Swahili M. 22/12/2022

« T’es une belle petite négresse »

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Swahili ne supporte plus les remarques racistes de son prof. Elle a décidé d’alerter le principal-adjoint du collège, qui n'a pas réagi.

Cela se passe en arts plastiques. Ce jour-là, je suis assez calme. Mon prof d’art commence le cours en évoquant un concert des Négresses vertes, où il n’y a que des Blancs. Pour moi, le nom du spectacle est une injure raciale. J’ai 14 ans, je suis noire de peau et je ne comprends toujours pas comment un groupe peut s’intituler comme ça en 2022 alors qu’il n’y a sur l’affiche que des personnes blanches. Pour moi, négresse est une injure, et ce genre d’injure je ne veux plus les laisser passer. Alors, je prends la parole pour dire : « Monsieur, c’est une injure raciale, cela ne peut pas être un spectacle avec des personnes de couleurs blanches. »

Le professeur me regarde en souriant et essaie de m’expliquer à plusieurs reprises que dans ce spectacle, « il y a quelques horizons africains ». Déjà, je ne comprends pas le mot horizon, et je ne suis toujours pas d’accord avec ce qu’il dit. Je le fais savoir. Et là, devant toute la classe, il lâche : « T’es une belle petite négresse ! »

Je suis tout simplement pétrifiée. Je rigole sous la pression, mais je n’en crois pas mes oreilles. Les personnes noires de ma classe sont sous le choc. Je me dis : « Wesh, mais faut que j’en parle. » C’est ce que j’ai fait le soir même. Je suis rentrée, j’en ai parlé à ma mère qui m’a conseillée d’aller voir le principal. J’ai tardé.

Je suis devenue sa cible

Un autre jour, un autre cours, mais toujours avec le même professeur. Cette fois, je suis vraiment excitée : je parle et je rigole, je suis vraiment toute joviale. Je me m’assoie, feuille Canson et crayon à la main, je gratte le papier avec. En même temps, je parle avec une de mes amies. Une élève de la classe pose une question que je trouve assez bête, et je lui fais cette remarque tout haut, spontanément. Sans le vouloir, ma phrase la blesse. Elle a les larmes aux yeux. Je me sens vraiment mal, je me lève pour aller m’excuser.

Là, le professeur commence à crier mon prénom dans toute la salle. Il dit que je dépasse les bornes ou je ne sais quoi et il m’exclut, à ma grande surprise pour les raisons suivantes : « insolence, chante en cour, se lève sans autorisation. » Je veux bien avouer que mon comportement était vraiment inapproprié, mais tout le monde se lève sans autorisation dans sa classe, sans pour autour être exclu. Comme je suis sa cible tout le temps, c’est à moi qu’il s’en est pris.

Pas de changement

À la suite de cette exclusion de cours, j’ai été collée avec la médiatrice du collège. J’ai alors décidé de lui parler de cette injure raciale que j’avais subie. Elle m’a directement menée vers le principal-adjoint à qui j’ai expliqué dans les moindres détails l’histoire.

J’ai aussi ajouté que ce professeur prenait des photos de personnes noires et les comparait à des personnes noires de la classe. Il m’a répondu qu’une enquête serait sûrement ouverte si cela se répétait sur le long terme. Mais, depuis ce jour, je vais au cours d’arts plastiques avec la boule au ventre. Je me sens mal.

J’entends souvent dire, sur les réseaux sociaux et par les professeurs, qu’il faut faire remonter les injures raciales aux adultes, mais je me demande encore si j’ai bien fait car il ne s’est toujours rien passé. Rien n’a changé.

Swahili, 15 ans, collégienne, Villiers-le-Bel

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