Survivre avant tout
En pleine nuit, il m’arrivait d’entendre des coups de feu. Avec ma mère, on sursautait dans notre lit. On se disait : « Encore un qui n’a pas respecté les règles. » Ça faisait flipper. Je croyais que j’allais mourir. Heureusement, j’avais ma mère pour me rassurer.
Je viens d’un village situé dans le Sud-Ouest du Cameroun. C’est la deuxième ville la plus peuplée du Cameroun anglophone. Là-bas, il y a des choses plus graves à traiter que la question de l’environnement. La crise anglophone génère des dysfonctionnements politiques, des fusillades de masse au sein même des écoles, des confinements…
Tous les lundis, c’était le lockdown. Une sorte de confinement. On ne pouvait pas quitter le village ni sortir dans les rues car les militaires étaient là. C’était très dangereux. Il est arrivé que ces périodes durent plus longtemps, jusqu’à deux semaines parfois.
« Business écolo »
Les effets néfastes de la crise rendent impossible le rapport à l’environnement. Par exemple, on ne pouvait pas boire l’eau du robinet, alors on achetait des dizaines et des dizaines de packs de bouteilles d’eau. Dès qu’on avait fini de les utiliser, on les entreposait dans un sac poubelle que l’on mettait dans la cour. Un gars venait avec sa brouette les récupérer pour les emmener à la décharge.
Avec ma mère, nous étions des habituées du marché et on connaissait deux ou trois commerçantes qui avaient besoin de bouteilles d’eau vides pour les réutiliser. Elles étaient prêtes à nous en racheter. On a alors mis au point un petit business : 9 bouteilles d’eau à 200 francs CFA, ce qui nous faisait 2 000 francs CFA pour 90 bouteilles vendues et ainsi de suite.
Satisfaites de notre « business écolo », on a réfléchi à d’autres idées pour nous débarrasser de nos vieilles bouteilles qui encombraient l’entrée de la cour : construire un prototype de poubelle à l’aide de bouteilles d’eau recyclées.
Des ateliers dans des écoles
On s’est mises à laver toutes les vieilles bouteilles d’eau, et à l’aide d’une paire de ciseaux nous les avons découpées. Les corps des bouteilles allaient servir de panier et les fonds à fabriquer le socle. Pour commencer, il fallait emboîter tous les corps, puis à l’aide d’un pistolet à colle chauffante nous les avons collés entre eux. Ensuite, pour fabriquer le socle, nous avons répété le même procédé. À la fin, nous avons tout assemblé, et ça a donné forme à un prototype de « panier poubelle ».
Dans le quartier, on connaissait des gens dont les enfants allaient à l’école. On leur a parlé de notre projet de venir dans une école pour parler de recyclage. L’idée c’était de montrer aux élèves ce qu’on peut faire avec des bouteilles. Nous avons pu fixer un rendez-vous avec la maîtresse d’école, ainsi que la directrice. Toutes les deux ont été conquises, et nous ont demandé de repasser quelques semaines après afin de leur présenter notre création.
Léa, 23 ans, en recherche d’emploi, Paris
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