Je ne peux pas choisir entre mes deux cultures !
Je suis métis, né d’une mère blanche et d’un père d’origine tunisienne. La double-culture apporte de la richesse, mais aussi quelques difficultés imprévues. L’une d’elles, c’est le mélange des langues. Lors de mon enfance de mes 1 an à mes 3 ans, dans notre foyer on parlait uniquement arabe. J’ai donc appris puis parlé arabe durant la majorité de mon enfance. En effet, mon père a jugé bon de m’éduquer en arabe car j’allais apprendre le français à l’école, de toute façon.
Aujourd’hui, je vois cela comme une idée de génie puisque grâce à lui, je suis bilingue ! Mais le problème, c’est que des fois mon cerveau « bug » et je commence à mélanger les deux langues. Et alors je peux dire : « Belar la porte » à la place de : « Ferme la porte. » Ou : « Où sont les mfeteh ? » À la place de : « Où sont les clefs ? »
La seconde difficulté, c’est le mix des cultures. À la maison, la culture arabe vient se mélanger à la culture française. Par exemple, nous ne fêtons ni Noël ni Pâques, et toute la viande que nous mangeons est « hallal », c’est-à-dire préparée selon le rite musulman. À cause de ces particularités, mes camarades me posent souvent des questions qui ont pour moi des allures de dilemmes insolubles. Du type : « S’il y a un match de football entre la France et ton pays d’origine, t’es pour qui ? » Compliqué ! Mes parents et ma famille sont pour la Tunisie, mais tous mes potes sont pour la France… Mais Dieu merci, ce match fatal n’a jamais eu lieu pour le moment.
« Amine, tu renies tes origines… »
Une version plus compliquée des questions que peuvent me poser mes amis, c’est celle-ci : « Si c’est la guerre entre les deux pays, tu t’engages pour qui ? » Bien sûr, impossible pour moi de choisir entre mon pays d’origine, la Tunisie, et la France qui m’a accueilli et éduqué… Donc si la guerre venait à se déclarer, il y a de fortes chances pour que je fuie loin (par exemple en Inde) pour que personne ne vienne me retrouver.
La troisième difficulté, c’est la pire : trouver un « juste-milieu » entre les deux cultures. J’ai l’impression qu’il ne faut pas se comporter de façon « trop africaine » pour ne pas être trop mal vu par les profs et les autres personnes. Sinon, on peut être accusés d’être « mal intégrés », par exemple si on porte un maillot de l’équipe du bled.
Mais il ne faut pas être non plus trop « français », sinon ce seront vos semblables qui vous le feront remarquer. Moi, j’ai déjà entendu ça par exemple : « Amine, il est marron de l’extérieur et blanc de l’intérieur, c’est une noix de coco ! » Ma mère m’a aussi dit : « Amine, tu renies tes origines… » Simplement parce que je venais de refuser un couscous ! C’était sur le ton de l’humour évidemment, mais ces phrases sont mémorables pour moi, parce que je suis à un âge où le jugement des autres est quelque chose de très important.
En clair, il faut réussir à trouver le juste-milieu pour ne pas être considéré ni comme un communautariste, ni comme un fruit (enfin, une « noix de coco » en l’occurrence…) Face à ces difficultés, j’en conclus que le mieux à faire, c’est d’essayer de garder le meilleur des deux cultures. Les gens dans mon cas se prendront toujours des remarques mais avec le temps, on peut changer les a priori des autres. Bref, le temps, c’est le meilleur allié.
Amine, 15 ans, lycéen, Gardanne