Axell J. 24/10/2022

Pansexuel·le et genderfluid, je mène une double vie

tags :

Axell a grandi dans une famille homophobe. Pendant des années, iel a dû cacher son identité queer, au risque de tout perdre.

Depuis l’enfance, on m’enseigne que le genre et le sexe : c’est la même chose. J’ai toujours pensé que j’étais une fille parce qu’on m’a appris que j’en étais une. De la même manière, on m’a appris qu’un couple, c’est un homme et une femme.

Je savais que l’homosexualité existait. Parfois, je voyais des couples de même sexe à la télé, mais ma mère disait systématiquement : « Ah change de chaîne je vais vomir, ça me dégoûte. » C’est comme ça que j’ai compris que ce n’était « pas normal ». À cause de ça, j’ai été homophobe dès mon enfance.

J’étais pansexuel·le et homophobe

À 14 ans, j’ai eu des sentiments pour une fille. Étant donné que j’ai grandi dans une famille religieuse, je l’ai très mal vécu. Je culpabilisais et me forçais à ne pas ressentir ça. J’ai passé tellement de nuits à pleurer, en pensant que j’étais un monstre. Après ca, je n’ai daté que des garçons, même si je ne les aimais pas. J’étais pansexuel·le, mais il fallait que je me force à être « hétéro ». Au bout de deux ans, je suis sorti·e avec une fille. Au début, je me disais que c’était juste pour essayer, que j’étais hétéro et qu’elle, c’était l’exception. Pourtant, la première fois que je l’ai vue, j’ai eu un coup de foudre directement. Comme dans les films : je voyais plus ce qui se passait autour.

Grâce à cette relation, j’ai fait mon coming-out à mes ami·es. J’ai pu le dire sans gêne aux personnes que je rencontrais. Mais devant ma famille, je retournais dans le placard.

Pour ma famille, je devais guérir

À ce moment-là, je suis parti·e en vacances avec ma mère. On était de sortie et elle n’avait pas pris son tél. Alors vu que c’est moi qui étais chargé·e de faire les photos souvenirs de la journée, elle a voulu les voir.

« Je te les envoie. 
Pourquoi tu ne veux pas me montrer ? J’suis sûre que tu caches un truc. 
 – Les mots ne sortiront jamais de ma bouche donc t’as qu’à deviner. Indice : c’est quoi le pire truc que je pourrais faire ? 
T’as vendu de la drogue ? T’as tué quelqu’un ? 
 – Non, non, pire. 
 – Euh t’es sorti avec un mec ? 
– Non, au contraire. »

Il lui a fallu quelques secondes pour comprendre. Elle a dit plein de mots en arabe que je n’ai pas compris. Et, avec un regard de dégoût, elle a déclaré : « T’as raison, c’est pire que si t’avais tué quelqu’un. »

Elle m’a demandé de lui expliquer comment c’était arrivé. J’ai dû mentir en disant que je n’étais jamais sortie avec qui que ce soit, pour ne pas qu’elle me dise : « Comme ça s’est mal passé avec les mecs, t’es allé·e vers les filles. » Sans surprise, elle m’a sorti tous les clichés homophobes possibles : « Les couples homosexuels peuvent même pas avoir d’enfants, ça sert à rien » « C’est pas normal/équilibré pour un enfant d’avoir deux parents du même sexe, ça va le perturber. » Elle m’a même parlé de MST (maladies sexuellement transmissibles).

Suite à cette discussion, on a pris un rendez-vous avec un psy musulman. Il m’a éclairé·e sur les questions de jalousie dans mon couple, et j’ai décidé de quitter ma copine. Je me suis dit que le problème était réglé, et j’ai pu annoncer à ma mère : « Ça y est, c’est bon, j’suis guérie. » Elle était contente, soulagée et fière de moi.

Ma sœur a hacké mon compte Insta

Après mon coming-out, je me suis rendu compte que je ne m’identifiais pas à 100 % au genre féminin. La plupart du temps, je me sentais neutre et, de temps en temps, je me sentais plus mec ou plus meuf. Avec le temps, j’ai compris que mon identité de genre était fluide. J’ai décidé de m’appeler Axell, pour avoir un prénom non-genré. Mes ami·es savaient déjà que je n’étais pas cis. J’en avais déjà parlé à mes potes avant, la seule chose qui changeait c’était de m’appeler par un autre prénom et d’alterner mes pronoms. Mais j’ai voulu attendre de ne plus être au lycée pour l’annoncer « officiellement ». Au fil du temps, tous les gens que je rencontrais (sur les réseaux sociaux, à la fac, en soirée…) me rencontraient en tant qu’Axell.

Un jour, ma mère et ma sœur ont tout découvert. Mon identité de genre, ma sexualité, mes fréquentations, mes sorties nocturnes, tout. Ma sœur avait hacké mon compte Insta. Elle n’avait pas seulement vu les posts et les Stories, mais aussi les messages.

Ma mère a supprimé mon compte Inta, a pris mon téléphone et mon ordi. Je n’avais plus aucun moyen de voir ou de contacter mes potes. Au final, avoir une double vie m’a protégé·e, mais uniquement sur le court terme. Je savais que, tôt ou tard, ça finirait par se savoir et que je devrais tout enterrer à nouveau. Aujourd’hui, c’est fini. Je retourne dans le placard, le referme et fait disparaître la clef à tout jamais.

Axell, 18 ans, en formation, Paris

Partager

Commenter