Ibrahima I. 31/03/2022

Dans la même chambre, chacun son monde

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Depuis son arrivée en France, Ibrahima est hébergé dans une chambre d'hôtel. Il aimerait partager plus de choses avec son colocataire.

Je viens de la Guinée Conakry. Après mon arrivée en Europe, je suis allé en Italie… mais bon, leur langue me semblait un peu difficile. Comme la France a colonisé mon pays, la Guinée est francophone ; alors je m’exprime un peu en français. C’est pour ça que j’ai décidé de quitter l’Italie pour venir en France.

Aujourd’hui, je vis depuis deux mois à l’hôtel, dans le 18e arrondissement de Paris. C’est l’association France Terre d’Asile qui m’a orienté vers cette solution de logement. Mon colocataire, c’est Ali, un Arabe tunisien. Avant d’arriver dans la chambre, on m’avait expliqué qu’il parlait bien français, et ça m’avait rassuré de savoir qu’on pourrait communiquer.

Mais, je trouve ça bizarre, on ne se parle pas assez parce que chacun est occupé par son téléphone. Je veux que ça change, mais je n’ai jamais osé lui dire.

Une chambre : deux pays

Le soir, on rentre, on se salue et après, c’est chacun sur son téléphone. On communique souvent avec nos familles respectives et on regarde les actualités. Moi, celles de la Guinée, et lui, celles de la Tunisie. Souvent, je regarde le journal télévisé de Guinée RTG car je veux voir ce qu’il se passe au pays. Ma famille est là-bas donc j’ai envie de m’assurer qu’ils vont bien. Je pense que c’est pareil pour lui, sa famille aussi est toujours en Tunisie.

Chacun est entre deux pays. Le téléphone, le soir, c’est le seul moyen d’avoir un lien avec ma famille et mes amis. Ça me manque beaucoup. Je leur parle surtout sur Whatsapp, mais à l’hôtel, y’a pas de wifi donc j’achète du crédit. Ça me fait plaisir de leur parler parce que je suis seul ici.

Parfois Ali et moi on appelle en même temps au pays. On met chacun nos écouteurs et on essaie de ne pas parler trop fort pour ne pas déranger l’autre. Quand il parle avec sa famille au pays, je l’entends parler en arabe, et moi avec ma famille, c’est le malinké.

Une solidarité entre exilés

Le jour de mon arrivée à l’hôtel, c’est Ali qui m’a montré comment les choses se passent. Parfois, la journée, on est ensemble au centre. Mais souvent, on ne se salue que le matin dans la chambre et après chacun prend son chemin.

Je souhaiterais qu’on communique plus parce qu’un jour viendra, on sera séparé et on ne pourra pas se souvenir l’un de l’autre. Ici en France, on est en aventure, on n’est pas chez nous. Il faudra peut-être qu’on s’aide un jour. On est dans la même situation donc on peut se comprendre.

Pour qu’on devienne solidaires, il faudrait qu’on se sépare de nos téléphones. C’est ça qui perturbe notre relation. Mon rêve, c’est d’être solidaire avec tous ceux que je rencontre dans les moments difficiles. Parce que je ne connais personne ici en France, donc les amis que je me fais, j’aimerais pouvoir en faire une grande famille, qu’on puisse s’entraider.

Je suis dans une association dans laquelle des gens m’aident, mais c’est vrai qu’ils ne comprennent pas vraiment ce que j’ai vécu. Avec Ali, par exemple, on a fait le même trajet pour venir en France, on a tous les deux traversé la Méditerranée, et ça crée un lien.

Ibrahima, 16 ans, en formation, Paris

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