Léa K. 21/12/2022

Je suis sortie du communautarisme athée 

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Pour la famille de Léa, croire en Dieu est un défaut. En rencontrant des personnes croyantes, elle a pris conscience de ses préjugés.

Je viens d’une famille qui ne croit pas en Dieu. De mémoire, les religions ont plutôt été un sujet de moqueries dans mon enfance. Ni plus, ni moins.

Dans mon esprit, les choses étaient simples : être musulman·e, ça voulait dire « ne pas manger de porc et faire ramadan » ; être juif ou juive, « ne pas manger de porc et ne pas fêter Noël » ; être chrétien·ne ne correspondait à rien d’autre qu’à des modèles éducatifs que mes parents avaient reçus (protestant et catholique) et qu’ils semblent trouver déplorables.

Croire en dieu, un « défaut »

J’ai quand même quelques souvenirs de mes parents qui parlent de ce sujet : je passe l’après-midi avec deux de mes voisin·es, un frère et une sœur qui sont dans mon école. La sœur me dit : « Moi plus tard, je veux être musulmane comme ma mère. » Je rentre, j’en parle à mes parents qui répondent : « Oh quel dommage, elle est pourtant si charmante cette petite. » J’ai 8 ans, je ne pige rien, et je ressors de cet échange avec l’idée qu’être musulman·e, c’est un défaut comme un autre. Mais un défaut quand même !

Je comprends d’autant moins le concept de religion qu’en parallèle, ma mère apprend sur le tard qu’elle est juive (une histoire de famille cachée pendant la guerre). Ça ne l’a pas pour autant rendu croyante.

Donc je grandis. Je comprends quand même au bout d’un moment que des gens croient vraiment en Dieu (mais genre VRAIMENT !). Comme moi je n’y crois pas et que mon entourage non plus, je pense qu’il s’agit d’un petit groupe de farfelu·es. Éventuellement, d’un problème réservé aux autres pays. Et comme ce n’est jamais autre chose qu’un sujet de blagues dans ma famille, ou de révolte dans les médias, j’intériorise quand même une chose : les religions ne sont pas quelque chose de positif.

Un certain entre-soi

Je grandis encore, j’arrive à la fac. Je me fais de nouveaux et de nouvelles ami·es. Une grande majorité viennent du même milieu : elles et ils sont blanc·hes, de classe moyenne, de familles socialistes et athées. Les rares fois où je rencontre quelqu’un dont j’apprends qu’elles ou il va à la messe (ou à un autre culte), j’ai une pensée furtive qui me rappelle celle de mes parents : « Ah dommage, on s’entendait bien. »

Je suis sûre de ne jamais avoir volontairement écarté quelqu’un parce qu’elle ou il était croyant·e. Mais je dois inconsciemment avoir mis une distance avec celles et ceux qui le sont car je ne me retrouve qu’avec des ami·es très majoritairement non-croyant·es.

Deux moments me marquent et bousculent mes idées toutes faites sur les religions. Le premier, au début d’une année d’études. J’arrive en retard en même temps qu’une autre personne de ma promotion. Le prof ne nous accepte pas, on a deux heures à tuer, donc on les tue ensemble. Elle devient la personne avec qui je fais les premiers travaux de groupe. On finit par aller boire des coups toutes les deux assez régulièrement.

Au détour d’un verre, j’apprends qu’elle est musulmane et très croyante. Pour elle, Dieu compte beaucoup. Je suis hyper étonnée qu’elle en parle comme de quelqu’un de proche et très présent dans sa vie. De son côté, elle est assez surprise que je puisse croire qu’il n’existe pas du tout. La conversation n’est pas pour autant tendue comme j’aurais pu le penser. Au contraire, on est vraiment amusées de voir à quel point on a une approche différente des choses, tout en s’aimant énormément.

