Taor V. 02/05/2023

Famille recomposée : je cherche l’attention de mon père

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Toute son enfance, Taor a été humilié par sa belle-mère. Mais le faire comprendre à son père, ça a pris du temps.

C’était tous les jours pareils. Soit elle m’humiliait, soit elle me hurlait dessus. Ma belle-mère est la personne la plus horrible que j’ai rencontrée dans ma vie. Quand elle est arrivée, j’avais 2 ans. Elle me détestait déjà.

Une fois, je ne voulais pas sortir du bain et elle m’a menacé de me gifler très violemment en imitant le geste. J’avais 3 ans et je m’en rappelle encore. Lors de la naissance de mon demi-frère, Benny, elle m’a bien fait comprendre que j’étais une sous-merde, comparé à lui. Selon elle, il n’a pas de défaut, il est parfait, super beau, fort, intelligent… En plus de ne jamais me complimenter, elle mettait en valeur chaque erreur que je faisais en me comparant. Une fois, on jouait au Uno, un jeu surtout basé sur la chance. C’est moi qui ai perdu, elle a crié de joie en m’humiliant, en disant que mon frère était le meilleur, répétant en boucle que j’avais perdu.

Tout cela pulvérise mon égo quotidiennement. Quand j’avais 4 ans, dans le bain, si l’eau était trop froide pour y aller, c’était grave pour Benny mais pas pour moi. Elle répétait que j’étais trop frileux et vraiment trouillard, que lui était un vrai « Breton », qu’il faisait vraiment partie des hommes courageux et endurants. Quand je la croisais, elle sursautait de peur et me regardait fixement en fronçant les sourcils. À table, elle pouvait faire ça pendant au moins 20 minutes non-stop. J’avais l’impression que je la dégoûtais. Je le voyais à ses expressions de visage, à son regard. On aurait presque dit qu’elle avait peur de moi.

Chercher leur attention

Depuis toujours, je me donne à fond pour faire comprendre à mes parents que je suis là, que j’ai plein de potentiel et qu’ils ne font pas assez attention à moi. J’ai toujours essayé de leur faire dire « bravo, je suis impressionné ». De manière sincère, pas seulement en tant que mère ou père qui encouragent leur fils malgré eux. Je me suis donné à fond toute ma vie mais j’ai commencé à baisser les bras en me disant que j’étais quelqu’un de plutôt banal, qui ne mérite pas toute l’attention que je demande. J’ai rapidement compris que cette perte de confiance ne venait ni de mes parents ni de moi. Mais d’elle, ma belle-mère, Béatrice.

Mon père était rarement témoin, mais quand je la dénonçais, il s’énervait en lui disant d’arrêter. Elle disait « oui, oui » mais continuait dès qu’elle en avait l’occasion. Elle faisait ça dès qu’il avait le dos tourné. Devant lui, elle se comportait toujours bien, elle était mielleuse. Mon père, à cette époque, était assez compatissant, essayait toujours de changer la situation, de parler avec elle pour qu’elle soit plus gentille avec moi. Mais rien ne bougeait. Pour moi, la seule solution, c’était qu’ils se séparent. Mais mon père n’allait pas briser une famille avec comme seule preuve mon témoignage.

Je n’en veux pas à ma mère de n’avoir rien fait, rien dit. Mais j’aurais aimé qu’elle en parle à mon père et qu’elle insiste sur le problème. Cela aurait pu faire avancer les choses. Mais mon père et ma mère ne s’entendent pas à merveille.

Plus de belle-mère, mais une demi-sœur

Donc rien ne changeait, jusqu’au jour où j’ai décidé de l’enregistrer avec mon téléphone. Ça faisait « trop longtemps » que j’étais aux toilettes. Elle répétait qu’elle était chez elle. Elle essayait d’ouvrir la porte, elle ne me laissait pas tranquille. J’ai sorti mon téléphone et je l’ai enregistrée en train de hurler. C’était la première fois que je pensais à le faire. Après ça, j’utilisais mon téléphone régulièrement. À chaque fois, je faisais écouter à mon père. Il a fini par se rendre compte de la gravité de ce que je vivais. Il a décidé de la quitter quand j’avais 14 ans.

Pendant deux mois, mon égo ne s’est jamais senti aussi bien. Zéro critique, zéro jugement de valeur. C’était beaucoup mieux et je pouvais enfin m’épanouir, je pouvais dire ce que je voulais à mon petit frère, parler d’égal à égal et me considérer comme quelqu’un de bien. Mais, petit à petit, ma petite demi-sœur est venue remplacer ma belle-mère. Tyfène a 8 ans. C’est la fille de mon père et de Béatrice. Quand elle est née, ça allait. Jusqu’à ses 6 ans, en présence de ma belle-mère, elle n’était pas encore un problème. Mais quand la séparation a eu lieu, je me suis rendu compte que mon père faisait plus attention à elle.

Elle a grandi comme l’enfant chouchou. Elle pouvait tout se permettre. Mon père a du mal à la punir ou à l’empêcher de faire certaines choses. Donc elle a pris l’habitude de me marcher dessus. Elle a eu très rapidement beaucoup plus confiance en elle que moi. Elle a pris sa mère pour exemple : elle s’est mise à me provoquer, à être méchante, à m’insulter gratuitement. Ce problème est toujours présent. Je m’énerve en retour, mais elle va vers mon père. Je suis toujours considéré comme le responsable. Ce problème n’est pas une simple querelle entre frère et sœur, oarce que depuis qu’elle s’amuse à faire ça, j’en fais des cauchemars la nuit.

Que faire de plus ?

Ma petite sœur a imité Béatrice. Ma belle-mère n’aurait pas dû se comporter comme ça. Je comprends le fait de ne pas apprécier l’enfant de son compagnon, mais c’est un énorme manque d’indulgence que de m’avoir traité de cette façon.

Ces derniers temps, j’ai essayé d’attirer encore plus l’attention de mon père et de ma mère. Pour me sentir mieux, j’ai commencé le piano, l’escalade, le kung-fu, le vélo sans les mains, le dessin, le sanda (c’est comme du MMA), la musculation, le stop motion et des cours d’acteur ! Ma mère dit que je fais les choses pour les autres et pas pour moi. Ce n’est pas forcément positif.

J’ai l’impression que mon père continue à ne pas faire attention. Il s’intéresse à mon petit frère et ma petite sœur. Je fais 150 fois plus de trucs qu’eux et ça ne l’intéresse quand même pas. Je lui ai même demandé de participer à des cours de son école de jeux d’acteur. J’ai passé des castings. À part m’améliorer dans tous les domaines que j’ai choisis, je ne vois pas ce que je peux faire de plus. Mais j’ai encore de l’espoir. À force, peut-être que j’obtiendrai ce que je désire le plus : son admiration.

Taor, 16 ans, lycéen, Montpellier

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