Emma N. 17/06/2022

Antillaise, mais pas comme mes parents

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D’origine antillaise, élevée en métropole, Emma a compris il y a peu son histoire familiale. Aujourd’hui, elle en est fière.

Une fois, mon père m’a dit qu’il était incapable de parler plus d’une heure en français car, automatiquement, le créole reprenait le dessus. Ça m’a choquée : j’ai réalisé qu’il n’avait pas grandi comme moi, et qu’il y avait une grande différence de culture entre nous.

À la maison, que ce soit la décoration, la nourriture ou même la langue, tout est en rapport avec les Antilles. Alors que dehors, rien ne montre mes origines. Juste mon porte-clé qui a la forme de la Guadeloupe, bien caché dans ma poche. Mais c’est quand je vais aux Antilles que je ne me sens pas aussi antillaise que mes parents.

Là-bas, je suis vue comme la Française de la famille. Je ne parle pas aussi bien créole qu’eux, je ne danse pas les danses traditionnelles comme eux et je n’aime pas forcément tous les plats. Un jour, j’étais à une fête de famille, et ma tante m’a demandé pourquoi je ne parlais pas en créole avec eux. Moi, un peu gênée, je lui ai dit que je ne savais pas, et que je ne voulais juste pas parler créole.

Mes parents sont de là-bas, pas moi

Ce n’était pas la première fois qu’on me posait cette question, et je n’ai jamais vraiment su répondre… Je trouve ça soûlant qu’on me force en me comparant à mes autres cousines qui, elles, parlent très bien créole. La moitié habite en France et l’autre en Martinique.

Cette différence, je la ressens car mes parents ont grandi là-bas et ont été élevés avec cette culture antillaise. Je leur pose beaucoup de questions sur leur vie d’avant, je m’y intéresse grave. Comme la fois où ils m’ont dit qu’après l’école, ils devaient aller s’occuper de leurs animaux. Ce qui est assez inhabituel pour moi. Moi, quand je rentre, je mange mon goûter et je vais sur mon tel. Il y a aussi le fait que, pour eux, nous ne sommes pas français, alors que d’un point de vue politique et géographique, les Antilles sont considérées comme un territoire français.

Une longue histoire

Cette année, j’ai compris beaucoup de choses par rapport à ma culture antillaise. J’ai visité un ancien champ de bataille, et un musée qui m’a permis de comprendre comment ma grand-mère et sa famille, qui sont indiens, se sont retrouvées aux Antilles. Dans ce musée, ils expliquent que, pendant la période coloniale, les colons envoyaient des personnes venues du Congo et du Cameroun aux Antilles, ce qui fait qu’il y a eu beaucoup de métissage. Mais, après l’abolition de l’esclavage, les colons ont continué un peu plus tard en exportant cette fois-ci des Indiens, des Chinois : et voilà d’où vient ma famille du côté de ma grand-mère !

Depuis que j’ai compris tout ça, je suis fière de là d’où je viens, du parcours de mes grands-parents et de mes ancêtres. Je comprends vraiment mes parents et leur attachement pour leurs origines, leur culture très mélangée. Quand on a conscience de toutes ces choses, je comprends qu’on ne veuille pas s’en détacher.

Ces vacances m’ont fait me sentir plus proche de ma culture. Maintenant, je suis plus apte à parler de l’histoire de ma famille, car je me sens plus antillaise qu’avant. Je pense que, plus tard, je me sentirais plus à l’aise pour parler créole. Je pense même que j’apprendrai à le parler à mes enfants.

Emma, 14 ans, collégienne, Paris

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