Yacine J. 11/01/2024

Plus tard, je serai un pro aux fourneaux

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Yacine ne se sentait bien ni à l’école, ni en institut médico-éducatif, un établissement pour les jeunes en situation de handicap mental. C’est finalement dans la cuisine familiale avec son père qu’il a trouvé sa vocation, et grâce à des structures d’insertion pro qu’il a pu la concrétiser.

Mon père m’a appris à cuisiner. La première fois, on a fait un tajine. J’étais petit, je devais avoir 16-17 ans. J’avais envie d’apprendre avec lui. Depuis ce jour, je veux faire cuisinier.

Mon père cuisine dans une maison de retraite, un Ephad. Ça fait presque 30 ans qu’il est cuisinier. Il fait de la cuisine centrale, il livre chez les personnes âgées qui ne peuvent plus rien faire. Pour la livraison, comme il n’a pas le permis, il est côté passager. Il livre chez les mêmes depuis très longtemps, à Courcouronnes et à Lieu-Saint. Il a les clés des appartements ou des maisons si les personnes ne peuvent pas se lever.

Je n’aimais vraiment pas l’école, j’avais des zéros partout. J’ai arrêté fin quatrième, vers la fin de mes 15 ans, et j’allais souvent voir mon grand-père. Je m’occupais de lui dans sa maison de retraite. Il était dans un fauteuil roulant, je le poussais pour me promener avec lui. J’aime bien m’occuper des personnes âgées. Alors moi aussi, j’aimerais cuisiner dans un Ephad, ou dans un collège ou lycée.

Trouver la bonne structure d’apprentissage

Après avoir arrêté l’école, j’ai fait une formation, le SIFPro, c’est un IME (institut médico-éducatif) qui fait une remise à niveau pour personnes handicapées.  Je ne voulais pas y aller. C’est le SESSAD (service d’éducation spéciale et de soins à domicile) et la mission locale d’Evry qui m’ont envoyé là-bas.

On y faisait de la cuisine et de la pâtisserie. Je n’aimais pas la façon dont on enseignait. On m’engueulait souvent alors que j’étais là pour apprendre. Les personnes étaient différentes de moi, elles avaient un handicap plus lourd que moi. Elles étaient agitées, moi j’étais calme. Un de mes camarades crachait dans les plats des gens quand on cuisinait ensemble. Je trouvais que c’était sale, que ça ne se faisait pas. Je sais que c’était lié à son handicap, mais ça ne m’a pas plu. Je ne suis pas resté longtemps. C’était une mauvaise idée de m’envoyer là-bas.

Après ça, je suis retourné à la mission locale. Ils m’ont proposé de faire un stage en cuisine dans un Epnak à Soisy-sur-Seine. J’ai bien aimé. Les cuisiniers étaient gentils. Je faisais des fautes, mais ils m’expliquaient gentiment. Un jour, on a fait un gâteau à l’abricot. J’ai adoré le préparer même si je ne me souviens pas de la recette. Je l’ai goûté, il était bon. J’ai fait ça pendant un mois et j’ai décidé que j’allais revenir.

Cuisiner son avenir

Maintenant, je suis inscrit à l’Epnak, c’est mieux que les autres formations que j’ai faites. Je m’entends bien avec les gens, ils sont plus comme moi. On a tous des handicaps plutôt légers. Les profs sont gentils. Ici, je fais plein d’activités. J’aime le théâtre, on rigole souvent. On fait aussi du sport. C’est une remise à niveau qui est bien faite, je trouve que j’apprends facilement.

On est accompagnés pour construire notre projet professionnel. Je leur ai dit que je voulais être cuisinier. Je vais devoir faire un stage. J’ai trouvé une opportunité dans une école maternelle. La mère de ma copine y travaille. Elle a parlé avec le cuisinier et normalement il devrait m’accepter. Si tout se passe bien, je commencerai mi-janvier. Ça me fait plaisir de me dire que je vais faire à manger pour des enfants. J’espère que je vais encore apprendre des choses.

Plus tard, je voudrais être un pro comme mon père. Je sais que je vais y arriver. Je vais faire d’autres stages. D’ici environ un an, je compte bien me mettre à travailler. Ce que j’aimerais le plus, c’est commencer dans la cuisine d’un collège ou d’un lycée.

Yacine, 20 ans, stagiaire, Evry

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