Land R. 29/02/2024

Ni foot, ni short pour les filles

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Land a grandi en Haïti. Les filles y sont beaucoup à la maison, et n'ont pas le droit de faire les mêmes sports que les garçons. Alors elle est devenue « contre le foot pour les filles », même si secrètement, elle rêvait de jouer.

À chaque fois que je voyais les garçons jouer au foot, j’avais envie d’aller les rejoindre. Je rêvais de jouer comme Kaka et Ronaldinho. À chaque fois que le Brésil jouait, les gens s’attendaient à les voir sur le terrain. Ils dégageaient une vibe positive.

J’ai découvert ce sport en regardant jouer les petits garçons du quartier. Je regardais aussi les matchs de foot dans une salle de cinéma qui appartenait à mon beau-père. Mais les seules fois où je touchais la balle, c’était quand elle sortait de la cour et qu’il fallait la ramener.

La première fois où j’ai vraiment joué, c’était à l’école. J’avais 10 ans et c’était pendant la récré. J’ai aimé courir. Malheureusement, ma famille était contre. Ma mère me disait que le foot c’était pour les gars : « T’as déjà vu une fille jouer au foot ? Quelle honte si les gens pensent que t’es un garçon manqué. Je ne pourrais pas supporter leur regard. »

Les filles à la maison

Je viens d’Haïti, du département des Nippes, à l’ouest du pays. J’ai grandi avec cette mentalité que les filles et les garçons ne sont pas égaux, qu’ils n’ont pas les mêmes droits.

Les garçons pouvaient ne rien faire de leur journée à part jouer au foot ou aller chercher de l’eau. Mais nous, les filles, on devait tout le temps rester à la maison, aider les parents, faire la vaisselle, nettoyer. Je ne pouvais pas jouer au foot, ni porter des shorts. Il n’y avait que la danse et le vélo qui étaient des activités normales pour nous.

Ce sont des règles que toutes les Haïtiennes qui ont grandi dans le pays savent. Dans ma famille, c’était donc exactement comme ça. Alors après l’école, j’étais à la maison, je mangeais, je regardais la télé, je jouais aux poupées, je faisais du vélo. Pendant ce temps, les garçons étaient dans la cour en train de jouer au foot. Les seules filles que je voyais faire pareil, c’était à la télé dans des tournois internationaux.

Changer d’avis et de vie

Je suis arrivée en Guyane française à l’âge de 15 ans, seule. J’avais toujours la même mentalité haïtienne. Je voyais des filles habillées comme des garçons, des filles qui faisaient de la boxe, du foot, du basket et plein d’autres sports. Et je les critiquais à chaque fois. Pour moi, ce n’était pas logique. Je pensais que les filles ne devaient pas faire les mêmes choses que les garçons.

Les enfants de mes cousins nés en France aussi, filles et garçons, faisaient pratiquement les mêmes sports : de la boxe, de la danse, de la piscine… Il n’y avait pas de différence. En plus, en Guyane, j’étais chez ma mamie qui était neutre sur ce sujet. Elle a quitté Haïti depuis longtemps et je suis sa petite-enfant, pas sa fille.

Alors, j’ai fini par changer d’avis. Je me suis ouverte. Je n’étais plus contre le foot pour les filles. Je trouvais ça normal. Mon envie de jouer est passée mais je vais aller à la salle faire de la muscu. Maintenant, j’attends d’avoir un taf pour la payer. Il me faut juste l’argent !

Land, 21 ans, étudiante, Fontainebleau

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