Mal à l’aise face aux prières

À la même période, je m’engage dans des missions de bénévolat. Beaucoup sont organisées par des lieux de culte ou des organisations religieuses, mais comme elles sont faciles d’accès j’y participe. Je fais notamment des maraudes organisées par les jeunes d’une église parisienne. À la fin, elles et ils font une prière et proposent à celles et ceux qui le souhaitent de se joindre à eux. Pas forcément pour prier, mais pour partager le moment. Elles et ils précisent aussi que si on veut les attendre au bar d’à côté ou partir, c’est OK. Je les attends donc au bar. Je me souviens être à la fois mal à l’aise et étonnée. Mal à l’aise, parce que je constate qu’elles et ils sont franchement croyant·es. Étonnée parce que contrairement aux préjugés que j’ai, elles et ils sont ouvert·es, drôles, altruistes…

Ces événements, rapprochés dans le temps, m’ont amenée à être moins méfiante vis-à-vis des croyant·es. J’ai interrogé ma propre spiritualité en tant qu’athée (mon rapport au vivant, à la mort, à notre rôle sur terre, etc.). J’en ai discuté avec ma famille : mon père a été élevé dans le protestantisme, ma mère dans le catholicisme, et ma grand-mère dans le judaïsme. J’ai appris qu’elles et ils avaient tous et toutes été croyant·es à un moment, et ça m’a intéressée.

Du rejet aux rencontres

Ces rencontres et ces conversations m’ont permis de résister au « dommage » que j’ai vu arriver dans mon esprit le jour ou j’ai appris que « ma belle-sœur trop cool » allait à la messe régulièrement. C’est aussi ce qui a contribué à ce que moi, athée depuis toujours (voire même dans un certain rejet), j’intègre une association qui cherche justement à créer des rencontres entre jeunes de différentes convictions.

Je ne crois toujours pas en Dieu. Pour autant, j’adore être entourée de personnes qui y croient, chacune à leur manière, comme de personnes qui n’y croient pas, de façon parfois très différentes de moi. C’est enrichissant et stimulant de compter cette diversité de personnes dans ma vie. Et c’est étrange de penser que je me suis privée si longtemps de ça, simplement par ignorance et à cause de mes préjugés.

Ces dernières années, on entend beaucoup parler du communautarisme, notamment dans le cadre de lois et débats sur les religions en France. Pourtant, si les croyant·es apparaissent souvent comme responsables de ce communautarisme, je ne suis pas sûre que les non-croyant·es soient plus ouvert·es à la mixité. Et, si on y pense, c’est ça qui est vraiment « dommage » !

Léa, 32 ans, bénévole, Alfortville

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1 réaction

  1. Il y a deux choses je pense dans ce témoignage:
    – une certaine défiance/jugement vis-à-vis de la religion que vraisemblablement Lea a connu dans sa famille
    – le fait que la France soit un pays majoritairement non religieux.
    La première n’est pas forcément enviable dans une société multiculturelle et laïque où chacun a la droit de croire ou de ne pas croire et où le vivre ensemble doit primer. Par contre c’est très exagéré de parler de “communautarisme” dans un pays qui compte plus de 60% de personnes n’ayant aucune religion. Si on choisit ses amis sans prendre en compte la religion, on aura forcément une majorité écrasante d’amis non croyants. D’autant plus si on ne fréquente pas les lieux de culte. Et le fait de ne pas fréquenter les lieux de culte quand on ne pratique pas de religion ne représente en aucun cas du communautarisme “athée”. C’est un peu comme si je vivais au Japon, et que je dénonçais le communautarisme Japonais. La plupart des gens vivant au Japon sont japonais, donc tout à fait normal que la plupart des gens que je rencontre et deviennent mes amis soient japonais, même si j’aurai sûrement des amis d’autres origines. Rien à voir avec du communautarisme. Le vrai problème pour moi ici est le fait de les juger pour leur différence ou non.
    La défiance vis-à-vis des religieux, voire les discriminations à leur encontre sont un vrai problème. Par contre parler de communautarisme “athée” juste parce qu’on ne fréquente pas les lieux de culte ou milieux associatifs cultuels c’est à mon avis malhonnête. Juger les religieux est une chose, avoir une majorité d’amis non religieux dans un pays majoritairement non religieux en est une autre. Par ailleurs opposer les juifs/musulmans/catholiques (soit les religieux) aux athées est également une grossière erreur. Ce n’est pas parce qu’on a pas de religion qu’on est athée 🙂 les non religieux représentent 63% de la population, par contre les athées sont une minorité et ne représentent que 29% de la population. Il y a entre autres les déistes et les agnostiques. La foi/croyance et la religion n’ont rien à voir et l’un peut exister sans l’autre.

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