À l’école de l’extrême violence
J’ai subi le harcèlement psychologique pendant sept ans à l’école. J’ai aujourd’hui bientôt 15 ans, et je suis en quatrième, c’est donc la moitié de ma vie.
Quand ça a commencé, je ne pouvais pas y prêter attention. Mais les mois passant, je commençais à ne plus supporter les insultes et les bousculades. La violence physique, c’était tous les jours : un ou plusieurs camarades de l’établissement scolaire venaient me frapper, me pousser pour que je tombe violemment. Ils prenaient n’importe quel objet pour me frapper, mais c’était surtout à la force de leurs poings.
J’ai commencé à me renfermer sur moi-même ; je restais seule, isolée des autres, avec la peur de ce qu’ils me feraient. Devant mes proches, je mettais un masque de joie pour ne pas qu’ils le remarquent. Ma mère s’inquiétait pour moi, mais elle ne comprenait pas ce qu’il se passait, car je ne lui disais rien. Je n’ai rien dit, car j’avais peur que la situation s’aggrave, que les camarades soient encore plus méchants et blessants avec moi. Devant mon père, j’avais honte d’être aussi faible et pitoyable. Il ne prenait pas le problème sérieusement, car pour lui, ce n’étaient que des histoires de gamine.
Un cauchemar tous les jours
Les professeurs ont fini par comprendre mais trop tard… Le mal était déjà fait !
Ma vie était détruite. J’ai dû déménager plusieurs fois, mais à chaque fois, c’était devenu répétitif. Les mois ont passé, les années, et je pensais que ça ne s’arrêterait jamais. Je suis arrivée en CM2, mais ça s’est aggravé plus que je ne le pensais. Ils étaient en groupe sur moi ! Dès qu’ils en avaient l’occasion, ils venaient m’insulter et me pousser. J’avais des bleus sur les jambes et les bras, derrière la tête, dans le dos, cachés par les vêtements. Je n’aimais pas qu’on voie mon corps, ou qu’on voie que j’avais du mal à bouger à cause de mes bleus. J’avais peur de venir en cours, et je savais que j’irais me cacher dans les toilettes. Chaque jour était pour moi un cauchemar. À cause de ça, à plusieurs reprises, l’idée de suicide m’a traversé l’esprit.
Le pire, c’était en cinquième, un garçon qui, à plusieurs reprises, me frappait violemment avec tout ce qu’il pouvait trouver : ballon de basket, trousse, règle, stylo, pierre, bâton, avec les portes etc. Il s’appelait Chekamala. On était malheureusement dans la même classe, et il était très violent et agressif. Si on le contrariait ou le contredisait, il n’hésitait pas à nous frapper. Il était impulsif et ne ressentait aucune pitié ou regret. Il aimait faire souffrir les autres.
J’aurais du réagir
Un de ses amis habitait dans le même immeuble que moi, et me voyait entrer et sortir. Chekamala venait jusqu’à mon hall, et me frappait la tête contre la boîte aux lettres.
Un jour, je suis allée donner des devoirs à une camarade qui était malade, et en sortant de l’immeuble, il était là. Il m’a attrapée par la gorge, plaquée contre le mur, sur les vertèbres, en m’insultant de tous les noms. Si ma camarade n’était pas intervenue, je serais peut-être morte ! À ce moment-là, j’aurais dû réagir et me défendre, me défaire de son étreinte… mais il me faisait beaucoup trop peur.
Aujourd’hui, je me dis que j’aurais dû réagir et ne pas le laisser croire qu’il pouvait me faire ce qu’il voulait ; lui montrer que je n’étais pas une poupée de chiffon.
On est allés voir la prof, pour porter plainte, organiser une table ronde ou en discuter civilement.
Inaction de l’établissement
Malheureusement, l’établissement n’a rien fait. Il y a juste eu une sanction d’écriture, et l’école a étouffé l’affaire. Ma mère n’a pas voulu aller voir la police, car il avait 11 ans, et ce n’était qu’un enfant.
J’ai commencé à parler vraiment en profondeur du harcèlement physique qu’en cinquième. J’en ai parlé en premier à une amie, puis à ma famille, et pour finir aux professeurs. Ils m’ont soutenue et encouragée. Ils m’ont expliqué qu’il fallait en parler pour éviter que ça s’aggrave davantage, que ce n’était pas de ma faute, que c’était les camarades qui se comportaient comme des imbéciles et qu’ils devaient reconnaître leur erreur. Je suis allée voir une psychologue et maintenant une sophrologue.
J’aimerais faire comprendre aux camarades leur erreur pour éviter qu’ils fassent la même chose à d’autres élèves, qui eux, n’auront pas le courage d’aller en parler ou d’être aidés. Je pense qu’il ne faut pas étouffer le problème, mais faire plutôt des préventions.
Parler pour commencer à s’en sortir
Le harcèlement a des conséquences graves, ce n’est pas un jeu et il faut éviter que des élèves soient isolés de la classe ou d’un groupe. On peut leur montrer qu’ils peuvent en parler et que les professeurs sont attentifs.
Dans les familles, il faut leur dire le plus tôt possible de ne pas le garder pour soi, pour ne pas aggraver la situation. Pour les enfants isolés, il faut prévenir un adulte si on voit un élève ou un enfant seul se faire frapper ou insulter par d’autres enfants.
Je n’ai jamais eu l’envie de frapper et je n’aurais jamais le courage de frapper quelqu’un pour me venger. Si je devais défendre mes amis, ma famille et les personnes qui comptent pour moi, je ne me défendrais jamais par la violence, sauf si on me pousse dans mes retranchements. Maintenant, je suis moins craintive et un peu moins sensible. Si on s’en prend à mes amis, je ne vais pas rester à l’écart. Maintenant, c’est moi qui les défends ! Je ne vais plus aller me cacher dans les toilettes si on vient m’insulter. Je laisse la personne parler ou je lui dis qu’elle a gâché de la salive pour rien. Si on me fait des remarques, je montre plus que je suis vexée et je me laisse moins faire. J’affronte fièrement les moqueries avec l’aide de mes amis et de ma famille.
Aujourd’hui, je me sens un peu mieux et plus confiante, mais j’ai encore des séquelles. Je ne me fais toujours pas respecter, et c’est difficile de faire confiance aux autres. Le harcèlement n’est pas à prendre à la légère car ça peut être nocif pour le corps et l’esprit. Beaucoup sont morts à cause de ça.
Maiko, 15 ans, collégienne, Châtelet-en-Brie