Marceline F. 11/01/2021

Dans ma famille, on veut que je reste à ma « place de femme »

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Franco-sénégalaise, Marceline ne se reconnaît pas dans les attentes de sa famille. Elle, voudrait être une femme libre.

Mon père va appeler mon grand frère pour aller faire du bricolage, mais celui-ci va être occupé, et va donc lui demander si je peux y aller à sa place. Mais mon père va lui répondre que non, que je suis une fille, et que donc je n’ai pas à faire des choses comme ça. Mon frère va finir par l’aider. Sur le coup, je n’ose rien dire par peur de sa réaction, mais à l’intérieur de moi, je suis en colère contre mon père d’avoir pensé ça !

Les stéréotypes concernant la place des femmes sont présents dans ma maison. Je pense que je n’y prêtais pas vraiment attention avant, ou ne les remarquais pas.

Ma mère, de son côté, est différente. Elle ne pense pas complètement comme mon père, mais elle ne dit rien pour autant en entendant mon père dire des choses comme ça. Parfois, mon père aide ma mère pour la cuisine, mais il le fait seulement quand ma mère n’est pas là pour qu’on puisse manger. Sinon, c’est moi qui le fait. Il aide aussi quelques fois pour les tâches ménagères. Pour ce qui est de mon frère, il ne fait rien ! Ni le ménage, ni la cuisine. Et mes parents ne disent rien…

Mes deux parents sont d’origine sénégalaise ; ma mère de Dakar et mon père d’un petit village dont je ne sais plus le nom. Je ne sais pas grand chose de cette culture, mais parmi le peu de chose que je pense savoir, c’est que les femmes ont peu de liberté. Elles doivent s’occuper des enfants, faire la cuisine, s’occuper du mari etc. Et elles ne peuvent pas vraiment contredire ou s’opposer à leur mari.

Il fallait que je retourne à mes occupation de femme

Il y a environ trois ans, je suis allée au Sénégal avec mes parents, dans notre maison à Dakar. On a visité de la famille : des tantes, des oncles et des cousins. La plupart du temps, les femmes étaient dans la maison. Elles s’occupaient des enfants. Les maris étaient souvent dehors, au champ, ou partis voir des amis. Les femmes étaient avec d’autres femmes de la famille et parlaient entre elles. Les hommes parlaient en diolas, donc je ne comprenais pas ce qu’ils disaient, mais je ressentais le fameux « Les femmes doivent être à la cuisine. »

Je comprenais qu’il fallait que je retourne à « mes occupations de femme ». Je ressentais vraiment cette ambiance à certains moments précis, surtout quand les hommes parlaient entre eux.

Je sais qu’en France, ce n’est pas pareil. Quand je vais chez mes cousins/cousines, je ne vois, et ne ressens pas du tout la même chose. J’ai l’impression d’avoir moins de pression, voire pas du tout et je me sens égale avec mes autres cousins/cousines. Et surtout, je vois mes oncles aider mes cousines à faire des tâches quotidiennes.

Je pense que c’est comme ça parce qu’ils sont nés en France, avec une mentalité française. En France, la place des hommes est moins importante qu’au Sénégal, même si elle reste plus importante que celle des femmes.

Devenir femme, c’est prendre soin de soi

Ma mère, à partir de mes 12-14 ans, a commencé à me dire des phrases du type : « Tu commences à grandir, il faut que que tu deviennes une femme, et que tu apprennes à prendre soin de toi. » Je pense que pour elle, devenir une femme, c’est aider aux tâches ménagères, être bien élevée, soignée et surtout féminine. Je pense que les gens en général attendent ça des femmes.

Je le vois surtout sur les réseaux sociaux. Par exemple, sur Instagram, les femmes sont trop maquillées, et un peu too much. Ce n’est pas vraiment mon style ! De mon côté, je porte souvent des vêtements oversize, jamais de jupes, et très rarement des robes.

Je n’en ai jamais parlé avec ma famille, mais je pense, et j’espère que le sujet viendra un jour pour pouvoir défendre et expliquer mon point de vue. J’attends d’être un peu plus grande, pour que mes paroles soient moins prises à la légère. En plus d’être une fille, je suis assez jeune, donc je pense que mes paroles ne sont pas vraiment écoutées.

Je vois mes sœurs qui sont parties de chez moi, et elles me semblent plus libres dans leur façon de penser et d’agir. Elles n’envisagent pas vraiment tout ce qui est mariage, foyer, et tout ça. Comme elles, j’aimerais plus tard accomplir plein de choses, voyager, découvrir de nouvelles choses, et ne pas m’occuper d’un foyer… en tout cas, pas avant un certain âge.

 

Marceline, 14 ans, collégienne, Le Châtelet-en-Brie

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