Havin K. 14/03/2023

« Femme, vie, liberté » : un slogan qui fait mon identité

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Kurde, Havin a grandi en France. Elle est très attachée à sa langue, à sa communauté et ses valeurs, comme le féminisme.

Je suis kurde et, à chaque fois que je dis mon origine, les gens ne la connaissent pas ou me répondent : « Ah, mais t’es turque ! » À chaque fois, je les contredis, mais ils me répondent que c’est la même chose et ça m’énerve un peu. Mais j’ai toujours laissé passer car j’en avais marre d’expliquer la même chose.

Je suis vraiment fière de mon origine, mais ça, les gens ne le savent pas forcément. Aujourd’hui, dans mon entourage, hors famille, seules mes meilleures amies la connaissent vraiment, car ce sont les seules qui s’y sont intéressées.

La langue, la musique, la danse

Pour moi, être kurde signifie que, lorsque je suis avec ma famille, je me sens obligée de parler kurmanji. Ce n’est pas parce qu’ils ne savent pas parler français, mais parce que sinon je n’aurais aucune opportunité de parler cette langue avec quelqu’un.

Être kurde signifie aussi que, peu importe mes croyances, je ne serai jamais mise à l’écart. Même si nous sommes à majorité musulmane, nous avons beaucoup d’athées, de chrétiens, etc. Cela signifie aussi fêter le nouvel an kurde (Newroz), porter des robes traditionnelles lors des mariages, fêter, danser le Halay Govend (danse traditionnelle kurde), écouter des musiques kurdes, supporter le peuple, mais surtout être fière de ma communauté et de mon genre.

Mon père m’a toujours soutenue à faire des études et à être indépendante. Il souhaite me soutenir dans mes projets futurs et c’est ce que j’apprécie. Bien évidemment, pas tous les pères kurdes soutiennent leurs filles à faire ce qu’elles veulent/souhaitent, mais cela ne reste qu’une minorité dans la communauté.

Les femmes au cœur de la communauté

Dans ma communauté, les femmes sont très valorisées et nous y jouons un grand rôle. Par exemple, il y a beaucoup de femmes qui combattent pour l’indépendance (via les manifestations, au Rojava, lors des combats). Nous faisons aussi partie du slogan politique kurde « Jin, jiyan, azad » qui signifie « Femme, vie, liberté ». Ce slogan est beaucoup utilisé lors des manifestations. D’ailleurs, depuis toute petite, ma famille m’amène à des manifestations. Ils m’ont appris à combattre pour nos droits, nos libertés et notre indépendance en tant que femmes et hommes.

En France, le pays considéré comme le pays des droits de l’Homme, les gens ont souvent tendance à penser que nous ne les respectons pas et surtout ceux des femmes. Alors que d’après mon expérience, c’est tout le contraire. Je trouve que nous sommes beaucoup plus avancés que la France sur ces questions-là et que ce n’est pas parce que nous sommes des étrangers que nous ne combattons pas pour nos libertés et pour l’égalité. Nous aussi, nous avons des valeurs, des droits et des libertés. Je pense aussi que j’ai plus fait face au sexisme en France que dans la communauté kurde.

En sécurité nulle part

Ma famille m’a toujours dit que j’allais devenir une grande femme indépendante car ici, en France, j’en ai la possibilité. Par contre, je ne me suis jamais sentie valorisée par la communauté française. Déjà parce que je suis une femme, ensuite kurde (donc étrangère). Et de plus musulmane ! Avec tout cela, j’ai toujours eu cette peur de ne jamais réussir dans ma vie, à cause de mon origine et de ma religion.

En plus, dans le « pays des droits de l’Homme » nous ne sommes plus en sécurité. Le 9 janvier 2013, trois femmes kurdes militantes ont été assassinées. Le 23 décembre 2022, à Paris, trois militants kurdes ont aussi été assassinés. Cela nous touche beaucoup car nous ne sommes plus en sécurité nulle part, alors que nous souhaitons seulement notre indépendance et notre liberté.

Havin, 16 ans, lycéenne, Toulouse

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