Appelez-moi Ben
Je suis un jeune homme transgenre. Ça veut dire que, quand je suis né, le docteur a dit : « Félicitations ! C’est une fille ! » Mon père s’est évanoui et j’ai poussé un cri.
Quand j’avais 7 ans, je jouais à être un garçon dans ma tête. Je m’appelais Liam. C’est le prénom que mes parents m’auraient donné si le docteur avait dit : « Félicitations ! C’est un petit garçon ! » En tant que Liam, j’aimais dessiner. Je voulais devenir jardinier et élever des papillons, et j’avais les cheveux aux épaules.
Quand j’ai eu 18 ans, j’ai perdu ma meilleure amie, et mon premier amour. Ça a tout chamboulé. Tout mon monde s’est effondré autour de moi. Je me suis retrouvé seul et nu dans ma tête. J’ai dû reconstruire. Ramasser les morceaux. Les recoller. Ressouder. Mais je ne savais pas reconstruire le monde d’avant. J’ai découvert, dans les décombres, des choses qui étaient là, mais je ne le savais pas. J’ai reconstruit autrement. J’ai changé. J’ai appris.
De ces choses que j’ai déterrées des éboulements de ma vie d’ado, j’en ai trouvé une que je n’ai d’abord pas comprise. J’ai creusé. J’ai fouiné. J’ai parlé. Je suis… Je ne suis pas une fille. Voilà ce que j’ai trouvé dans mon deuil.
Ni un délire, ni une réaction traumatique
C’était posé tout au fond, en-dessous des éboulis. J’ai tout remonté, réassemblé, ressoudé… et, dessous, il y avait cette chose que j’avais oubliée. J’ai fait de la place pour qu’elle puisse exister dans ma tête, avec le reste. Alors, je ne suis pas une fille. C’est pourtant ce que le docteur avait dit, quand je suis né et que ma mère pleurait et que mon père s’évanouissait. Je… suis qui ? Je suis moi.
J’ai 23 ans et il y a des années que j’ai trouvé la réponse. Je suis qui je veux, qui je suis, qui je crois que je suis. Et c’est tout. Et c’est beau. Et ça me suffit. Je suis comme moi. Pas tous les jours exactement le même, pas tout le temps fidèle. Je suis différent et semblable à tous les autres. Je suis infiniment plus qu’un genre et pleinement un genre tout de même. Je veux être à fond, être entièrement, être moi. Appelez-moi Ben ! Je suis un garçon. J’ai 23 ans. Je suis un homme.
Le décès de ma meilleure amie a été un élément déclencheur de beaucoup de choses dans ma vie. Alors bien sûr, c’est lié. Cependant, contrairement à ce que mes parents peuvent en dire, mon identité de genre n’est pas un délire, une réaction traumatique ou une manière de déplacer mon mal-être sur un problème plus « acceptable » pour moi (sérieusement, est-ce qu’être trans c’est plus acceptable qu’être traumatisé ? Que faire son deuil ? Qu’être amoureux·se de sa meilleure amie ? Non. Non, la réponse est non. Je me serais contenté de « lesbienne dépressive au passé torturé »).
Pouvoir aimer son corps
Aujourd’hui, ça fait quatre ans que je sais que je suis trans. Ou transgenre, c’est la même chose. Je ne dis pas « transexuel », car je n’aime pas ce mot. Certaines personnes trans l’utilisent pour parler d’elleux. Pour être sûr, il suffit en général de demander aux gens. Je considère que mon parcours a commencé le jour où j’ai commencé à me poser la question. Je suis satisfait de mon chemin de transition, même si je n’ai pas fait celle médicalisée pour l’instant.
Je considère que mon corps est celui d’une personne masculine, peu importe ses attributs ou le regard que les inconnus portent sur lui. Je voudrais avoir une voix plus grave et gagner un peu en masse. Pour ça, je peux faire des exercices d’orthophonie et de musculation. Je ne ressens pas le besoin de changer. C’est vrai aujourd’hui, ça ne sera pas forcément vrai demain.
Ben, 24 ans, Trégastel