Enzo F. 09/10/2024

Deux décès et une famille qui explose

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Lorsque les arrières-grands-parents d’Enzo décèdent, c’est toute sa famille qu’il voit exploser en vol, se diviser, notamment pour des raisons d’héritage.

Un vendredi, alors que je me réveille comme tous les jours pour l’école, j’entends ma mère au rez-de-chaussée pleurer au téléphone. Alerté par ses pleurs, je descends. Je n’ai pas le temps de lui demander les raisons de sa tristesse qu’elle m’annonce : « Pépé est mort cette nuit dans sa chambre. »

Mon arrière-grand-père a fait une crise cardiaque. C’est la première fois en mes onze ans d’existence que j’apprends la mort de quelqu’un que j’aime. Sur le moment, je pense naïvement que cette mort est un cas isolé dénué de conséquences, sans savoir qu’elle va radicalement faire changer ma vision sur ma famille.

Ce décès rappela à certains membres de ma famille la question de l’héritage, et à d’autres, l’égoïsme et le vice que cette question fait ressurgir. Sans se rendre compte que cet héritage appartenait encore à mon arrière-grand-mère, qui elle était encore bien vivante. Certains s’avançaient sur sa mort à elle.

Une blessure irréparable

Deux ans plus tard, elle décède à son tour d’un cancer. La famille se désolidarise différemment cette fois. Le deuil est double : celui de mon arrière-grand-mère et celui de ma famille, un cassage se fait et chacun se replie sur soi.

Ce repli, je le remarque d’abord en voyant ma mère s’éloigner de la famille et émotionnellement du monde. Nous avions l’habitude avant ce décès d’aller manger chez mes grands-parents, ça faisait partie de ma vie. Du jour au lendemain, j’ai perds mon arrière-grand-mère et l’attention de ma mère. Très jeune, je vois et subis l’impact de la mort.

Au fil du temps, ma grand-mère réussit, par des dîners, des discours, des anniversaires, à maintenir le lien fort qui réunit notre famille. Son rôle permet de limiter la casse. Mais il est facile de constater, même pour un gamin de 13 ans, que la situation reste instable et que la mort d’un proche engendre une blessure irréparable. Dans mon cas, la mort a disjoint mes proches.

« Si elle meurt, qui prendra la relève ? »

Tout le monde meurt et mes grands-parents n’y échapperont pas. Je ne peux ressentir que du désespoir à cette idée. Si elle meurt, qui prendra la relève ? Qui arrivera à être aussi entêté qu’elle pour maintenir le lien dans ma famille ? Il n’y a pas de réponse car il n’y a pas de successeur.

Aujourd’hui, j’ai 17 ans. Je me sens seul et impuissant dans cette situation. Seul car ma famille est mon seul repère, et j’ai peur de ce qui va arriver. Je me sens également démuni parce que mon âge implique l’égocentrisme. Je n’ai que le temps pour mon futur.

Mes grands-parents ont tous les deux plus de la soixantaine. Au fur et à mesure que le temps passe, ils sont plus fatigués pour entretenir leur maison et le lien. Je profite le plus possible de leur présence et des réunions de famille, étant donné que ces choses sont destinées à disparaître, elles aussi.

Enzo, 17 ans, volontaire en service civique, Erquinghem-Lys

 

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À la mémoire de mon grand-père, par Mikaela, 20 ans. Elle a appris à lire sur ses genoux. C’est son grand-père adoré qui lui a transmis l’amour des mots et des livres.

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