Mon stage tombe à l’eau à cause de mon voile
Je suis en troisième. Qui dit troisième, dit stage en entreprise. J’ai commencé à faire des recherches très tôt. Avec mon amie, on voulait absolument faire le stage dans une école maternelle, mais on a eu que des refus. On a continué en allant demander dans le coin, à la pharmacie ou au Franprix. Ils prenaient des stagiaires, mais pour vous dire la vérité, on avait la flemme de faire les CV et lettres de motivation.
Finalement, une amie nous a parlé d’une école à 40-45 minutes en bus. C’était loin, mais c’était une école ! On a appelé. Le directeur nous a dit de passer, ce qu’on a fait, trois jours plus tard.
Je n’ai même pas pu entrer
Après les vacances, on devait rendre nos conventions signées par le collège sur le lieu du stage. Je m’en rappellerai toute ma vie. Avec mes copines, nous sommes allées à l’école. Mais si j’avais su ce qui m’attendait, je n’y serais jamais allée. Quand le directeur nous a ouvert et qu’il m’a vue, il m’a dévisagée. J’ai senti tout son regard sur moi. Et il a direct fait une remarque : « Vous m’enlevez ça. » « Ça », comme il disait, c’était mon voile, que j’avais commencé à porter pendant cette période. J’étais grave choquée.
Il m’a redit : « Enlève ton voile, je reviens dans deux minutes. » Mais pour moi, c’était hors de question. Si on avait été à l’intérieur, bien sûr, je l’aurais enlevé. Mais nous étions dehors ! Je connais les règles et je sais quand je peux le porter ou pas. On a étudié la laïcité en cours.
À son retour, il était encore plus énervé. Il m’a dit : « Il y a d’autres stagiaires qui sont là, je vais les prendre. » J’ai essayé de lui expliquer : « Quand le stage commencera, je l’enlèverai avant d’entrer. » Mais il n’a pas voulu m’écouter. À ce moment-là, j’étais triste, choquée, énervée. Je n’arrivais même plus à prononcer un mot. Comme je suis très timide, je n’ai pas osé insister. Je suis partie prendre le bus sans mes copines. Elles m’appelaient, je ne répondais pas. Dans le bus, je pensais à ce que m’avait fait le directeur : « Comment tu peux faire ça ? »
Mon voile m’a fait découvrir le racisme
Pour moi, c’était du racisme. Ça ne m’était jamais arrivée avant. À ma famille non plus. Quand ça t’arrive, ça fait tellement mal. Sur le chemin du collège, pour aller le dire à ma prof principale, je me suis même mise à pleurer. Le principal m’a dit qu’il allait convaincre le directeur de me reprendre, parce que virer une personne trois jours avant le début du stage, c’est pas correct. Ça n’a rien changé. L’école a quand même refusé !
J’essaye de ne plus penser à ça et d’oublier. C’est difficile, parfois ça m’empêche même de dormir. Mais cela ne change pas ma décision : je veux continuer de porter le voile là où c’est possible. Et j’ai compris qu’il y aurait d’autres moments compliqués à vivre.
Inayah, 15 ans, collégienne, Villiers-le-Bel