J’étais H24 sur les réseaux
Les réseaux sociaux m’ont autant attiré d’ennuis qu’apporté du bonheur. D’un côté, c’est une source de réconfort. De l’autre, une source de tension avec ma famille. Les problèmes ont commencé au collège, la première fois qu’on m’a autorisée à avoir un compte Facebook. Ma famille ne voyait que les risques d’addiction et pensait au pire en me voyant traîner dessus. Même si ça m’attristait, je m’en fichais un peu puisque j’avais plein de potes pour me soutenir.
J’habitais à Madagascar, le pays où je suis née. Mes parents étaient séparés, du coup, je vivais avec ma mère et mon beau-père. C’est quand j’ai déménagé avec eux au Sénégal, pour le travail de mon beau-père, que ça s’est empiré. J’avais 17 ans. Les changements m’ont trop perturbée. Pour moi, les réseaux sociaux étaient un moyen de fuir le stress quotidien. Mon niveau de solitude était trop élevé, donc j’étais H24 sur mon téléphone. J’avais une assez grande communauté sur Facebook, j’étais complètement accro aux likes et à mes relations.
Déclencheur d’embrouilles n°1
Dès que mes parents ne me voyaient pas, ils pensaient que j’étais sur mon téléphone. Le pire, c’est que c’était vrai. J’ai essayé de m’améliorer pour passer moins de temps dessus, mais ils ne le remarquaient même pas. Ça me déprimait de malade parce que c’était devenu quelque chose de toxique, alors qu’à la base j’étais une passionnée. J’adorais me filmer en train de danser, faire des photos de moi, des voyages et des paysages que je voyais…
Au lieu d’arrêter, j’ai préféré me rebeller et continuer. Ça a évidemment conduit à une grosse perte de confiance en moi dès que je n’avais pas assez de likes. Mes parents ont pété un câble : ils ont commencé à me confisquer mon téléphone et à me donner des limites d’heures. Ça m’a poussée dans un état incontrôlable. J’avais des palpitations dès que je sortais de chez moi et je pleurais dès qu’on me parlait de l’école.
Et là, le déclic
Cette période m’a fait beaucoup réfléchir sur le rééquilibrage que je voulais faire vis-à-vis des réseaux sociaux, et m’a poussée à me poser les bonnes questions. Combien de temps devrais-je passer dessus ? Quand m’arrêter ? J’ai eu un moment de détox digitale pendant un mois pour bien y réfléchir.
Après trois mois de dépression, mes parents ont compris que rester au Sénégal n’allait pas améliorer ma situation. Ils m’ont laissé le champ libre pour choisir entre rentrer au bled ou aller vivre en France avec mes grands-parents. J’ai d’abord choisi de rentrer à Madagascar. Mais en arrivant en France, j’ai directement changé d’avis. Tout s’est fait dans la précipitation : j’ai trouvé un lycée, je me suis installée et mes parents m’ont soutenue. Ils m’ont dit : « Dans le pire des cas, tu rentreras à Madagascar. » Je suis restée. Ils ont fini par retourner au Sénégal sans moi, et là, déclic : être séparée de mes parents a tout changé.
Mes grands-parents n’avaient aucun problème vis-à-vis de ma présence sur les réseaux. Ça me procurait une sorte de liberté, je pouvais enfin respirer. À force, c’était même de nouveau possible pour moi de m’amuser sans être constamment dessus. À partir de là, j’ai commencé à gérer moi-même mon temps. Je voulais trouver la manière la plus saine et constructive d’utiliser les réseaux.
Une relation apaisée
J’ai commencé à mener ma propre enquête, à m’abonner à plein de comptes de coach en développement personnel. D’un côté, je me demandais si ma relation avec mes parents aurait été meilleure si j’avais fait ce travail sur moi un peu plus tôt. De l’autre, je pense que si je n’étais pas passée par tout ça, je n’en serai pas là.
Aujourd’hui, je partage ce qui me plaît. J’ai compris que toutes les petites choses qui se passent dans notre vie nous aident à être la meilleure version de nous-même, il faut juste en prendre conscience pour avancer. Je ne dirais pas non plus que tout est parfait : je suis toujours à la recherche de plus d’abonnés et de likes. Néanmoins, j’ai beaucoup plus confiance en moi. J’ai appris à accepter le fait que ce que je fais ne plaît pas forcément à tout le monde, et que c’est OK.
Mes parents se sont rendu compte que j’avais réussi à mieux me contrôler. Ils me voyaient moins souvent en ligne. Un jour, on a pu discuter clairement de ce sujet, de ce que je ressentais. Ma relation avec eux s’est beaucoup améliorée depuis.
Shiny, 20 ans, volontaire en service civique, Nantes