour faire acte de présence. Les cours, les matières, je détestais vraiment tout.

Il y avait aussi le lundi où je ne venais jamais parce qu’il fallait se présenter au lycée en costume, et je déteste mettre des costumes. J’étais dans un lycée professionnel donc, tous les lundis, il fallait obligatoirement se présenter en tenue professionnelle. J’y suis allé une seule fois et je me suis dit : « Plus jamais. »

Dans la salle de classe, j’étais toujours assis à la table du fond, couché dans mes bras en train de dormir. Ça a continué comme ça pendant trois ans, jusqu’à ma troisième année de lycée.

Dans le deuxième épisode de son podcast « Immersions », Sina Mir nous plonge dans le quotidien d’un lycée professionnel de la région parisienne mobilisé pour lutter contre le décrochage scolaire.

 

Je suis arrivé en première pro vente. Je pensais que c’était une filière qui me plairait, mais je n’ai pas accroché. Je n’ai pas obtenu mon BEP (brevet d’études professionnelles) à cause de mes notes aux épreuves. Donc j’ai décidé de passer en commerce.

Je n’ai pas suivi les cours en visio pendant le confinement

Lors de mon premier jour en commerce, avec une nouvelle classe, de nouveaux camarades, j’avais retrouvé l’envie d’aller en cours avec une seconde chance pour le BEP. Mais rien ne s’est passé comme prévu. J’ai effectué un stage en janvier 2020 dans un supermarché, mais mon tuteur ne m’a pas validé. Pour lui, je n’étais pas concentré, pas sérieux, je ne servais à rien. J’ai donc décidé de ne plus y aller.

Peu de temps avant le premier confinement, mon proviseur a organisé un rendez-vous avec mon professeur principal pour me dire que je ne pouvais pas continuer avec eux en septembre. J’étais désespéré. À ce moment-là, j’ai perdu toutes mes dernières motivations, je détestais l’école.

Avec le confinement, j’ai décidé de ne pas assister aux cours en vidéo. Et je me sentais bien ! Je me levais quand je voulais, je pouvais faire absolument tout ce que je voulais.  Je suis resté plusieurs mois comme ça à rien faire, à jouer aux jeux vidéo, je sortais quand j’en avais envie… mais ça a duré beaucoup trop de temps.

J’ai choisi l’école

À force, j’ai commencé à m’ennuyer de plus en plus, je ne pouvais pas sortir parce que mes amis avaient un travail ou étaient à l’école. J’étais inutile. Comme je n’aidais pas ma mère financièrement, elle m’a conseillé de reprendre l’école ou de travailler. Du coup, avec le forcing de mes proches, j’ai décidé de faire quelque chose pour m’occuper et ne plus rester chez moi.

J’ai choisi l’école plutôt que le travail parce que je ne me sentais pas prêt pour travailler et puis… où ? J’ai pris rendez-vous avec mon ancien lycée pour trouver une solution : avec l’aide du proviseur, on a construit un dossier qui retraçait tout mon parcours scolaire, quel genre d’élève j’étais et comment je travaillais. Puis, un certain Monsieur L. m’a contacté pour participer à une formation, la MLDS (mission de lutte contre le décrochage scolaire). J’ai tout de suite accepté, j’ai pris ça comme la dernière chance pour moi.

Il m’a présenté le déroulement de cette formation, m’a dit que je serai avec des personnes dans la même situation que moi et qu’on ne serait pas beaucoup, pour essayer de raccrocher au système scolaire.

Quatre jours par semaine avec des horaires plus que généreux

Je n’étais pas très motivé à le faire mais, après le premier jour, je me suis dit : « Ça va, ce n’est pas trop dur. » On commence le matin à 10 heures, parfait pour moi, ça me laisse le temps de bien me réveiller, les cours se finissent tôt, on nous donne pas trop de travail et aucun à faire à la maison, le sac n’est pas trop lourd comparé au vrai lycée. On a cours quatre jours par semaine avec des horaires plus que généreux.

Après avoir quitté l’école avec son brevet en poche, Paul a été en décrochage scolaire pendant plusieurs années. Jusqu’à ce que la fac de droit lui donne sa chance. Aujourd’hui, il est titulaire d’un double diplôme international.

Un étudiant sourit et tient dans sa main une toque de fin d'études dessinée au dessus de sa tête.

Ce n’est que le début, mais je pense pouvoir tenir longtemps ici. J’aime vraiment bien ce genre de classe où il n’y a pas énormément de personnes, ça fait qu’il n’y a pas beaucoup de bruit pendant les cours. Pour l’instant, mon seul but, c’est essayer de retrouver l’envie d’aller en cours et d’avoir enfin mon diplôme, le premier.

Idir, 18 ans, lycéen, Paris

Crédit photo Unsplash // CC Mert Kahveci

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