Trouble peine
Dès mon plus jeune âge, mes parents remarquent une lenteur chez moi. Je suis lent pour apprendre à marcher, lent pour apprendre à faire mes lacets. En classe de CP, d’autres difficultés apparaissent : un retard dans l’apprentissage de la lecture, du calcul, un problème physique par rapport à l’une de mes oreilles opérée quatre fois, à cause d’otites à répétition.
La maîtresse parle de mes difficultés à mes parents. Ils prennent de nombreux rendez-vous avec des pédopsychiatres et des orthophonistes. Tous concluent que j’ai un trouble, mais ils ne savent pas le définir. Sur mon dossier, il est écrit que j’ai des troubles globaux de l’apprentissage.
Ces retards m’obligent à redoubler. Mes parents se battent pour que je bénéficie d’une AESH, ça veut dire accompagnante d’élèves en situation de handicap. Ça m’aide énormément. En CE1, la maîtresse propose à mes parents de passer en classe spécialisée pour élèves en situation de handicap. Ils refusent, au vu de mes résultats scolaires. Je continue une scolarité classique avec une AESH.
J’arrive au collège. Je suis toujours dans une scolarité « normale ». Je suis suivi par une psychomotricienne parce que mes parents me trouvent maladroit, que je n’arrive pas à canaliser mes gestes et que j’ai du mal à me poser. Je veux faire les choses rapidement mais je n’y arrive pas toujours.
Ascension des mentions
Au collège, une AESH m’accompagne 18 heures par semaine. C’est le fruit d’une bataille de mes parents avec les nombreux dossiers qu’ils doivent faire à l’attention de l’organisme décisionnaire pour l’accompagnement, la MDPH (maison départementale des personnes handicapées). Je passe toutes mes classes sans problème. J’obtiens mon brevet avec une mention assez bien.
En classe de troisième, je suis des séances avec une ergothérapeute. Je n’ai plus d’orthophoniste, plus de psychomotricienne. L’ergothérapeute m’apprend à utiliser un ordinateur. Elle pense que c’est une solution à ma lenteur pour écrire. Je le perçois d’abord comme un échec. Je pense que les autres élèves vont le voir comme le signe d’un handicap. Très vite, en fait, je m’en fiche complètement.
Au lycée, j’ai de nouveau une AESH. Je suis dans la filière technologique ST2S, sciences et technologies de la santé et du social. Je passe les trois années assez facilement. Mes lacunes d’avant disparaissent. Je tape sur l’ordinateur rapidement. J’écoute davantage le prof, ça me permet de mieux comprendre. En terminale, j’obtiens mon bac avec mention bien.
Rebondir
Sur Parcoursup, je choisis de m’orienter vers des études d’infirmier. Je me dis que c’est peut-être bien pour moi et que c’est à ma portée. J’ai envie d’aider les autres, de les soigner. Les cours se passent bien, j’ai un ordinateur, mais comme la majorité en possèdent un, je me fonds dans la masse.
Le premier stage se passe bien. Je suis dans un Ehpad. Je réussis tous les partiels du premier semestre avec les aménagements d’épreuve dont je bénéficie. Durant le second semestre, je me sens toujours à l’aise en cours. Je fais un stage en psychiatrie qui se passe plutôt bien. Je valide tous mes partiels. Je suis très content.
Le troisième stage se passe mal. Mes gestes ne sont pas maîtrisés. Mon niveau n’est pas satisfaisant et je m’en rends compte. Les aides-soignants m’évaluent. C’est vrai, j’ai du mal à être rapide et précis, sans faire mal au patient. Je quitte ce stage.
J’en fais un autre, de rattrapage, pendant les vacances d’été, en psychiatrie pour personnes âgées. C’est de loin le meilleur de l’année. Je rencontre des soignants à mon écoute qui m’aident à être à l’aise avec les patients. Je peux aider les personnes par la parole en trouvant les mots justes. Ça me plaît beaucoup. Mais l’écoute et les discussions, ce n’est pas le métier d’infirmier.
Selon mes tutrices de stage, mes travaux écrits théoriques sont très bons, mais dans la pratique je n’ai pas acquis le niveau aide-soignant. Mon trouble me pénalise toujours. La directrice me dit que ça va peut-être poser problème l’an prochain, même si je redouble. Alors je choisis d’arrêter.
Mes formateurs m’accompagnent. Je cherche avec eux une formation de « secours » pouvant me plaire. Je me tourne vers le BTS ST3S, services et prestations des secteurs sanitaire et social, de mon ancien lycée. J’y suis. Tout se passe bien. Mon objectif, maintenant, c’est une carrière dans le social. À moi de réussir !
Romain, 20 ans, lycéen, Brest
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