Famille nombreuse : je suis le responsable de ma fratrie
« Bouge ! » C’est la première chose que je dis à mes frères et sœurs quand je sens qu’ils viennent me faire chier. Je suis l’aîné d’une famille nombreuse de trois sœurs et cinq frères. J’ai de la chance, ma vie, c’est pas un enfer !
Mes frères et sœurs passent leur temps à m’embêter, que je sois à la maison ou pas. Quand je suis là, ils vont toujours trouver un moyen pour m’énerver : crier, courir partout, m’insulter ou même me frapper, pour les plus petits. Quand ils m’embêtent, je suis obligé de jouer le méchant grand frère en leur criant dessus. Par exemple, la dernière fois qu’ils m’ont embêté c’était ce matin. Je dormais et la première chose que j’entends en me réveillant, ce sont mes deux frères qui parlent de jeux dans ma chambre. Faut savoir que je déteste qu’on vienne perturber mon sommeil. Donc j’ai crié un bon coup, et je me suis rendormi.
Je dois m’occuper d’eux, surveiller qu’ils ne jouent pas dans la cuisine, au balcon ou qu’ils cassent des choses. Je dois régulièrement aller les chercher à l’école. Souvent, mon petit frère finit par pleurer parce qu’il aime trop courir sur la route ou traverser seul alors qu’il n’est qu’en primaire. Pour l’en empêcher, je suis obligé de l’attraper par le bras, et il n’aime pas ça. Il pleure et honnêtement c’est soulant parce qu’il ne s’arrête pas avant de rentrer à la maison.
On partage la même chambre
Malgré le fait que je dorme dans la même chambre qu’un de mes frères, j’ai assez d’intimité. Il va bientôt rentrer au lycée. Je pense qu’il a mûri et qu’il sait que m’embêter ne sert à rien. J’ai une petite télé dans ma chambre que je partage avec lui mais il ne la regarde jamais. Du coup je l’ai gardée pour moi. Je trouve que notre appartement est plutôt grand même si un appart où j’aurais ma chambre pour moi seul serait mieux. J’ai pas trop de difficultés pour faire mes devoirs, je les fais le soir vers 21 heures et à cette heure-là, tous mes frères et sœurs sont déjà couchés.
Je ne fais pas du tout la cuisine et heureusement, sinon personne ne mangerait chez moi ! Ma mère prépare la casserole où il y a la sauce ou le riz, des fois c’est du mafé, d’autres fois du tieb et qu’est ce que c’est bon ! Quand elle finit de préparer, elle nous sert chacun dans notre assiette. Les seules tâches ménagères que je fais, c’est ranger ou sortir les assiettes de la machine, balayer, quelques fois sortir les poubelles. De temps en temps, ma mère me demande de passer l’aspirateur, de nettoyer la table ou de plier les vêtements. Je pense qu’elle sait que ça ne me plaît pas donc elle préfère m’envoyer faire ses courses. Heureusement, je suis pas le seul à aider. Je fais des courses surtout quand, en fin de mois, il manque de quoi manger le matin ou des légumes pour les repas du soir. Et ça, c’est parce que mes frères et sœurs et moi on mange plus qu’on devrait.
Être un exemple pour mes petits frères
Mon rôle d’aîné pour moi c’est de faire en sorte que mes frères et sœurs et moi, on réussisse. Qu’on puisse se voir quand on sera plus grands et se dire : « J’ai bien fait de t’écouter, de faire ça et pas ça. » En gros, qu’on ait une belle vie.
Mon grand frère et ma grande sœur, qui ont quitté la maison, je n’ai pas pris exemple sur eux. Je dirais qu’ils n’ont pas su me montrer ce qu’il fallait faire ou ne pas faire. Mon grand frère ne s’occupait pas de moi du tout. Il est arrivé en France depuis trois ou quatre ans. Comme il a vécu en Côte d’Ivoire, il n’a pas eu la même éducation que nous. Je ne lui en veut pas trop, il aimait sortir et il le faisait presque tous les jours donc il a pas pu être le « grand frère parfait ». Avec ma grande sœur, on rigolait beaucoup ensemble. À part ça, elle ne s’est pas vraiment occupée de moi. Comme c’est l’aînée, on va dire que c’était elle qui testait un peu tout et qui a fait le plus d’erreurs. Heureusement qu’elle a gagné en maturité et qu’elle s’est prise en mains.
Je ne le dis pas à mes frères et sœurs, mais moi je veux être un peu le grand frère qui est là pour leur montrer ce qu’il ne faut pas faire et les aider s’ils foncent droit dans le mur. Heureusement je ne suis pas quelqu’un qui se prend la tête, donc je ne me mets pas de pression sur le fait de réussir. Tant que je fais les choses bien et que je sais que les gens avec qui je traîne sont des bonnes personnes, je ne vois pas de raison pour que je rate ma vie !
Une famille nombreuse et toujours ambiancée
Chez moi, je peux dire qu’il y a de l’ambiance. Des fois ce sont des cris, mais la plus grande partie du temps, ce sont des rires et de la musique. Pour ça, je ne voudrais pour rien au monde être fils unique. En plus, ça doit être ennuyeux.
L’ avantage d’avoir une famille nombreuse, c’est que tu ne t’ennuies jamais. Chez nous, on ne sort pas énormément mais on a appris à s’amuser entre nous. Il y a pas vraiment d’inconvénients à part le fait qu’on peut pas non plus se payer que des vêtements Nike ou quoi. Mais sinon, on vit ! Je peux inviter des potes chez moi mais je ne veux pas. Déjà j’ai pas la Play 4, et en plus avec tous mes frères et sœurs, je pense pas qu’on serait tranquilles. Alors on se voit plutôt dehors, on se pose dans un parc et on parle.
Maintenant je vais dire la vérité. Plus tard, je ne veux pas de famille nombreuse. Pas parce que c’est énervant, mais juste parce que j’en ai déjà eu une et que je veux changer un peu je crois. Je pense pas que dans toutes les familles nombreuses africaines, ça se passe comme ça, chaque famille est comme elle est. En tout cas moi j’aime la mienne !
Ahmed, 18 ans, lycéen, Bagnolet