14 heures par jour sur son téléphone
Je peux passer jusqu’à quatorze heures par jour sur Snapchat, Instagram, TikTok et YouTube. Des fois, mes copines me proposent de sortir, et même si je peux, je dis non. Juste pour rester sur mon téléphone.
Je suis tout le temps dessus lorsque je suis chez moi. Et je ne sors jamais, je suis assez casanière. C’est souvent lassant pour les personnes que je côtoie au quotidien, car je n’arrive pas à m’en passer, et c’est toxique. Parce que j’y suis accro.
Oublier d’aller faire les courses
Un jour, durant le deuxième confinement, je devais faire les courses pour ma mère. Aller acheter du pain, de la pâte à tartiner, de l’eau, des chips et des serviettes hygiéniques. Je me suis dit que j’avais le temps, et j’ai passé ma journée tranquillement sur mon téléphone.
Je me suis rendu compte à 18 heures que je n’étais pas sortie et que c’était l’heure du couvre-feu. À la fin de la journée, ma mère a fini par me faire la morale en me disant que mon téléphone prenait le dessus sur mon cerveau et que je n’avais pas de vie, qu’il fallait stopper ça. Parce que ce n’est que du virtuel, et pas la vraie vie.
Incompréhension
Parfois, je fais des efforts pour profiter de ma famille ou de mes parents, et je n’ai pas l’impression d’être collée à mon téléphone, mais on ne se comprend pas. Je pense qu’il y a un problème générationnel. Mon père est très religieux, il faut penser comme lui. Il dit que je suis une fille mondaine et trop superficielle… Donc on ne peut pas parler de mes centres d’intérêts.
Lors des fêtes familiales, je suis rarement sur mon téléphone et je profite d’eux, car souvent ça fait longtemps que nous ne nous sommes pas vus tous ensemble. Alors quand on me fait la réflexion d’être trop sur mon téléphone, je ne comprends vraiment pas. Qu’est-ce que je pourrais faire de plus ?
Matrixée par le téléphone
Mon téléphone m’influence sur la façon de voir mon corps, de me maquiller, de m’habiller. Quand on est sur les réseaux, on montre ce que l’on a envie de montrer, ce qui est tout rose tout beau, c’est une vie modifiée, la perfection. Je participe à créer une image modifiée de moi aussi, on ne va jamais me voir ni démaquillée ni décoiffée sur les réseaux.
On peut voir que ça m’a matrixé aussi, vu que j’essaye d’être parfaite aux yeux des gens qui ne me connaissent pas. Parfois, avec mes cousines, on se maquille exprès pour faire des photos de nous juste après ou des TikToks et mettre de la musique à fond pour danser entre filles.
Aujourd’hui je me trouve moins moi-même, j’ai cassé mon téléphone et quelqu’un m’a prêté le sien. Je sens que ce n’est pas la même chose, je ne me sens pas dans mon univers, parce que je n’ai pas mon téléphone sur moi. Quand je sors, j’ai l’impression d’oublier quelqu’un ou quelque chose, car mon téléphone est hyper important à mes yeux, comme mon enfant. Le téléphone qu’on m’a prêté en attendant est pourri et je ne vais pas pouvoir rester longtemps avec. J’économise pour m’acheter un iPhone 11, mais je ne sais pas si je vais tenir.
Milla, 16 ans, lycéenne, Gagny