Manon T. 14/06/2023

Ma sœur, trop blanche pour ma grand-mère

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À force de voir sa grand-mère juger la couleur de peau de sa sœur trop claire, Manon a fini par prendre sa défense.

Ma grand-mère était une femme réunionnaise qui n’aimait pas sortir, elle aimait rester chez elle. Elle était assez bronzée, des cheveux coupés à la garçonne, elle avait un gros caractère et ne se laissait pas faire, c’est elle qui décidait de tout. Quand j’allais chez elle petite, elle me gâtait beaucoup en me donnant des bonbons, de l’argent. Ma sœur elle, était plutôt une petite fille sage. Plus jeune que moi, elle ne cherchait jamais de problème. Tout le contraire de ma grand-mère.

Avec moi, ma grand-mère était au petit soin parce que j’avais un peu son caractère. Mais c’était surtout lié à ma couleur de peau, car j’étais plus bronzée que ma sœur. Elle la rabaissait en permanence parce qu’elle était plus blanche que moi. Elle lui disait des choses méchantes comme : « Tu ne mérites pas d’être ma petite fille » ; « Tu es idiote » ; « Tu es vilaine », etc.

Pas aimée pour sa couleur de peau

Ça me faisait de la peine mais j’étais conciliante et j’essayais de comprendre. Puis j’en ai parlé avec ma sœur et elle m’a expliqué qu’elle le vivait très mal. Elle aussi voulait les petites attentions de ma grand-mère, son amour. J’ai commencé à faire des reproches à ma grand-mère du genre : « Elle aussi elle a le droit à des gâteaux ! » Je lui expliquais que si ma sœur ne l’aimait pas, elle ne serait jamais venue la voir chez elle. À la place de ma sœur, moi je ne serais plus jamais venue la voir. Mes parents étaient d’accord, ils ne supportaient pas la situation.

Un jour, ma grand-mère a frappé ma sœur pour une histoire de gâteau. Ça a été le déclic. Ma mère lui a dit que ce n’était pas à elle de la gifler juste pour un gâteau, et c’est ce qui m’a fait réagir. C’est assez grave de se faire frapper pour rien. Je savais que c’était parce qu’elle n’aimait pas ma sœur, sa couleur de peau. Alors j’ai pris mon courage à deux mains, et j’ai parlé à ma grand-mère. Je lui ai dit que si elle n’arrêtait pas de faire ces remarques-là, on ne viendrait plus la voir. Je lui ai expliqué que faire une préférence entre ma sœur et moi parce que l’une est plus blanche que l’autre, ça n’était plus possible.

Sa réaction a été assez surprenante, comme si elle avait pris un choc. Elle n’a plus parlé et elle s’est remise en question. Mais pour ma grand-mère, c’était normal de faire des préférences. Je lui ai demandé pourquoi elle faisait subir ça à ma sœur, elle m’a répondu que ce n’était pas de sa faute si ma sœur était si blanche et qu’elle était sa petite-fille. Quand elle m’a dit ça, mon cœur c’est serré d’une force… et mes larmes sont montées. Elle m’a dit qu’elle ne l’aimait pas. Je pense qu’au fond si, mais je ne comprends pas pourquoi elle agissait de la sorte. Au fond, elle était gentille. Je pense que ma grand-mère a dû être elle-même victime de racisme, ça expliquerait sa méchanceté. Elle m’a dit qu’elle était prête à faire des efforts.

Les voir rigoler, sans racisme

Quelques jours après lui avoir fait ces reproches, elle m’a demandé comment elle pouvait faire pour se faire pardonner. J’ai répondu qu’il ne fallait plus faire de différence entre ma sœur et moi et de lui donner le même amour. Par exemple, faire des jeux de société, des gâteaux ensemble… Au début, c’était dur pour elle mais elle a vu que la couleur de peau ne faisait pas la personnalité. Elles ont même des points communs : elles aiment les fleurs et les mêmes films.

À mon avis, si elle a changé d’attitude c’est parce qu’elle en a eu assez de faire beaucoup de remarques dans le vide et d’être blessante. Ma sœur lui a pardonné avec beaucoup de mal. Finalement, c’était chouette de voir ma sœur rigoler avec ma grand-mère, sans propos racistes qui ne servent à rien. Mes parents aussi étaient heureux de voir que ça c’était arrangé. Enfin.

Manon, 15 ans, collégienne, La Réunion

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