Esteban M. 06/05/2022

En entrant en détention, il a fallu s’imposer

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Confronté à la prison et à ses codes, Esteban a dû gagner la confiance de l’administration. Il a finit par côtoyer les détenus « stars ». 

La juge me condamne à 12 mois de détention. Je sors du tribunal. Je monte dans un camion cellulaire avec un mec que je ne connais pas en direction de la Santé. À mon arrivée, des surveillants me mettent dans une salle puis me disent de me mettre tout nu. Ça m’a brusqué de fou. Heureusement, l’un d’eux a été plus gentil et m’a dit de garder mon caleçon.

J’arrive dans ma cellule d’arrivant avec un mec. C’est sa première peine, pareil que moi. On est perdus, on réalise que là, on est vraiment dedans. En rentrant dans la cellule, on nous a donné une carte où il y avait 30 euros pour appeler nos parents ou nos amis. Je m’en rappelle, on se regardait lui et moi, puis je lui ai dit :

« –       C’est chaud poto ! Comment je vais annoncer ça à ma daronne ?

–       Elle sait pas t’es où depuis la garde à vue ? Dis-lui direct, comme ça t’es tranquille, il m’a répondu.

–       T’es marrant toi, bah vas-y appelle en premier. »

Lui-même avait peur mdr.

Le far-west et la jungle de la détention

Les douches et les toilettes m’ont choqué… Laisse tomber, tout est collé. T’as juste une petite porte en bois, comme dans les bars au far-west, qui séparent le lit des chiottes.

Le lendemain, un surveillant nous réveille pour le repas. Là, je vois un poisson même pas cuit, frère. J’ai cru qu’il venait de le tuer. Bref, après ça, c’était la promenade. En rentrant dans la cour, c’est tranquille. Ça n’a rien à voir avec la vraie détention. Quand t’arrives t’as rien, t’as pas à fumer. Aux arrivants, l’ambiance est trop calme.

Après deux semaines aux arrivants, je rentre dans la vraie détention comme on dit : bâtiment QH6.

Là, j’arrive en promenade, c’est la jungle. Au fond, je vois des mecs bien balaises en train de pousser : pompes, tractions, etc. De l’autre côté, des fumeurs. Eux, ils en ont rien à foutre de ça, faire du sport ça les intéresse pas. Mais bon, en vrai, c’est une bonne ambiance. Il nous donne un ballon de foot et ça joue 4 contre 4. Après, comme partout, le foot, ça fait monter en tension. Des fois, ça finit en bagarre.

Quand je suis arrivé en promenade, j’ai vu des potes à moi. Ça faisait longtemps que je ne les avais pas vus, j’étais content. Je me sentais moins seul. Là-bas, si tu t’embrouilles avec un mec, et qu’en plus de ça, y a des mecs de son quartier avec lui, c’est sûr, tu finis à l’hôpital. Donc, avec mes potes on a fait une bonne équipe.

De la cellule d’arrivant au « quartier VIP »

Là, je vais parler des surveillants parce qu’eux, la vie de ma mère, c’est trop des connards. Quand j’arrive dans ma nouvelle cellule, ils veulent me mettre avec un cracké. Ils ont pété un câble. Je leur dis : « C’est mort je ne rentre pas ici ! Mettez-moi avec quelqu’un d’autre ».

Ils me répondent qu’il n’y a pas d’autre place, que je suis obligé de rentrer ici. En vrai, ils veulent juste ne pas se casser la tête à changer de cellule. Donc c’est parti en couille, ils ont commencé à me pousser. Frère, surveillant ou pas, je te pousse aussi. Après, c’est parti en clé de bras et tout, laisse tomber. Au final, j’ai eu raison de faire ça. Si tu te laisses faire face à eux, t’es mort dans le film. Après, le chef du bâtiment est arrivé. Je lui ai expliqué que si je me mets avec lui, il peut me faire des trucs bizarres, il peut se couper les veines pour son crack, que dans sa tête, il est pas normal, c’est tout.

Puis il m’a mis dans une autre cellule avec un bon gars. Mon nouveau Co était carré. Il était branché (il avait un téléphone) et j’ai pu gérer mes affaires pour me brancher moi aussi. On s’entendait bien, il habitait à côté de chez moi et on avait des potes en commun.

Après ça, j’ai encore changé de cellule et j’ai fait auxi cantine [auxiliaire chargé des cantines, ndlr],  en gros, je prépare les courses des détenus qui ont cantiné de la nourriture. On passait dans tous les bâtiments même chez les vulnérables [quartier isolé pour les cas médiatiques, surnommé « quartier VIP », ndlr]. Chez les vulnérables, j’ai croisé des politiciens et des artistes comme Jean-Luc Lahaye, Claude Guéant et Georges Tron.

Esteban, 22 ans, en formation, Paris

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