Lycéen ordinaire, qui fait attention à moi ?
Semblant. J’ai fait semblant d’aller bien, semblant d’être heureux. Avec mes amis, ma famille, partout, tout le temps. J’étais seul et personne ne connaissait l’origine ou même l’existence de mon mal-être.
On a tous un pote toujours souriant, toujours content, qui s’inquiète des autres et de leurs problèmes. Qui au premier abord va très bien. Je suis ce pote. Mais qui s’inquiète pour eux ? Qui s’inquiète pour moi ?
Il y a un an, plus ou moins, j’étais dans une « relation » avec une amie. Je mets des guillemets à relation car même aujourd’hui, je n’arriverais pas à la décrire. Avec le recul, cette relation était toxique pour moi, mais à l’époque je m’en foutais.
Léger détail que j’ai omis : personne n’était au courant pour nous deux dans notre groupe d’amis car, on ne voulait pas niquer notre amitié qui nous tenait à cœur. En fait, je qualifierais cette ancienne relation d’unilatérale. Je l’aimais, mais elle non.
« Tu vas bien ? »
Presque du jour au lendemain, c’était fini, elle avait décidé de me « quitter » (même si ce n’est pas le mot puisqu’on n’était pas ensemble officiellement). Je ne vais pas mentir ça m’a fait beaucoup de mal sur le moment.
Comme personne n’était au courant, au quotidien je me devais de sauver les apparences devant mes amis ou en public. Continuer d’être le mec sympa et toujours prêt à rigoler. Ce n’est pas parce qu’un ami même très proche vous répond « oui » à un simple « ça va » de politesse que c’est réellement le cas.
Seul, seul, seul
Je suis en internat, donc presque H24 avec d’autres personnes. Le jour, je sauvais les apparences, mais le problème quand tu fais semblant aussi longtemps c’est que tu n’es pas toujours infaillible. Des fois tu en as marre, tu te sens seul. Tu te sens seul même s’il y a des gens autour. Tu as juste envie de te barrer de là où tu es et simplement t’allonger, seul. Seul à regarder le plafond en te remémorant tout.
La solitude est un affreux sentiment qui s’empare de toi petit à petit. Qui te fait penser que finalement, être seul c’est bien, c’est même mieux. Dans ces moments-là, en 10 secondes à peine, tu te sens triste et fatigué. C’est ce que je ressentais.
« Si tu allais aussi mal, pourquoi ne pas en parler ? » me direz-vous. Je ne pouvais pas, ou du moins je pensais ne pas pouvoir, ni à ma famille ni à mes amis. Personne n’était au courant, donc la seule personne à qui en parler c’était elle. Mais j’avais peur qu’elle culpabilise de m’avoir rendu comme ça.
La première larme d’une longue lignée
Quand vous êtes fortement attaché à une personne, c’est inconcevable de lui faire quelconque tort, de la faire souffrir, quitte à souffrir encore plus soi-même. Je ne sais pas comment c’est dans la tête des gens, mais pour moi, c’est compliqué de parler de mes sentiments. Pour être honnête, la plupart du temps je ne sais pas vraiment ce que je ressens. Je sais que je ressens quelque chose mais je ne sais pas mettre de mots dessus. Haine, amour, douleur, déception ont pour moi la même saveur. J’étais donc bloqué, bloqué entre mes amis, mon amour impossible et ma tristesse grandissante. En seconde, je me souviens d’une soirée ou j’étais seul chez moi.
Auparavant, j’aurais sûrement fait des choses nulles et irrationnelles d’ado comme mettre la musique à fond, faire une nuit blanche en bouffant des chips et en regardant du porno. Mais non, cette soirée je l’ai passée allongé au sol, au milieu de mon salon, dans le noir avec seulement mes écouteurs et de la musique. Après être resté dans cette position pendant un long moment, sans crier gare, une chose qui ne m’était jamais arrivée arriva : une larme coula sur ma joue. La première d’une longue lignée.
Pleurer pour extérioriser
Ça m’était déjà arrivé de pleurer pour cette histoire mais à chaque fois c’était couplé avec de la colère ou de la frustration, alors que là non. Juste je laissais aller mes émotions en pensant à notre situation, ma situation plutôt, vu que j’étais le seul à aller mal. À partir de ce moment-là, j’ai commencé à aller mieux petit à petit. Une fois que j’allais mieux, j’ai quand même décidé d’expliquer ma situation à mes potes les plus proches qui se doutaient de quelque chose. « Décidé » c’est un grand mot, ils m’ont plus forcé à le dire pendant une soirée.
Je vais mieux, je me sens mieux. Il parait que le temps répare toutes les blessures, c’est bien connu. Mais même si je ne fais plus semblant au quotidien et que mes relations amoureuses vont un peu mieux, cette blessure restera éternellement ouverte. Je suis juste un mec perdu dans sa tête, dans ses relations et dans sa vie. Mais finalement un peu comme tout le monde, non ?
Léo-Paul, 16 ans, lycéen, Montpellier