Marcos S. 07/08/2023

Vivre de chantiers et d’écriture

tags :

Marcos a peur de l'ennui. Il le comble avec des brouillons littéraires, des chantiers pour gagner un peu d'argent, et du bénévolat pour espérer.

Mes journées sont complètement hachées. Sur la petite table du train, quelques feuilles gribouillées et des papiers administratifs. En regardant par la fenêtre, le train a l’air de glisser sur les champs qui nous entourent, et les Pyrénées sont déjà loin.

Je rentre à Toulouse après un chantier de trois jours en Ariège pour le compte d’un vieux paysan qui avait besoin de refaire sa toiture. C’est un ancien ami de mon père, qui pensait sans doute que je continuais l’affaire familiale, mais qui s’est rapidement rendu compte que le vertige n’était pas une bonne qualité pour un soi-disant charpentier…

Au fond de mon sac, je retrouve un vieux papier taché de café que je pose à côté des quelques billets de 50 euros qu’il a bien voulu me donner. Il faut que je trie mon bordel ! Entre les poèmes, les articles et les nouvelles, mes doigts dansent dans les factures mensuelles. 

L’angoisse de l’ennui

Cette multitude de feuilles me réconforte, je préfère le trop plutôt que le rien. Le vide dans une vie ou même dans une journée m’effraie constamment, et toutes ces pages m’aident à oublier ma procrastination naturelle. Parfois, comme un piège mortel, elle s’installe et ne part pas pendant des semaines. Parfois, je m’active, fais plein de choses, mais j’ai toujours peur qu’elle revienne. Face au vide qu’il faut combler ou peut-être cacher, je remplis mes journées et mes week-ends avec des brouillons ou une truelle. 

Quand le lundi je me retrouve sur un chantier à trier du carrelage pour gagner ma vie, le mardi j’écris pour essayer de gagner ma vie. C’est un équilibre fragile que je maintiens depuis ma sortie d’études de philosophie. Il y a certaines choses que je dois faire et d’autres que je veux faire. Mon quotidien se résume alors à ça, je vacille et navigue entre les projets d’écriture et les tafs alimentaires. 

Espérer à la table d’un bar

À côté du travail « au black » et de mes sessions d’écriture, je participe comme bénévole à plusieurs événements culturels. Encore un échappatoire ? Ou une activité qui me donne de l’espoir ? En tout cas, ce soir, après avoir passé la journée à poser des tuiles sur un toit, je dois retrouver en ville un groupe de bénévoles pour organiser un festival de cinéma. Tout le monde se retrouve dans un bar pour discuter pendant près d’une heure. Le groupe est motivé et une énergie commune se dégage. 

Le jour où Noah a découvert qu’il y avait un accueil ados dans son village, sa vie a changé : l’ennui, c’est fini !

En plein milieu d'un champ, un jeune homme de dos et torse nu lève les bras en l'air. Il regarde le village au loin.

À ce moment-là, tout semble s’accorder, la sensation de faire partie d’un tout glisse jusqu’à mes mains. Mes notes prises pendant la réunion sont pour moi la photographie du bar. De ces tables en bois trop petites pour accueillir toutes les bières, de l’odeur des tortillas qui passent dans les mains du serveur. Ce petit bout de papier sans grande ambition, je le rajoute à ma mosaïque, pour contempler plus tard la trace écrite d’un chemin qui évite l’ennui et la procrastination. 

Marcos, 20 ans, en recherche d’emploi, Toulouse

Crédit photo Unsplash // CC Zhu Yunxiao

Partager

Commenter