En couple dans un 25 mètres carrés, une vraie épreuve
Je vis avec mon copain dans un petit logement parisien de 25 mètres carrés. Et encore, il existe un long couloir de 5 mètres carrés inutilisable. Nos affaires, la vie de couple, ses études et ma dépression avaient bien rempli notre appart, le Covid l’a fait déborder.
L’installation difficile dans l’appart
En septembre 2019, après quelques mois de relation, mon copain m’a offert une brosse à dents, symbole de notre vie à deux. Il m’a raconté l’histoire de son logement : notre voisin est propriétaire d’une moitié d’appartement, et nous vivons dans la seconde moitié. Malgré les sourires, ce dernier a dénoncé lors d’un conseil syndical : le « bruit de la douche et de la chasse d’eau passé minuit ». Je peux comprendre le bruit gênant des canalisations qui passe par son appartement, mais c’est mieux d’en parler directement aux concernés. On était un peu énervés et on avait peur qu’il se plaigne à nouveau. Il n’est pas resté tout le confinement chez lui, il a dû trouver son appart trop petit. Nous, on ne pouvait pas s’enfuir ailleurs.
Heureusement, nous n’avons pas que des voisins désagréables : on entendait régulièrement une chanteuse d’opéra l’après-midi. Mais sa voix cristalline pouvait être dérangeante lors des réunions en télétravail. Dans ce petit espace composé d’une cuisine, de deux meubles et d’une table, mon copain arrive à travailler en distanciel. Moi, allongé sur le lit, c’est plus compliqué pour chercher du boulot.
L’arrivée du Covid-19 dans notre couple
Quand il est en réunion, par exemple, je ne peux pas répondre quand mon docteur m’appelle. Lui, il aime bien téléphoner à ses parents, mais il doit cacher sa sexualité et son couple. Du coup, quand ils font un Facetime, je me cache sous la couette. Des fois, c’est l’inverse je suis un geek, et je joue en vocal avec des potes sur internet. Alors le soir, quand il est fatigué et qu’il travaille, ça le gêne. Donc, on se couche en étant un peu fâchés. L’appart est tellement petit, quand on doit faire la vaisselle ou se laver, il faut déplacer l’étendoir et la valise pour y accéder. Moi aussi, j’ai du mal. Les tâches ménagères, dans un petit appart rempli, ça me décourage. Je me sens débordé par le linge, la vaisselle, les vêtements, la poussière, les papiers qui traînent et qui s’accumulent.
C’est impossible de recevoir du monde, on voit moins nos potes, comme on ne peut pas leur proposer de passer chez nous. Avec le Covid, on ne pouvait plus sortir, je n’ai pas vu certains de mes amis depuis deux ans. Quand je n’ai plus de vie sociale, j’ai l’impression d’être un moteur à qui on ne donne plus d’essence. Mes potes, je les adore, c’est un peu ma vie et ne pas les voir, c’est perdre ma petite étincelle régulière qui me donne envie d’avancer.
Des conditions précaires
Le Covid a bien changé nos modes de vie. Avant, on sortait, on faisait les courses, je pouvais retourner chez mes parents de temps en temps. Désormais, on est coincés au cinquième étage de cet immeuble sans ascenseur. En urgence, on a dû acheter une machine à laver portable, on ne pouvait même plus aller à la laverie, tout était fermé. Portable, ça veut dire qu’il faut mettre la pomme de douche dans la machine avant de l’utiliser. Quand on lave le linge, on ne peut plus se doucher pendant 30 minutes. En plus, au bout d’un an, elle est un peu tombée en panne, il faut la bouger pour que l’essorage tourne correctement. Mais vu qu’on ne roule pas sur l’or, on ne va pas en racheter une tout de suite.
Mon copain a un stage qui ne lui permet pas de payer seul le loyer de 800€, et moi, je touche l’AAH (Allocation Adulte Handicapé), je peux l’aider un peu. Comme le logement est à son nom et qu’il m’héberge, je ne peux pas demander les APL et son dossier est bloqué. Recevoir des aides, c’est tellement galère au niveau administratif, que c’est décourageant et on ne fait pas les démarches. Lui, il est étranger, donc c’est encore plus compliqué. Entre son stage, les recherches d’emploi et les cours, il est parfois un peu dépassé.
Vers un nouvel appart et une meilleure vie
On veut changer d’appart, le quartier est sympa, mais un peu « craignos ». C’est à côté de Belleville, la première fois que je suis venu chez lui, c’était le soir et il y avait des prostituées le long de l’avenue qui faisaient du racolage. Elles ont l’air cool, mais leur clientèle et les gens qui traînent dans le coin ne sont pas rassurants. En bas de chez nous, même en période de confinement, on avait beaucoup de jeunes qui traînaient devant notre porte.
Mon copain termine bientôt son stage et d’ici quelque temps, on pourra récupérer l’appart de ma cousine. La chambre est séparée du salon, ça sera plus pratique pour nous deux. Le loyer sera un peu plus cher, aux alentours de 1 000€, mais l’appart est bien mieux équipé. Ce sera un peu comme une nouvelle vie pour nous deux, une libération.
Julien, 25 ans, en recherche d’emploi, Paris